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De mères en filles tome 1 sur 4
EAN : 9782266263627
416 pages
Pocket (13/07/2016)
3.63/5   55 notes
Résumé :
Provence, 1890. Alice Martin naît de l’union illégitime entre un homme marié et sa jeune belle-sœur. Le destin voudra qu’elle grandisse sous la garde de son père naturel et de son épouse, qui ignore tout des origines de sa fille adoptive. Perpétuellement en quête d’amour et de vérité, elle trouvera dans la pratique du piano son seul réconfort.Claudio Calvino, un immigrant italien pauvre, travaille sur le parvis de l’Opéra de Lille. Sa vie bascule lorsqu’un maestro l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Le roman commence en Provence avec Jeanne Martin, 16 ans, fille d'un riche banquier.
Jeanne est enceinte de son beau-frère, Maurice Achard, mari de sa soeur.
Pour l'instant, elle se cache et accouche d'une petite fille ,Alice, une enfant qui connaîtra beaucoup de séparations avec ses mères de remplacement et reviendra pour finir dans l'entourage de sa vraie mère.
Alice est une excellente pianiste et bien que mariée et mère d'une petite fille, elle tombe amoureuse d'un chanteur d'opéra qu'elle suit au Canada.
"De mères en filles" est une belle romance qui se situe au début du vingtième siècle où deux classes sociales se montrent à nous : les très riches et les très pauvres, trop besogneux. La plupart du temps, on évolue plutôt parmi les nantis.
L'auteure nous annonce habilement plusieurs fois l'évènement qui va arriver. Cela crée une effet tout à fait spécial.
C'est une histoire agréable à lire quand on a envie d'un roman simple, avec de vrais sentiments, dans une époque différente de la nôtre.
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Une saga familiale, qui commence avec un rythme lent, puis qui s'accélère.
Alice est ballottée de famille en famille, elle la fille illégitime, et va finalement être adoptée par Marianne qui ne pourra jamais mener une grossesse à terme. Marianne qui est si maternelle avec Alice, Marianne qui adore sa jeune soeur Jeanne, mais ignore qu'Alice est sa fille, et celle de son mari aussi ! Alice, renfermée, ne trouvera le bonheur que dans le piano, la musique.
Parallèlement, nous découvrons le destin de Claudio, un jeune Italien, qui au début de l'histoire travaille sur des chantiers. Pauvre, issu d'une famille sans grand espoir, il va quand même être fasciné par les chanteurs et musiciens de l'opéra, et sa vie va prendre un tour inattendu.
Il va travailler d'arrache-pied pour sortir de la misère et vivre de son art, inspiré par le grand Caruso.
Un jour, Alice et Claudio se rencontrent et c'est le coup de foudre. Mais quel avenir peut avoir ce couple, alors qu'Alice est mariée et déjà mère d'une petite Annabelle ?
Une lecture plaisante et romanesque, qui donne envie de lire la suite.
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Ce roman est accrocheur, porteur d'histoire. Sincèrement j'ai beaucoup aimé le récit de Jeanne et de sa fille, Alice. Ce livre se compose en plusieurs temps : celui de la naissance d'Alice, celui de son enfance, de son adolescence et finalement le temps d'être mère à son tour. On ne raconte pas seulement une romance, c'est surtout une synopsis familiale, sur l'époque 1890 - 1930, en quarante années nous voyions les évolutions, les guerres, l'économie mondiale. Au final, on apprend beaucoup de cette oeuvre ; autant d'émotion que de faits réels. On rentre dans la vie des personnages sans restrictions, malgré que le texte ne soit pas à la première personne. Je me suis attachée à la vie d'Alice, à son amour pour ce baryton, à ses filles différentes les unes des autres, à sa tante et à sa bienveillante fée marraine, Clara. On passe un beau moment, doux et violent, seulement la fin me laisse un goût amer ; de pas assez.

