AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,64

sur 67 notes
5
9 avis
4
9 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Dans la famille Brontë, je voudrais les soeurs : Charlotte, Emily, Anne. Je voudrais le frère : Patrick Branwell. Pioche… C'est un peu ce que la postérité garde comme souvenir de la fratrie des Brontë. On parle bien peu de Patrick Branwell Brontë, mort à 31 ans. Daphné du Maurier décide de sortir du néant ce garçon si prometteur. Et l'on sent bien tout l'intérêt qu'elle porte à la fratrie et aux oeuvres des Brontë.

Élevé avec ses cinq soeurs dans le presbytère de son père, il souffre de la mort de sa mère et de deux de ses soeurs. Son enfance est durablement marquée par la perte et la peur de la séparation. Constamment entouré des soins inquiets de son père et de sa tante, le jeune Branwell grandit en maître absolu sur ses soeurs, même les aînées. Dans leurs jeux d'enfant, ils sont Brannii, Tallii, Emmii et Annii et ils prêtent vie à des soldats de bois qui seront les héros des histoires qu'ils ne cesseront d'inventer. Les quatre enfants font montre d'une précocité intellectuelle étonnante et d'une imagination débordante. Dans le secret de la salle d'étude, ils inventent le monde d'Angria. Tout ce qu'ils entendent ou voient est transformé et déposé dans leur monde imaginaire. Pas un voisin n'échappe à leur puissante reconversion de leur plume.

Mais si les trois soeurs sauront mener leur vie en parallèle de cet univers fantasmagorique, Branwell se laissera dévorer par sa création littéraire et par son personnage principal, le superbe Alexander Percy. « Branwell se glissait à volonté dans l'enveloppe de ce personnage romantique qui répondait à ses secrètes aspirations. » (p. 97) Plus faible que ses soeurs, le fils Brontë est incapable d'acquérir et de conserver son indépendance. Ses carrières de portraitiste, de précepteur et même de chef de gare avortent toutes et le jeune homme se complaît dans un monde où il est une éternelle victime. En réalité, Branwell est rongé par un déséquilibre nerveux que ne corrigent pas les excès d'alcool et de laudanum. Lentement, il se détruit et détruit tout son potentiel créateur. Son talent se nécrose sous les effets de la névrose. Finalement, il semble bien que Branwell Brontë soit le seul auteur de sa déchéance et l'acteur de sa propre malédiction. « Il aspirait à savourer dans la réalité les joies de son monde infernal. » (p. 200) Patrick Branwell Brontë est un génie qui s'est sabordé, incapable de supporter le succès de ses soeurs. Son esprit trop vif était prisonnier d'un corps marqué par les vices.

Ce monde est infernal au sens dantesque puisque Branwell est prisonnier de cercles infinis de terreur et de douleur. Mais il l'est aussi au sens des bibliothèques : un enfer, c'est la réserve où sont conservées les oeuvres mises à l'index parce que jugées odieuses ou immorales par une société. Les enfants Brontë avaient « le sentiment étrange, à demi conscient, que le produit de leur imagination avait quelque chose de répréhensible, qui encourrait la réprobation, le blâme de tous ; ils baptisèrent leur création “le monde infernal”, comme si Satan lui-même en était le Grand Instigateur. » (p. 47) Les chroniques angrianes sont-elles un enfer littéraire ? Sans aucun doute puisque personne n'est autorisé à les lire, si ce n'est pas leurs auteurs.

Au-dessus de la fratrie plane la figure du père. Mr Brontë est à la fois Papa, bon et protecteur, mais aussi le Pasteur, sévère et rigoriste. L'amour se mêle de terreur et, plus tard, de rejet quand Branwell rompt ses liens avec la religion. Et dans la solitude de sa chambre à l'étage, le jeune homme maudit les siens et les accuse de ses faiblesses et de ses échecs.

