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Critique de Patsales


Un tremblement de terre au Japon met au jour une mystérieuse nécropole dont l'exploration provoque un autre séisme : l'humanité existait déjà il y a 13 millions d'années. Cette découverte exceptionnelle est narrée à l'intérieur d'une structure répétée 6 fois: narrateur omniscient, journal de l'archéologue, articles et chroniques scientifiques, journal du fils autiste de l'archéologue, monologue intérieur du dernier homme de la civilisation disparue. La 4° de couv' explique que cet agencement renvoie à la formule de l'ADN. Vérification laborieuse après: le chiffre 6 peut effectivement renvoyer aux 4 nucléotides (A, C, G, T) qui relient les deux brins de la double hélice du code. Oui, mais: pourquoi avoir répété 5 fois la structure ?
De fait, il est assez évident que les chiffres tiennent une place essentielle dans le bouquin. Parce que la datation est au coeur des différents récits qui font reculer d'une manière vertigineuse l'origine de l'humanité. Mais surtout parce que leur emploi est avant tout symbolique, que le lecteur est invité à déchiffrer le texte comme les différents spécialistes travaillent sur la nécropole et l'écriture qu'ils finissent par y découvrir.
Le 2 est essentiel : il est au fondement du vivant et de la génération, nos chromosomes appariant notre double origine paternelle et maternelle. Il signale aussi la bipédie propre aux humains. le 2 apparaît donc presque à chaque page: « Sur les trente mille habitants, il n'y eut que deux survivants », « les animaux du parc naturel de Yala, dont deux cents éléphants », « Après deux jours et presque deux nuits d'intenses recherches », « dans un carré formé par un chemin de fougères, les deux paires de jumeaux », etc. Quant à l'histoire, elle se déroule sous le double patronage de la science et de la poésie.
Le 3 renvoie notamment au temps (passé, présent, futur) et à la répartition des fonctions chez les Indo-Européens, mise en évidence par Dumézil (sacré, guerre, nourriture); et ce chiffre est également très présent dans le roman : « à raison de trois jours toutes les trois semaines. », « L'autisme de Tom a été décelé très tôt, vers l'âge de trois ans », « Les trois autres étoiles sont représentées par la disposition des trente-neuf autres foetus », etc. Et la nécropole est organisée selon un système de figures géométriques : cercle, carré et triangle.
Le 4 qui double le 2 se retrouve dans les 4 points cardinaux ou les 4 éléments : la momie « est disposée au sommet de quatre points formant une croix latine », «  Lui avec Marc, en géologie. Moi avec Makoto, en archéologie. Nous étions quatre inséparables », « ce pays situé au carrefour de quatre plaques tectoniques »…
Quant au 5, qui correspond au nombre de narrations présentes dans chaque partie, s'il est moins présent, il renvoie néanmoins à une caractéristique essentielle de l'humanité : les cinq doigts de la main, dont le pouce opposable. D'ailleurs, parmi les 5 narrateurs, 4 appartiennent aux XX° et XXI° siècles, tandis que le dernier parle du fond des âges, à la fois opposé et complémentaire.
Bref, tout ce roman se présente comme un récit mythique qui réinvente l'humanité en l'ancrant il y a 13 millions d'années, mais une humanité jumelle de la nôtre, qui disparut après avoir épuisé la Terre: mythe-miroir qui annonce le retour de la catastrophe mais qui suggère aussi les moyens de l'éviter, fable écologique d'un optimisme mesuré qui voit dans l'autisme une métaphore de notre destin collectif. de même que « les connexions neuronales des autistes sont en surtension ou en sous-tension », notre rapport à la nature nous empêche de communiquer vraiment avec le monde; mais de nouvelles relations peuvent naître qui demanderont beaucoup de temps et de patience.
Trop pour moi, sans doute. Ce symbolisme appuyé m'a paru de plus en plus pesant et la fonction de décodeur à laquelle le lecteur est assigné trop limitée. La fin peut sembler ouverte mais elle ajoute un nouveau double à un texte surchargé de jumeaux et de binarités. Bref, l'idée est intéressante mais le côté escape game « Échappe-toi de la nécropole et sauve le monde en résolvant les énigmes de l'univers » m'a légèrement saoulée.
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