Alice est une enfant solitaire, ne parlant jamais. Au moment de sa rencontre avec la musique, cet instrument magnifié ; le piano, une passionnée naît. Commence alors notre périple à ses côtés. Intelligente, elle perçoit chacun de ses ballotements, ne trouvant aucun vrai refuge. de la Provence française à la Capitale, de celle-ci à l'Angleterre, revenant à Paris pour découvrir par la suite la Suisse. de là, la France redevient son foyer jusqu'à former sa famille en Suisse, tout ne se termine pas, elle part une nouvelle fois en France pour partir derrière l'Atlantique, Boston. de retour en France, de nouveau en Suisse, et encore en France ; jusqu'au moment où elle prend le bateau pour aller sur les terres du Canada et bien des années plus tard, elle recommence en France. Tant de voyage, tant de mouvement pour une si belle âme. Elle ne se sent pas réellement à sa place, pourtant aimée de tous ; de son père, de sa tante, de sa nourrice, de son coup de foudre et de ses filles. Seul, le manque de sa mère est présent quand elle découvre la vérité sur ses origines. Je me suis prise d'attachement pour cette petite fille, pour cette jeune femme perdue, pour cette femme mère huit fois ; admirable, libre et enflammée de piano.

Claudio, jeune homme italien de quinze ans, en France il travaille comme maçon avec ses frères et son père. En construisant le Conservatoire de Lille, il renoue avec la musique et il s'entraîne dès que possible. Quand quelqu'un le remarque enfin, sa vie change du tout au tout ; une aide lui est venue. C'est un personnage qu'on apprécie au fil des pages, sa passion pour le chant est de plus en plus présente. Mais c'est au moment où il vient consoler cette jeune fille qu'il rentre dans notre coeur. Un homme droit, sincère, parfois un peu trop raisonnable sur les bords, les pieds sur terre.

Cette histoire d'amour est très intéressante, mais surtout très touchante sur le point des problèmes d'argent ou sur le fait d'avoir le mal du pays. Entre Alice et Claudio, un lien passionnel se crée. Bien au-delà des conventions sociales, des différences et des secrets. Ainsi, nous apprenons qu'il n'y a pas de liberté en ce temps-là ; ou alors ça tombe dans les mailles du filet et on perd ce qu'on a de plus cher au monde. L'histoire d'Alice est triste, tout en étant pleine de surprise et de joie, d'amour. C'est un beau roman, différent, historique. Ici, le mystère est présent sans toutefois l'être ; on sait déjà qui est la mère d'Alice, mais nous attendons la rencontre entre Claudio et elle, c'est là qu'est la surprise. Pour moi, cette romance est originale ; c'est un mélange de faits passés et de contemporain. Les thèmes, la musique, les liens familiaux et amicaux, les voyages ; tout est rempli d'émotion malgré une narration à la 3ème personne du singulier.

Dominique Drouin est une auteur qui se détache vraiment, avec un style propre à elle. Je suis étonnée et plus que satisfaite de ma lecture, grâce en partie à la plume. La fluidité expose une grande douceur, des phrases simples et pourtant magnifiques, avec un vocabulaire à la fois classique et moderne.