Le monde infernal de Branwell Brontë n'est pas une biographie, ni une fiction. Je le vois comme un roman familial, une chronique historique et littéraire, mais aussi une bibliographie et un palimpseste familial puisque chaque personne réelle dissimule un personnage à venir dans une des oeuvres des soeurs Brontë. le travail de Daphné du Maurier est colossal : elle compare les poèmes du frère et des soeurs, opère de judicieux recoupements entre les textes de chacun. L'influence des uns et des autres est donc palpable, à un moment ou un autre, dans la production finale des soeurs Brontë. Est-il si vain de penser qu'Emily n'a pas écrit seule Les hauts de Hurlevent ? Et les amoureuses malheureuses de Branwell ne sont-elles pas la source d'Agnes Grey ? Si vous ne croyez pas à cette intertextualité familiale, vous apprécierez en tout cas les poèmes présentés en anglais, puis traduits en français, ou la correspondance des Brontë, disséminée dans le texte de Daphné du Maurier. Ce document est rigoureux, très exigeant, très riche également. C'est enfin l'hommage passionné d'une lectrice qui a tenté de repousser les ombres de l'oubli du front froid d'un jeune homme perdu. Et c'est sans aucun doute une de mes meilleures lectures de ces derniers mois.
Commenter  J’apprécie          472
A travers la courte vie de Branwell, Daphne du Maurier nous raconte la vie singulière et tragique des Brontê, dans leur presbytère isolé du Yorkshire.

Branwell, le seul garçon des six enfants du couple Brontë, est très tôt marqué par la mort : d'abord celle de sa mère, puis celle de ses soeurs aînées, Maria et Elizabeth. Des pertes tragiques qui le feront s'interroger sur sa foi, lui, fils de pasteur.

Enfant, il fut le pygmalion, le dieu vivant de ses soeurs : c'est lui qui insuffla ce vent de la création littéraire, dans leur petite salle d'étude. Ils créent ensemble ce monde infernal, peuplé de personnages inspirés de la réalité, flamboyants et passionnés.

Enfant brillant, fils unique sur qui repose tous les espoirs du père, Patrick Brontë, Branwell adulte ne parviendra jamais à concrétiser une quelconque réussite : il échoue à la Royal Academy, en tant que portraitiste, il ne sera jamais publié, il sera renvoyé de ses postes de précepteur et de chef de gare.
Il se perdra dans l'alcool et le laudanum et mourra à 31 ans de la tuberculose. Officiellement, il ne saura jamais que ses trois soeurs ont chacune publié un roman, et que Charlotte est le célèbre auteur de Jane Eyre.

Pendant ma lecture, je suis tombée par hasard sur une représentation du fils prodigue : son départ douloureux loin de sa famille, et son retour, riche et important. Je n'ai pu m'empêcher de penser à Branwell : chaque retour au presbytère est pour lui synonyme d'échec.

Daphne du Maurier a accompli un travail titanesque : l'ouvrage est très documenté, on sent à chaque page l'amour et l'intérêt qu'elle porte à cette famille.
Une biographie très intéressante et indispensable pour les admirateurs des Brontë.

Commenter  J’apprécie          274

Patrick Branwell Brontë est le 4ème enfant de la fratrie Brontë et le seul garçon parmi les six enfants.

Il est le plus chéri de ses parents et de ses soeurs. Enfant surdoué, HP dit-on maintenant, il est aussi nerveux, instable et épileptique.

Confronté très jeune à la mort, sa mère décède lorsqu'il n'a que 3 ans, il est pris en charge par Maria, l'aînée de la famille alors que celle-ci n'a que 6 ou 7 ans et qui lui sert de petite mère. Un peu plus tard, Maria et Elisabeth sont envoyées en pension et, quoique choyé et idolâtré par son père, Maria lui manque, d'autant plus que les deux aînées reviennent du pensionnat pour mourir au presbytère dirigé par son révérend de père. Deuxième deuil déjà pour ce jeune enfant qui vit au presbytère entouré d'un cimetière où sont enterrées sa mère et ses deux soeurs aînées.

Branwell, s'enferme alors dans des mondes imaginaires qu'il partage avec Charlotte, Emily et Anne. Son imagination sans limites en fait le chef incontesté. Ayant créé, parmi leurs nombreux mondes, celui d'Angria à partir de petits soldats de bois offerts par son père, il en distribue un à chacune de ses soeurs. C'est d'eux qu'émergèrent les héros que ses soeurs introduisirent plus tard dans leurs romans. le soldat qui pour Charlotte incarnait Wellesley, duc de Wellington, se transforma en Rochester, aimé par Jane Eyre. Parry, celui d'Emily, devint Heathcliff et Ross, le soldat d'Anne, personnifia Arthur Hutingdon dont la femme s'enfuit à Wildfell Hall.
Branwell, quant à lui choisit Alexander Percy qui demeura ignoré et inconnu.

