AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782081300156
216 pages
Flammarion (18/02/2015)
3.5/5   4 notes
Résumé :
Le bonheur est devenu la grande illusion de la philosophie. Aujourd'hui, de nombreux philosophes - et non des moindres - célèbrent sans fin plaisir, vie bonne ou joie d'une vie philosophique. Ils promettent, à tous ceux qui veulent les croire, que la philosophie va changer leur existence, pacifier leur vie, leur garantir la sérénité. En un mot : les rendre heureux.
Ce vieux rêve, né dans l'Antiquité, avait pourtant été radicalement abandonné. Il revient en f... >Voir plus
Que lire après La philosophie ne fait pas le bonheurVoir plus
Citations et extraits (97) Voir plus Ajouter une citation
Il est peu intéressant, mais pas faux, de remarquer que tous les vivants préfèrent le plaisir à la douleur, l’agrément au tourment, la joie à la peine. Si le désir de bonheur se résume à cela, il est aisé de consentir à son universalité. Le constat revient pratiquement à souligner que les vivants veulent vivre, tiennent à se préserver, ne cherchent pas leur écrasement, leur souffrance et leur mort. Ce qui est vrai, et peu instructif. Mais vrai en partie seulement.
Car ce lien entre pulsion de vie et bonheur est évidemment plus complexe que ce constat trivial. La complication ne vient pas du calcul des plaisirs et des peines : tout le monde a compris, depuis l’Antiquité, qu’on peut choisir une douleur pour en éviter d’autres (le mauvais goût d’un médicament, et pour nous Modernes les suites d’une intervention chirurgicale, ou les effets secondaires d’une chimiothérapie, par exemple). C’est donc au nom du bonheur qu’on endure une misère, qu’on choisit une souffrance, qui n’est pas désirée pour elle-même mais comme un moyen de souffrir moins.
La complication ne vient pas non plus du masochisme, si on le cantonne au désir de souffrir. Si la douleur fait jouir, c’est bien la jouissance qu’on choisit à travers la douleur, et non la douleur elle-même. Le paradoxe n’est donc qu’apparent. En fait, il n’existe pas. C’est toujours et encore le plaisir qui prime et, en fin de compte, la vie qui gagne.
Si on en reste là – ce que fait la philo-bonheur –, le négatif semble ne pas exister. De même que Socrate, dans le Gorgias, soutient que « nul n’est méchant volontairement », de même la philo-bonheur pourrait soutenir que « nul n’est malheureux volontairement ». La thèse de Socrate est finalement qu’il ne saurait exister de volonté négative : tout désir serait en fin de compte un désir du bien, même si on se trompe de bien. Le criminel, selon Socrate, ne veut pas « le mal », il se trompe seulement de bien, en désirant sa propre vengeance, ou sa réussite personnelle. Il n’est pas destructeur, mais ignorant. Il fait erreur, c’est tout.
Commenter  J’apprécie          00
En effet, il suffit à tout un chacun de regarder autour de soi pour constater l’omniprésence du bonheurisme philosophique. À quoi bon souligner ce que tout le monde a sous les yeux ? La question qui importe n’est pas le constat : de cette pseudo-philo supposée garantir le bonheur, tout est visible, offert, à disposition. Il ne s’agit donc pas de la découvrir, encore moins d’en établir l’existence. Il faut seulement se demander pourquoi elle suscite si peu de moqueries et de protestations, sur quels postulats elle repose, comment elle s’est mise en place, à quoi elle sert, à quel besoin elle correspond. Pourquoi donc acceptons-nous de subir sans broncher cette langoureuse mélopée du bonheur philosophique qui s’est mise à nous bercer, depuis quelque temps, de ses aimables conseils, ses suaves préceptes, ses encouragements attentionnés ? Elle nous entoure et nous enfume, me semble-t-il, d’une doucereuse atmosphère de sacristie, d’une malsaine ambiance de clergé. Le chœur involontaire des philosophes du bonheur me fait songer à ce groupe vocal qui s’est dénommé « Les prêtres » et enregistre, avec un déconcertant mélange de conviction et de componction, les vieux tubes qui cartonnent dans les hospices.