« Alice » est le premier volume de la saga « De mères en filles » et je ne suis aucunement déçue par cette découverte. Les protagonistes m'ont marqué du début à la fin, que ce soit l'héroïne et son histoire, tout comme Claudio que j'ai apprécié à sa juste valeur. Un récit vrai, authentique et envoûtant ; contenant autant de sentiment que de faits historiques. de plus, c'est un bonheur de lire ce genre de plume avec une synopsis presque hors du commun. le tout se déroule sous plusieurs années, évidemment cela donne une grande évolution et des informations passionnantes.
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Dominique Drouin : « de mères en filles » Saga familiale composée de 4 romans : Tome 1 : « Alice » - Tome 2 : « Ariane » (Pas encore lu les tomes 3 (« AnaÏs » et 4 « Ava »).
J'ai gardé la nostalgie des séries estivales qui passaient à la télévision : « La rivière Espérance », « le château des oliviers », « Terre Indigo »… C'est pourquoi, chaque été, je lis des sagas.
Tome 1 : « Alice » 416 pages
Jeanne Martin, 16 ans, tombe amoureuse de son beau-frère et accouche, dans le plus grand secret, de leur enfant prénommée Alice. Envoyée dans plusieurs foyers, son père naturel finit par l'adopter, car son épouse ne peut avoir d'enfant. La tante et la petite fille ignorent leur parenté, mais, très vite, toutes d'eux s'apprivoisent grâce au piano. Alice ne communique, ne vit que par son instrument.
Parallèlement, le jeune Claudio Calvino, cadet d'une famille immigrée pauvre, travaille sur le parvis de l'opéra de Lille. le soir, après son travail, il répète les leçons entendues. Surpris par un des maîtres, il est aussitôt admis comme élève, tant sa voix est admirable. Mais, son père renie ce fils qu'il imagine honteux des siens.
Alice et Claudio se rencontrent, unis par leur amour exclusif pour la musique. Mais, tous deux appartiennent à des mondes différents. Claudio risquera-t-il un scandale qui pourrait détruire ses années de sacrifices ? Et Alice, si souvent abandonnée, pourra-t-elle supporter d'être, une fois encore, séparée d'un être cher ?
Si la première partie est assez lente à se mettre en place, l'ensemble du roman est fort agréable à lire. Alice et Claudio sont des êtres sensibles, extrêmement attachants. L'auteur a inséré avec intelligence et subtilité les renseignements sur la condition de la femme de la bourgeoisie française, et sur celle des familles immigrées italiennes. Sans oublier de nombreuses informations sur l'opéra.
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Plus qu'un roman sentimental ou une saga familiale, ce premier tome de "de mères en filles" est la photographie de la perception de la femme à la fin du 19éme et au début du 20éme siècle dans un milieu bourgeois. Alice, élevée dans le secret honteux de sa naissance, va se battre pour pouvoir faire accepter ses choix dans un monde où les femmes doivent se soumettre à leur famille, avant de dépendre entièrement de leur mari et où on doit rester entre soi.
Claudio, lui est un immigré italien, maçon et second fils d'un maçon, il se découvre une passion pour le chant lyrique. Il devra aussi se battre pour sortir de sa condition et réussir dans sa voie.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Été 1890. À quelques kilomètres du village de Gassin, au milieu des mas et de leurs vignobles, se cache une villa somptueuse. Le soleil tout juste levé chauffe déjà tout ce qui se trouve sur son passage, et ce inlassablement jusqu'à la nuit, qui survient tard... Les stridulations des grillons fendent le ciel. L'opulente demeure semble endormie dans la torpeur ambiante. Ici, sous la chaleur et la luminosité accablantes, tout aspire au repos, au relâchement. Rien ne presse, personne n'exige quoi que ce soit. Jeanne Martin, alanguie, somnole dans la salle de séjour ouverte sur le plan d'eau décoré d'angelots à jamais immobiles, et se demande combien de temps encore elle pourra préserver cet état de plénitude dans lequel elle se complaît. Elle tend la main vers le plateau en argent, posé sur l'élégante table de fer forgé garnie en permanence de pêches, de prunes et de figues gorgées de soleil, cueillies à même les arbres du jardin. Elle saisit un fruit juteux, le savoure lentement. De sa main libre, elle agite en un mouvement régulier un éventail d'ivoire finement ciselé qui envoie vers son visage un souffle d'air frais. Si tout pouvait rester ainsi, figé dans la chaleur et la beauté.
Par habitude, elle porte une main caressante sur son ventre et réconforte le petit être lové en elle, l'enfant qui l'accompagne partout où elle va, cette vie qui l'habite et à qui elle s'adresse, constamment, pour un oui ou pour un non... ¥e jardinier est encore soûl, ce matin... Il vient de tomber, les quatre fers en l'air, au beau milieu des roses... La jeune femme commente tout ce qui fait son quotidien, comme si elle se confiait à quelque ami imaginaire. Depuis plusieurs mois, aucun de ses camarades d'autrefois n'est venu ni la saluer, ni prendre de ses nouvelles. Elle s'est exilée. Elle n'a d'échanges qu'avec les employés de la maison, gentils, polis, mais distants. Quelle importance, se répète-t-elle pour se convaincre, tous ces gens qui se disaient mes amis m'ennuyaient, de toute façon ! Je n'ai que ce que mérite une femme adultère, une maîtresse qui s'est offerte à un homme interdit, son propre beau-frère, l'époux de sa soeur unique et adorée !
Jeanne ne peut réprimer un soupir que Mariette, la femme de ménage assignée à l'entretien de la villa, remarque :
- Si vous avez envie de quelque chose, Madame...
- Avez-vous des enfants, Mariette ?
- Bien sûr, Madame, j'en ai trois déjà, des garçons bien costauds.
- Puisque vous avez l'expérience des enfants, vous devriez pouvoir m'aider. Je voudrais empêcher que le mien vienne au monde.
- Au point où vous en êtes, il est beaucoup trop tard... D'ici un mois, deux tout au plus, vous serez libérée; et je me trompe rarement là-dessus.
- Vous ne saisissez pas. Je veux garder ce bébé en moi, qu'il vive en moi, toujours... implore-t-elle tandis qu'une larme roule sur sa joue rosie par le soleil de Provence.
- S'il existe un moyen, je ne le connais pas, Madame, et vous m'en voyez bien désolée. Je vous jure que si je savais... rétorque la pauvre Mariette, gênée par les lubies de plus en plus étranges de sa patronne.
- Faites qu'il ne naisse pas, Mariette, et j'assurerai votre avenir...
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Pendant ce temps, à Paris, deux hommes attablés de part et d’autre d’un magnifique bureau d’acajou, devisent à propos du téléphone, cet appareil magique désormais disponible dans la capitale et qui facilite tellement leur travail. Le service a d’ailleurs été étendu à d’autres villes, dont Lyon, Rouen, Marseille et même Bruxelles ! Les hommes cherchent à éviter le sujet de la grossesse plus que gênante de celle qui est la fille de l’un et la belle-sœur de l’autre, et qui constitue pourtant le motif de leur rencontre. Dans leurs rêves les plus fous, l’enfant ne parviendrait jamais à son terme ou, mieux, il n’aurait jamais existé. Au milieu de cette pièce, qui pourrait loger facilement une quinzaine de familles pauvres comme on en croise tant dans la ville ces derniers temps, Maurice Achard et Jean-Jacques Martin, son beau-père, bavardent de tout autre chose pour tromper la réelle raison de leur réunion, cet enfant à naître, pour lequel il faudra bien prendre des dispositions.

