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Citations sur Le bouc émissaire (67)

Je retournai dans le cabinet de toilette, ouvris la fenêtre et m'y penchai. La nuit était belle, froide et claire. Au-dessous de moi, j'apercevais les herbes folles du fossé et ses murs de pierres brutes recouvertes de lierre ; au-delà s'étendaient ce qui avait dû être autrefois des jardins à la française et dont les pelouses, à présent abandonnées aux vaches, séparaient d'anciennes allées qui allaient se perdre dans l'ombre des arbres. Un petit bâtiment rond comme les tours jumelles gardiennes du pont qui franchissait le fossé se dressait, isolé, devant moi, parmi les herbes et je compris à sa forme que ce devait être un colombier ; une balançoire d'enfant pendait non loin, au bout d'une seule corde, l'autre était cassé.
Une mélancolie indéfinissable enveloppait ce décor silencieux comme dans les lieux d'où les rires et la vie se sont enfuis et où des spectres accoudés comme moi dans l'ombre de vieux murs couvent leurs regrets et leurs chagrins.
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Des oies se pavanaient dans la cour, une femme étendait du linge à sécher sur une haie, et des meuglements de vaches se mêlaient au battement des machines. La fumée s’élevait en panache des hautes cheminées, la vieille cloche sur le toit de tôle ondulée rapiécé s’illumina soudain dans un rayon de soleil ; à l’entrée, deux statues de plâtre, l’une de la Vierge à l’Enfant, l’autre de saint Joseph, bénissaient la petite communauté et tous ceux qui travaillaient et vivaient là. Je comprenais d’instinct, à l’âge des bâtiments et à leur atmosphère, que tout s’y passait de la même façon depuis deux ou trois siècles, sans que guerres ni révolutions y eussent rien changé. Les choses continuaient ainsi parce que la famille et les ouvriers y croyaient, parce qu’ils désiraient les voir se perpétuer de cette manière. La petite verrerie faisait partie de leur bout de pays comme la ferme et les champs, les vieux pommiers et la forêt. La détruire, c’eût été comme arracher du sol les racines d’une chose vivante.
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Ce qui revient à dire, songeai-je (…), que les rapports entre les êtres sont vains parce que ceux qui nous plaisent ne s’aiment jamais entre eux, si bien que la chaîne se dissout et que le message est perdu.
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Nul voyageur s’aventurant pour la première fois sur une terre inexplorée n’avait pu se sentir plus seul que moi en cet instant sur cette route déserte. Le silence montait de ce sol pétri par les siècles, foulé par l’histoire, dont des générations d’hommes et de femmes s’étaient nourries, sur lequel ils avaient vécu et étaient morts, et rien de ce qu’ils avaient pensé et dit ne parvenait à troubler la paix féconde de ce sol. Là, à mes pieds, autour de moi, un cœur battait.
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Deux torts ne font pas une raison.
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L’unique ressort dans la nature humaine est la convoitise (…). Il faut satisfaire les appétits, donner aux gens ce qu’ils désirent.
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C’est pourquoi à la Trappe, les moines qui vivent dans le silence doivent connaître une réponse, ils doivent savoir comment remplir ce vide, eux qui se sont volontairement enfoncés dans la nuit pour découvrir la lumière… tandis que moi… […]
En d’autres termes, à la Trappe, même si on ne peut pas me fournir la réponse, on pourra me dire de quel côté chercher ; car bien qu’il doive y avoir une réponse individuelle à nos problèmes individuels, tout comme chaque serrure à sa clef propre, pourquoi cette réponse ne serait pas universelle, à la manière d’un passe-partout qui ouvre toutes les portes ?
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C’est parfois céder à une sorte d’indulgence que de penser de soi le pire. On dit : maintenant que je suis au fond du trou, je ne tomberai pas plus bas, et on éprouve une espèce de plaisir à se vautrer dans les ténèbres. Oui mais voilà, ce n’est pas vrai : on peut toujours tomber plus bas. Le mal en nous est infini, comme le bien. C’est une question de choix. On s’efforce de s’élever ou l’on s’efforce de tomber. L’important est de découvrir dans quelle direction l’on va.
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J'avais caressé d'une main émue les murs enfumés du château de Blois, mais je n'avais rien vu des milliers de gens qui vivaient et souffraient peut-être à quelques centaines de mètres de là. A mon côté, parfumé et paré de joyaux, tenant dans son bras comme un nourrisson un petit chien de cour, c'était Henri III qui me touchait l'épaule de son gant de velours, et le charme faux de son visage féminin et rusé m'était plus familier que le masque ébahi des touristes qui m'entouraient en mangeant des bonbons tandis que je guettais un pas, un cri, la mort du duc de Guise. A Orléans, j'avais chevauché à côté de la Pucelle et, comme le Bâtard, lui avais tenu l'étrier, au bruit des acclamations, dans l'envolée des cloches. Je m'étais agenouillé pour prier avec elle, et j'avais attendu les voix que j'avais parfois crues toutes proches mais qui ne m'avaient jamais parlé. Et j'étais sorti à pas lents de la cathédrale, le regard fixé sur la fille garçonnière aux yeux purs et fervents, pour me trouver soudain rejeté des frontières de son univers mystique dans un présent où elle n'était plus qu'une statue et moi un historien quelconque, et où la France pour le salut de qui elle était morte se montrait peuplée d'hommes et de femmes vivants que je n'essayais même pas de comprendre.
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- Il a raté comme toujours, avais-je repris. Il donne à sa famille ce que celle-ci lui demande, par lâcheté, par désir d'en finir, pas seulement à sa mère, mais à sa fille aussi. La seule différence, c'est qu'il le faisait autrefois gaiement et peut-être avec charme. Maintenant, c'est avec répugnance et dégoût.
- Ce serait un progrès.
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