Commenter  J’apprécie          00
Du coup, vouloir faire croire que les existences humaines sont meilleures si elles sont sereines, débarrassées de l’anxiété, des angoisses, des tourments, si elles sont adonnées en permanence à une succession de plaisirs, de distractions, de rires, de sourires ou même de simple bien-être, si on ne dit que cela, équivaut à une négation de la force de la vie. Imprévisible, sans principe, sans autorité, véritablement anarchique au sens propre du terme, la vie est toujours différente de ce que l’on veut lui imposer. Vouloir la faire entrer dans le moule du bonheur sans négativité, dans le fond, revient à vouloir la tuer, sans se salir les mains. Pour cette raison, il s’agit bien, à mes yeux, d’une abjection. Le second motif est d’ordre historique et philosophique. Il y a en effet une contradiction fondamentale entre le bonheur philosophique tel que les Anciens le décrivaient et le bonheur qu’on nous présente aujourd’hui comme désirable. Pour Socrate, qu’on lise par exemple Gorgias , le bonheur est lié à la vertu, au respect du bien : le tyran ne peut pas être heureux, lui qui va de plaisir en plaisir, de caprice en caprice, de cruauté en cruauté, de manière à la fois insatiable et instable.
Commenter  J’apprécie          00
Dans l’Antiquité, même chez un philosophe du plaisir et du corps comme Épicure, il s’agit de couper des désirs, de pratiquer une forme d’amputation qui n’a rigoureusement rien à voir avec l’idée de « vivre sans temps morts et jouir sans entraves ». Épicure, comme par ailleurs le Bouddha, se compare à un chirurgien qui soigne, redresse mais aussi supprime des égarements pour procurer une forme d’équilibre. Leur question n’est pas : « Pour quelle satisfaction allez-vous craquer ? À quels plaisirs allez-vous céder ? Quels désirs allez-vous réaliser pour être heureux ? » Leur interrogation centrale est au contraire : « De quoi allez-vous donc devoir vous séparer ? Qu’allez-vous laisser tomber ? De quoi devez-vous vous détacher ? » Épicurisme ou bouddhisme, mais aussi stoïcisme, cynisme, scepticisme sont des thérapies de l’austérité, du renoncement, voire de l’amputation – bien plus que des méthodes d’acquisition du bonheur par la jouissance.
Commenter  J’apprécie          00
À partir de l’Âge classique, le philosophe n’est plus sage ni saint, mais homme de la raison. Il se confond désormais, le plus souvent, avec le savant.
Impossible d’oublier que les philosophes, jusqu’au XIXe siècle, sont mathématiciens, géomètres et algébristes, physiciens, chimistes, médecins, physiologues, économistes, biologistes, naturalistes, géographes et géologues. La primauté de l’idéal rationnel dans la connaissance vaut également pour la construction de leur morale. La science, sous toutes ses formes, dans toutes ses acceptions, l’emporte sur l’antique idéal de sagesse. Il s’agit moins de vivre que de connaître. Au lieu de transformer son existence intime, on veut établir des certitudes impersonnelles. Elles concernent les mathématiques, les lois du cosmos, le fonctionnement de la matière – plutôt que l’humilité, la tempérance ou le courage.
Commenter  J’apprécie          00

Lire un extrait
Videos de Roger-Pol Droit (32) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Roger-Pol Droit
C à vous https://bit.ly/CaVousReplay C à vous la suite https://bit.ly/ReplayCaVousLaSuite — Abonnez-vous à la chaîne YouTube de #CàVous ! https://bit.ly/2wPCDDa — Et retrouvez-nous sur : | Notre site : https://www.france.tv/france-5/c-a-vous/ | Facebook : https://www.facebook.com/cavousf5/ | Twitter : https://twitter.com/CavousF5 | Instagram : https://www.instagram.com/c_a_vous/ Invité : Roger-Pol Droit - Écrivain & philosophe • le pouvoir destructeur des mots • Réseaux sociaux : la calomnie démultipliée • Alerte sur les conséquences du cyberharcèlement
autres livres classés : philosophieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (10) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}