Ils discutent longuement de la chute du prix des denrées alimentaires aussi inexplicable qu’imprévisible, de ces tissus qui se vendent au rabais, non sans aborder ensuite la qualité de plusieurs caisses d’un cru exceptionnel qui s’est avérée décevante. Ils maudissent les socialistes, s’attardent enfin sur la chaleur des derniers jours et du temps qu’il fera cet été pour les vacances. À l’évocation de la mer, un malaise interrompt la conversation. Dans l’esprit des deux banquiers, un visage se dessine avec une netteté que ni l’un ni l’autre ne veut admettre. Exilée en Provence, Jeanne implore la faveur de garder son enfant. Pourtant, cela rendrait la vie impossible à Maurice, et il l’a maintes fois répété. Jean-Jacques Martin propose une solution :

– Je crois que le mieux, ce serait encore d’envoyer le nouveau-né en Italie. Car les Italiennes sont de bonnes nourrices et ne sont pas voraces sur leurs gages.

Pour toute réponse, Maurice Achard se racle la gorge ; concentré sur cette gêne qui le force à avaler sa salive, il n’ajoute rien, ce qui constitue une sorte d’acquiescement. Jean-Jacques respire mieux et pousse un soupir de contentement. L’atmosphère dans la pièce devient soudain plus légère : voilà un problème bien résolu ! L’Italie, c’est un joli pays ! Les gens qui en viennent sont à jamais empreints d’une énergie joyeuse. Et puis, cela donnera une belle occasion de fournir à une personne en grand besoin de quoi gagner son pain aisément ! Car ces nourrices, on le sait, sont faites pour allaiter, élever, chérir les enfants. Les Italiennes, encore plus que les autres, ont cette vocation et ne manquent jamais de lait. Ainsi, la décision s’apparente à une bonne action !