Ils rédigeaient tous quatre des aventures écrits en lettres minuscules, pour leurs personnages. Vivant dans des mondes complètement imaginaires, Charlotte et Emily durent toutefois en sortir pour se rendre à leur tour en pension. Seuls demeurèrent au presbytère Anne pour son jeune âge et Branwell qui, chéri de son père, reçut une instruction plus poussée que ses soeurs, il en fallait bien tant pour le petit génie. Charlotte avec laquelle il avait le plus d'affinités, lui manqua cruellement à son tour.

Avec le temps, ses soeurs trouvèrent chacune un emploi de gouvernante tandis que Branwell se vit refuser l'entrée à la National Portrait Gallery, que ses innombrables poèmes ne trouvèrent aucun éditeur et que finalement engagé aux chemins de fer,il se fit renvoyer à deux reprises. Il faut dire que ses nerfs fragiles ne jouaient pas en sa faveur et que l'absorption d'alcool et de laudanum n'arrangèrent pas le problème.
Finalement, engagé comme précepteur dans la même maison qu'Anne, il en fut vite chassé pour comportement inadéquat. Daphné du Maurier le soupçonne d'avoir été amoureux d'une des filles de la maison, Lydia, qui s'enfuit bientôt avec un comédien qu'elle épousa en cachette. Branwell, honteux de son manque d'audace et n'osant s'avouer sa défaite, prétendit alors avoir eu une liaison amoureuse avec Mrs Robinson, la mère de la jeune fille, elle aussi prénommée Lydia. de mensonges en crises de schizophrénie, il perdit alors tout sens de la réalité et de l'imaginaire.
Etre torturé et songeant de plus en plus à la mort, il passa ses jours désoeuvré et accentua sa consommation alcoolique additionnée de laudanum. Cela fit évidemment vaciller davantage le peu de raison qu'il lui restât.

Un élément est fort interpellant : un soir dans un bistro il sortit des feuilles manuscrites de son chapeau et les lut à ses camarades de beuverie, il s'agissait ni plus ni moins de passages des "Hauts de Hurlevent", ébauche du fameux roman attribué plus tard à Emily ... alors, feuillets volés à sa soeur ou au contraire, Emily s'attribua-t-elle les idées de Branwell ? Il est vraisemblable qu'ils y contribuèrent tous deux, Branwell représentant le fameux Heathcliff ...

Bien que ses soeurs lui dissimulèrent l'édition de leurs livres, il s'en douta et en conçut une amertume telle qu'il se considéra plus que jamais comme un raté et n'aspira plus qu'a son trépas. Branwell, génie méconnu, mentor de ses soeurs mourut à 31 ans, probablement de tuberculose et sa vie fut un vrai gâchis où, trop fragile pour vivre une vie réelle, il gaspilla toutes ses géniales aptitudes dans des mondes imaginaires sans réaliser le moindre de ses dons.

Peut-être est-ce une maladie nerveuse génétique ou bien, ce monde de deuil où il fut contraint de vivre mais plus probablement l'aboutissement d'un enfant trop choyé, considéré, à juste titre comme un génie, et qui ne réussit pas à faire adhérer ses mondes imaginaires à la réalité. Dommage pour lui, pour son entourage et pour la postérité que le gaspillage de tant de dons qu'il transmit finalement à ses soeurs sans en jouir lui-même ...
Pauvre Branwell ...
Commenter  J’apprécie          253
Lu pour le petit club de lecture que nous organisons mensuellement avec George et Lili Galipette, je remercie plus particulièrement cette dernière de nous l'avoir proposé car je ne l'aurais jamais lu de moi-même (au-delà du fait que je ne connaissais pas son existence le mois dernier !). C'est l'occasion de réitérer mon enthousiasme pour ce genre de club et de lectures partagées, toujours riches d'échanges et de découvertes .. Oui la lecture peut être un plaisir collectif !

Bref, j'en reviens à ce cher Branwell, frère des célèbres soeurs Brontë, enfant chéri de son père (plus stimulé, plus instruit que ses soeurs), à l'intelligence vive et à l'imagination prolifique. Toutes les portes lui semblaient ouvertes. Mais quand il meurt à 31 ans, on l'a oublié. C'est cet oubli que Daphné du Maurier a voulu combler en complétant, d'une manière romanesque, la biographie des soeurs Brontë écrite cent ans plus tôt par Elizabeth Gaskell. Histoire de rendre hommage à cet homme qui fut en partie à l'origine des vocations littéraires de ses soeurs.

