Charlotte hocha la tête. Elle savait d'expérience que c'était effectivement les raisons les plus fréquentes pour lesquelles les jeunes femmes se prostituaient : un rêve de vie qui vole en éclat, les soucis financiers et un soi-disant ami qui vous suggérait que la prostitution, c'était la bonne solution. Elle ne se souvenait pas d'avoir rencontré pendant toutes ces années à la criminelle une seule prostituée qui ai choisi ce job parce qu'elle y trouvait du plaisir. C'était du baratin, rien de plus.
Faire l’amour d’après le calendrier, puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom, donc l’amour planifié… franchement, chéri, ça me soûle. Depuis un an, on couche ensemble du douzième jour au dix-huitième jour de mon cycle, qu’on en ait envie ou pas. J’ai parfois l’impression d’être une vache qui doit se faire inséminer. J’ai tout simplement envie de faire l’amour de nouveau avec toi sans que tout tourne autour de l’ovulation et de la fécondation.
Le monde entier est peint, dit-elle doucement. Ou il est en train de se liquéfier.
Oui ce serait une possibilité, mais Charlotte n’y croyait pas. Car pour cela, tout ce qu’elle voyait était trop beau.
Elle voulut lever Le bras, mais ça ne marchait pas. Son corps ne lui obéissait plus. D’un coup, son cœur s’emballa. La succinylcholine, pensa-t-elle subitement. Le relaxant musculaire.
Cette leçon aussi, il l’avait déjà apprise. On n’échappe pas à son passé.
Pourtant, le suicide n’avait jamais été une option pour lui. Il avait connu pas mal d’emmerdes dans sa vie, mais jamais il n’avait envisagé de mettre lui-même fin à tout ça. Ca venait peut être du fait que ses débuts dans la vie avaient été si compliqués et que c’était presque un miracle qu’aujourd’hui, il soit assis là . Oui, peut-être était-ce la raison pour laquelle il avait toujours su apprécier la vie, même si elle partait en vrille.
C’était au moins aussi barbare que les meurtres eux- mêmes.
Il choisit les scènes de crime de manière ciblée, peut être pour mettre ces femmes face à cette partie de leur vie particulièrement reprehensible à ses yeux. Dans un cas comme dans l’autre nous pouvons supposer que l’assassin connaissait ses victimes.
Elle savait bien pourquoi il faisait des blagues aussi nulles. C’était sa façon à lui de tenir l’horreur à distance.
Quelqu’un avait fait de lui le personnage principal d’un jeu mortel. Et il n’était pas fichu d’imaginer comment il allait pouvoir se sortir de là.