Un fiacre passe dans la rue, juste sous la fenêtre. Jean-Jacques se lève aussitôt pour se consacrer à son incontrôlable manie, celle de parier sur la couleur du cheval. Un jour de chance s’annonce, la bête est blanche… Maurice Achard, fatigué et soulagé d’en avoir terminé avec cette rencontre mille fois reportée, ferme les yeux et pense au jour où toute cette histoire ne constituera plus qu’un mauvais souvenir. Il déteste éprouver cette tension physique, l’ombre de cette culpabilité, comme une brûlure qui remonte à sa gorge. Il déglutit de nouveau, espérant vainement éteindre le feu du remords qui noircit sa vie depuis qu’il s’est épris de la sœur de son épouse légitime. Mentalement, il demande pardon pour ce faux pas qui met beaucoup de gens dans l’embarras. Heureusement, sa femme ignore tout de « l’accident ».

À quatre cents kilomètres de là, Marianne Achard, assise à son secrétaire, déplie une feuille de papier blanc et odorant, dans un geste qui la réconforte : écrire à ceux qu’elle aime lui procure en effet une satisfaction profonde. S’échappant de la feuille parfumée au lilas, un effluve de printemps se répand quelques instants autour de l’encrier. La brume des petits matins de Londres ne s’est pas encore dissipée même si midi approche. Marianne s’installe confortablement, prend le temps de se remémorer le visage de son époux, qui lui manque. Elle se demande pourquoi elle habite cette ville de brouillard et de bruine, alors que son mari passe de plus en plus de temps en France. Combien de fois a-t-elle posé la question à son conjoint sans obtenir de réponse cohérente ? Ne pourrait-elle pas, à tout le moins, accompagner Maurice quand il voyage à Paris pour affaires ? Cela lui donnerait l’occasion de rendre visite à sa famille, à son père, Jean-Jacques Martin, à sa mère, Élise, et surtout à Jeanne, sa sœur chérie, de seize ans sa cadette, presque sa fille, qu’elle n’a pas vue depuis bien trop longtemps, près d’une année. Quels motifs expliquent les refus de Maurice et son entêtement à la maintenir ici, dans cet appartement immense, aux sols de marbre toujours glacés, dont les fenêtres donnent sur un ciel trop souvent nuageux ? Perdue dans ses questionnements, elle caresse du bout des doigts les plumes colorées et tente de dominer le sentiment de frustration qui l’étreint. Marianne Achard doit se l’avouer : aucun palace, fût-il le plus somptueux, ne lui fera oublier celle qu’elle a pour ainsi dire élevée, et le terrible manque que son absence lui cause. Le vide de son existence lui semble d’autant plus grand qu’elle doit faire face, mois après mois, année après année, à son incapacité à mettre une descendance au monde. Marianne a l’impression de tourner en rond dans une cage, à tel point qu’elle crie parfois pour éloigner la folie de se sentir toujours si seule. Les larmes lui picotent les yeux, mais elle se ressaisit, se redresse, inspire longuement. Comment ose-t-elle se plaindre ? Elle qui vit dans un luxe presque écœurant, bien à l’abri du besoin, au milieu de soieries brodées d’or, de piqués aux motifs les plus complexes et de dentelles importées. Elle qui se nourrit des aliments les plus coûteux et les plus rares, qui a accès au meilleur, à ce qui est hors de prix, et qui parfois s’en lasse.