En effet, dès leur enfance, les quatre Brontë sont très liés, surtout après la mort de leurs deux soeurs aînées, dans un pensionnat glacial. Ils se serrent les coudes, Branwell avec Charlotte, Emily avec la petite Anne. Ils inventent un monde infernal, totalement imaginaire mais extraordinairement bien construit, avec un pays inventé, des aventures, des personnages hauts en couleur. Des personnages que l'on retrouvera dans les romans de Charlotte et d'Emily … « et de quelles couleurs plus vives que les siennes il peignait les scènes de son monde infernal !«

Mais le risque pour ces enfants étaient d'arriver à passer de la fiction à la réalité. Et quand Branwell approche de sa vingtième année, le choc est rude : il n'a écrit que des poèmes rejetés par les journaux, il a été refusé à l'Académie Royale des arts, il est incapable de finir ses textes. Non encadré (à la santé fragile, son père n'a jamais voulu l'envoyer au collège), il ne se prend pas en main. C'est un échec, qu'il va noyer dans l'alcool et le laudanum. « Frustration à l'idée qu'à vingt ans il était incapable de gagner sa vie; que cette éducation reçue à la maison, et dont son père se montrait si fier, ne l'avait préparé à rien. »

Ses rêves, il continue à les verser dans son grand roman épique, à travers le personnage d'Alexander Percy qui est tout ce qu'il a toujours voulu être … « Percy, son mauvais génie, l'habitait maintenant tout entier, lui enlevant tout empire sur lui-même, ne laissant plus que l'enveloppe d'un Branwell vidé de tout jugement et moralement épuisé. » Il a besoin d'une vie active mais sans argent, il est condamné à déperir au presbytère familial.

La figure du père est importante tout au long du texte : « Branwell, enfant, était l'orgueil et l'espoir de son père et de ses soeurs, mais lorsqu'il fut adulte, il n'en fut plus de même. » Et plus loin : « il avait déçu un père qui l'adorait; déçu une soeur qui avait la plus chère compagne de son enfance: c'était leurs reproches muets, leurs soupirs étouffés qui faisaient le plus souffrir sa conscience. ». Il est déjà dur de ne pas être à la hauteur de ses propres ambitions, mais décevoir son entourage est encore pire pour un être aussi sensible que Branwell …

Et le coup final qui est porté avec le succès de ses soeurs et surtout de Charlotte, dont il était la plus proche, qui devient mondialement connue. En 1845, quand leurs premières publications paraissent, on assiste aux sont derniers éclats du talent de Branwell. le manque d'argent, la dépression, les crises d'angoisse, l'épilepsie achèveront le travail de destruction de cet homme fragile. le monde lui a refusé une place qu'il n'a pas eu la force de prendre. « le laudanum (avec ses 10% d'opium) représentait une libération. »

C'est donc une entreprise très intéressante à laquelle s'est attaquée Daphné du Maurier, nous fournissant ainsi un document essentiel sur cette figure méconnue, richement illustrée par des poèmes et textes de Branwell lui-même ou de ses soeurs.

Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec le film que je suis allée voir il y a quelque temps, Les Soeurs Brontë, qui date de 1979, avec Isabelle Huppert, Isabelle Adjani et Marie-France Pisier. André Techiné, le réalisateur, nous a offert une très belle illustration de cet ouvrage justement, par l'histoire des Brontë dans laquelle Branwell apparaît régulièrement … Je ne peux que vous le conseiller !
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
Commenter  J’apprécie          190
J'ai beaucoup aimé ce livre qui nous conte l'histoire des soeurs Brontë, sous le prisme de l'influence ou des incidences que la vie, le génie et les frasques de ce frère auront sur leur vie et leur oeuvre. Là encore, le singularisme d'Emily (j'adore) se dessine.
Commenter  J’apprécie          180
Etant une adepte de  littérature anglaise et aimant découvrir ce qui fait l'environnement des écrivains, ayant vu il y a quelques temps un documentaire sur le presbytère de Haworth où vivait toute la famille, j'étais très attirée par cette biographie de Daphné du Maurier consacrée à l'élément masculin des enfants Brontë  et je me suis plongée dans l'existence de ce frère méconnu et mal-aimé et à travers sa vie l'existence et les rapports des trois jeunes femmes avec celui-ci.

