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Critique de tilly


[note de lecture écrite en 2011... et laissée inexplicablement au fond d'un tiroir bureautique !]

"J'avais dans un tiroir une pleine liasse de fragments à quoi manquerait pour toujours la moindre idée associative."
A la fin de Tiroir, tiroir, le narrateur tire cette amère conclusion et renonce au projet de toute une vie : écrire et être publié.

Mais heureusement, celui de Dominique Drouin est un tiroir à double fond (tiroir, tiroir). Les idées ne lui ont pas manqué pour tisser la trame, le fond, l'histoire d'un wannabe pathétique, d'un grimaud touchant.
[wannabe : contraction argotique pour "want to be" ; personne qui a l'ambition de devenir ce qu'il n'est pas.
grimaud : autrefois, élève ignorant ; mauvais écrivain, barbouilleur de papier]

" La forme excédant le fond apparent finit par créer son propre fond. ", écrit Dominique Drouin en 4ème de couverture. C'est dire qu'il est difficile voire illusoire, dans Tiroir, tiroir, de vouloir démêler, le fond de la forme, l'histoire du style.

La préciosité d'un style ne me rebute pas quand il y a du rythme, du phrasé, du swing. Je ne déteste pas, de temps en temps, d'avoir à relire une longue phrase que je n'ai pas comprise à la première lecture. Je ne m'offusque pas de l'utilisation de noms et d'adjectifs peu usités, de l'inclusion de digressions jusqu'à l'intérieur d'une phrase. C'est suffisamment rare chez un auteur contemporain vivant pour être intriguant, attirant, marquant.

J'ai été très gâtée avec le roman de Dominique Drouin, fan absolu de Proust et de Joyce ! Bon des fois, il exagère (exprès, je pense), comme par exemple avec " l'odeur piriforme des tilleuls qui obombraient le jardin " ! Mais une fois encore ce n'est pas Dominique Drouin qui s'exprime dans Tiroir, tiroir, c'est son narrateur... Celui qui dit : " Les phrases trop simples lâchent des vérités trop simples. [...] je fais valoir que le vivant est complexe, que, longues, les phrases sont comme des petits organes doués de leur propre vie, quand trop courtes, elles n'atteignent qu'à une morte minéralité. "

Tiroir, tiroir, c'est donc une sacrément bonne surprise et ce n'est pas loin d'être un coup de coeur de lecture.

Ce soupçon de réserve tient sans doute à ma (trop) grande prédilection pour la fantaisie, l'inattendu, le décalage, voire le mauvais goût... Il m'en a manqué un peu dans Tiroir, tiroir... Mais j'ai été comblée, je dois le dire, par les scènes jubilatoires dans lesquelles le narrateur met en oeuvre des stratégies minables pour attirer l'attention sur son oeuvre en gestation. Toutes échouent misérablement. Dominique Drouin excelle dans la scénarisation d'actions minuscules que son écriture raffinée rend d'autant plus dérisoires et pathétiques. J'ai été moins convaincue par les introspections du narrateur dans les premiers chapitres. Heureusement il y a ensuite les descriptions savoureuses et justes des longues heures d'ennui sordide au bureau, les échappées idéalisées sur une petite île bretonne. Et la belle mais courte histoire de Sonia, femme libérée et positive, qui est un contrepoint solaire à la terne existence du narrateur aigri par son échec.

Et puis il y a le site de l'auteur. Très riche, même si sa présentation m'a parue un peu désuète. Il y a beaucoup d'extraits des travaux d'écriture de Dominique Drouin : les nouvelles, les chroniques, les portraits d'écrivains, le prochain roman. Autant d'occasions d'admirer la souplesse de l'écriture, sa variété, son élégance, son efficacité. Des vidéos, aussi, dont un " Portrait de l'artiste en jeune homme... prétentieux ! " clin d'oeil à Joyce, et des hommages à Proust le 18 novembre de chaque année depuis 2009. de la musique. Mais peu d'éléments biographiques... que j'ai cherché et trouvé ailleurs...

" Il y a une quinzaine d'années, un rapport passionnel s'est instauré entre la littérature et moi. Dont je ne me défis point et qui alla crescendo jusqu'à son état actuel, stable et serein. D'abord, en tant que lecteur admiratif des grands textes, puis m'essayant, lentement, à l'écriture. Signe que je ne me fourvoyais pas vraiment, ma plume devenait plus véloce et, semble-t-il, plus affirmée.
J'écris, donc, à mes heures pleines.
A mes heures creuses, je fais un métier dont je vis : consultant en systèmes d'information. "

En regardant/écoutant la vidéo de présentation de Tiroir, tiroir, on comprend bien ce qui a amené Dominique Drouin à l'autoédition.
Tiroir, tiroir est son premier chantier d'écriture démarré en 2003.

" le seul éditeur (connu) à qui fut proposé ce livre, après dix mois et deux entretiens, m'explicita par écrit son refus en ces termes (je cite):
- Que votre livre soit infiniment supérieur à la quasi-totalité de ce qui se publie aujourd'hui en France, et je ne reviendrai sur aucun des compliments que j'ai pu vous faire, ne saurait suffire à me convaincre. Il faut encore que je me sente en phase, en harmonie, en accord profond.

Et sur ma lassitude, précisant que je continuerai à écrire mais cesserai désormais de proposer mes textes aux éditeurs, toujours par écrit, il me répondit ceci (je cite):
- Que vous fassiez le choix de ne plus rien montrer de ce que vous écrivez me paraît déplorable et désastreux. Mais c'est votre choix."


Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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