Marianne s’assied bien droite sur la chaise, saisit une plume bleue, sa couleur favorite, pose le poignet sur le coin de la feuille et se met à écrire : Mon irremplaçable et tendre sœur…

Après quelques mots, la jeune femme s’interrompt d’écrire. Incertaine, elle se demande s’il est judicieux d’aborder avec sa benjamine un sujet aussi douloureux mais obsédant que celui de ses grossesses difficiles. De tant d’années sa cadette, Jeanne ignore probablement tout des soucis qui préoccupent sa sœur aînée. Ne risque-t-elle pas, en lui parlant d’une situation aussi délicate, de bouleverser sa sœur en l’éveillant à des réalités qui l’effrayeront, ou pire, la dégoûteront du mariage et des hommes ? Toutefois, Marianne ne peut, sur la question, s’ouvrir à personne d’autre, pas même à son mari, de peur de le décevoir une fois de trop. Je rentre tout juste d’une visite chez le médecin, vous savez, le Dr Borden que je vous ai tant vanté. Il m’a annoncé une nouvelle à laquelle je ne crois pas encore, mais qui me transporte d’une joie si grande qu’il me faut la partager. Je tremble fort à la simple idée de vous l’écrire et de l’officialiser sur un bout de papier… Tandis qu’elle aligne les mots et sent grandir son bonheur, elle perçoit, au loin, la voix d’un chanteur qui fait ses vocalises ; ce sont les premières notes d’une répétition pour le spectacle qui aura lieu au Royal Albert Hall, tout à côté de chez elle. Le chant des hommes est certainement, d’entre tous les arts, celui qui lui apporte le réconfort le plus intense et qui lui donne la force de voir le côté positif des choses. Le Dr Borden m’a appris que, cette fois, la grossesse a passé le cap fatidique, celui qu’habituellement je ne franchis pas. En d’autres mots, ma chère sœur et amie, si tout se déroule normalement, je devrais enfin devenir mère d’ici quelques mois. Je n’ose encore y croire et vous demande de ne dévoiler à personne cette nouvelle pourtant si réjouissante. Ni à notre mère ni à notre père, et surtout pas à Maurice si, par hasard, vous le croisiez à Paris. Laissez-moi le privilège de me charger moi-même de lui faire cette annonce qui lui procurera certainement le plus grand des plaisirs ! Car existe-t-il sur la terre fonction plus essentielle que celle de devenir parent ? Dire mon exaltation d’y accéder enfin m’est impossible, après tant de tentatives déçues, tant d’années à entretenir l’espoir, à craindre que la vieillesse ne me ravisse à jamais mon rêve, voilà que mes prières seront exaucées, si tout se poursuit comme cela adébuté.

Marianne relève la tête. Les vocalises se sont tues pour céder la place aux éclats de voix des instrumentistes venus s’installer. Marianne regarde autour d’elle, presque étonnée de ne pas trouver Jeanne penchée au-dessus de son épaule, lisant sa lettre et se réjouissant avec elle de cette annonce tant espérée. Dans un geste brusque et sec, elle attrape la feuille noircie de toutes ces paroles d’allégresse, la chiffonne en boule et la lance au panier. Son intermède est terminé : seule et revenue dans la réalité, elle entame une nouvelle missive, sur un ton beaucoup plus posé cette fois et conforme aux propos que doit tenir une aînée de bonne famille à sa sœur de seize ans sa cadette. Ma sœur chérie, que je n’ai pas vue depuis beaucoup trop longtemps… l’écriture, mécanique, se poursuit sur le papier, effaçant la Marianne joyeuse.
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Rires et échanges d'un naturel peu courants lui laissent un souvenir mémorable des dernières heures de Maurice Achard sur terre.
En effet, le lendemain, à l'aube, Alice trouve le riche banquier étendu, raide et bleu, sur le plancher froid du couloir. Maurice a été foudroyé pendant la nuit par un infarctus. Alice mettra bien des années à comprendre pourquoi son père avait dormi chez sa tante...
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Il reprend confiance et retombe sur ses pieds, chantant comme un homme libre. Plus rien n’existe que ce moment intense où il pose toutes ses cartes sur la table et mise son existence. Dans un état de vulnérabilité complète, il offre une interprétation grandiose, qui le laissera lui-même abasourdi et vidé. Comme un cheval fou, Claudio a franchi les passages, les uns après les autres, de cet opéra sublime, mémorisé à l’oreille, avec ses pauses, ses montées, ses respirations, assumant son imposture à fond.
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Une seule vie leur est donnée, une seule
au cours de laquelle ils ne veulent rien regretter.
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