Maudit : oui sûrement. Dès l'enfance il souffre de  la disparition de sa mère et de ses soeurs Maria et Elizabeth. Elevé par sa tante maternelle, Elizabeth,  celle-ci perçut à tort ou à raison chez le jeune enfant un potentiel artistique : peinture, écriture, poésie, et lui promettait un bel avenir. Pourtant à la différence de ses soeurs, il ne suivit jamais d'études dans un collège et fut instruit par sa tante. Habituellement ce sont les garçons des familles qui bénéficient de l'enseignement extérieur. Branwell resta au presbytère et les filles furent envoyées dans un premier pensionnat dont certaines ne revinrent que pour mourir.

Branwell, petit, roux (cette couleur de cheveux était parfois très mal vu), épileptique, myope, gaucher (on lui enjoignit d'écrire de la main droite et il développa la capacité d'écrire des deux mains), grandit entouré de ses trois soeurs, si complices avec elles dans leur jeunesse mais se sentant de plus en plus exclu de leurs confidences, lui qui avait été leur compagnon d'écriture, de création, de jeux.

On suit les espoirs puis la lente déchéance de ce jeune homme maladroit dans ses rapports aux éditeurs, aux artistes, cherchant un moyen de subsistance (il a même travaillé comme préposé de gare de chemins de fer), lui dont le talent n'équivalait pas celui de ses soeurs.

Il ira jusqu'à se créer un double à travers le personnage d'Alexander Percy, héros de son "monde infernal" où tout était possible. Ne devient-il pas schizophrénique ?

Il est très intéressant de suivre le processus de création de cette famille : jeux de rôles, création d'un monde imaginaire : Angria et les différentes vies de ses habitants qui ont inspiré ensuite nombre de personnages dans les récits écrits ensuite, jeux d'écriture en lettres minuscules (vu également chez Jane Austen) pour ne pas être lu par l'entourage ou pour ne pas savoir qui écrivait, observation des personnes et situations qui les entouraient, leur imagination était très féconde et en ébullition. Pour son malheur et son psychisme, il fut refusé à l'entrée de la Royale Academy et également par un célèbre éditeur.

Une grand complicité unissait Charlotte et Branwell, complicité qui s'effrita au fur et à mesure que Charlotte connut le succès, pas par désamour  mais peut être pour préserver l'orgueil de ce frère buveur, addicte au laudanum, victime de crises récurrentes d'épilepsie, mal soigné car ses crises étaient mises sur le compte de ses excès..... Mais certains pensent qu'une partie des Hauts de Hurlevent est l'oeuvre de Branwell.

A travers Branwell on découvre le travail des trois soeurs dans ce presbytère isolé dans le Yorshire, vivant repliés sur eux-mêmes, au milieu de la lande, avec peu de contacts extérieurs et trouvant entre eux une émulation à l'écriture. Aucun ne connut l'amour partagé, leurs vies étaient austères, très marquées par les disparitions des êtres chers, la maladie.  Ce qu'ils ne pouvaient vivre, ils l'ont inventé dans leurs romans.

C'était un clan, Charlotte, Emily et Anne en ont fait une force, Branwell lui s'est senti comme le "vilain petit canard". Elles ont tenté de le protéger les derniers mois de sa vie en refusant de lui avouer qu'elles commençaient à être publiées (sous le nom de Bell) mais lui le vécut comme une mise à l'écart définitive. Il mourut à 31 ans de tuberculose mais aussi de ses excès, de sa folie.

Enorme travail de documentation et de recherches de la part de Daphné du Maurier pour reconstituer la vie de cet étrange petit homme, qui tenta à travers la franc-maçonnerie de se constituer un réseau d'influence, une existence mais comme pour la peinture et l'écriture rien ne fonctionna. Elle tente de replacer dans le contexte de l'époque sans parti pris, l'existence de cet homme sensible, fragile, n'ayant vécu pratiquement que par procuration à travers ses soeurs, ses rêves, ses marionnettes en bois, ses personnages d'un monde imaginaire et qui ne trouva ni l'amour et la reconnaissance espérés , juxtaposant ses recherches à celles de Mrs Gaskell,

Il fit vivre à sa famille l'enfer de sa vie, il vécut sûrement l'enfer pour ne pas avoir été reconnu, aidé, encouragé, soigné, pour une fois ce fut un homme qui a vécu à l'ombre de Grandes Dames de l'écriture.

Il y a de nombreuses lettres, poèmes, des différentes personnes gravitant autour de lui ainsi que de ses amis, peu nombreux (principal ami le sculpteur Leyland, qui l'aida à régler de nombreuses dettes) insérées dans la biographie avec des annexes explicatives en fin d'ouvrage qui permettent de mieux comprendre les propos avancées par l'auteure.

Lecture enrichissante pour mieux appréhender la littérature de cette famille, pour mieux cerner les différentes personnalités mais aussi découvrir un pan de leur vie dont on parle peu.....
Lien : http://mumudanslebocage.word..
Commenter  J’apprécie          131
J'étais attirée par ce titre d'abord parce que j'associe constamment Du Maurier et les Brontë, je ne sais pourquoi, certainement l'écriture, le souffle, l'imaginaire un peu sombre. le Monde Infernal de Branwell Brontë n'est pas un roman comme les autres. Il s'attache aux faits, à la vie particulière de ce jeune homme tragique. Branwell est le frère oublié des soeurs Brontë. Enfin, oublié, c'est une façon de parler : méconnu plutôt.

L'oeuvre des trois soeurs est connue, mais je ne soupçonnais pas l'importance de ce frère dans leur processus de création. Branwell est un être fantasque, créatif, fascinant. Aussi torturé que génial. Et là où ses soeurs ont su trouver un épanouissement dans la création intellectuelle, il a rencontré la souffrance, le questionnement tragique et l'incessante torture de l'artiste maudit. Car son génie ne le conduit qu'à la frustration et à la destruction pour lui-même. L'amour des trois soeurs pour ce frère est éclatant et sans faille, et leur oeuvre porte la trace de cet amour. Il reste dans l'ombre, mais paradoxalement il les éclaire d'une lumière créatrice, quand lui se consume dans l'autodestruction. Glass Town, cette fabuleuse construction de mondes imaginaires qui a contribué à l'éveil littéraire des soeurs Brontë, est en grande partie le fait de Branwell. Et c'est étrange comme ce fils préféré, ce frère adulé pour son talent, son génie même, propre à enflammer l'imagination de ses soeurs, ce frère donc ne saura pas affronter le monde, le vrai, celui du dehors, celui des amours déçues, des amitiés contrariées, le monde où il faut se contraindre à des tâches ingrates d'employés pour qui a en son esprit une véritable fatrasie. Comment survivre en ce monde, sans l'aide de l'alcool et du laudanum ? Comment surmonter la perte de l'amour, l'échec, les blocages, la vanité de la création, sans ces béquilles indispensables ? La folie et la maladie s'emparent du corps et de l'esprit du petit frère devenu grand. Branwell n'était pas fait pour ce monde. Qui d'ailleurs peut y survivre, s'il ose se déciller les yeux ?

Daphné du Maurier plonge au coeur de cet amour et du désespoir. L'écriture fine et ciselée (merci la traductrice, Jane Fillion, de la famille de Nathan Fillion ???) sied à merveille au récit. le tout est documenté, comme il se doit pour une biographie, mais il bénéficie surtout du talent de romancière de l'auteur, qui dépeint le tragique et la descente aux enfers avec une plume captivante. Du Maurier rend hommage à un de ces confrères artiste génial oublié et malheureux. Un jeune homme que l'on regarde tomber, tomber, d'une chute si longue et si douloureuse, tomber et finir à 30 ans, convoqué par la mort, comme il se caricaturera lui-même. C'est peu dire que j'ai été touchée par ce récit. Je me sens proche de Branwell, plus encore que de ses soeurs, non pas que je m'associe à sa souffrance de génie frustré, mais je connais ces affres par lesquelles il est passé. Cette idée que le monde réel (IRL comme on dirait maintenant) n'est pas fait pour soi. L'idée que le prix à payer est trop lourd pour le regarder en face, car à le regarder justement, on en voit que les détails, ceux du diable. La beauté inaccessible, la laideur des coeurs, la vacuité des esprits et la mesquinerie des âmes. Pourquoi tout cela saute-t-il aux yeux de certains, au point que cela encombre le cerveau, qu'on ne voit plus que ça presque, et qu'il faille batailler pour apercevoir une lumière, une raison d'espérer, un but, quelque chose à aimer, et qui vous soigne en retour.

Branwell est un être d'exception, un vrai, un de ceux qui comprennent ces vérités, qui s'affranchissent des petitesses qui font le bonheur des autres. Il est de ceux qui veulent embrasser un destin, et qui n'y arrivant pas suffisamment, s'embrasent dans les flammes de la déception, de la frustration. Quand l'esprit bruisse de trop de pensées, de trop d'idées, quand le cerveau devient une machine qui s'emballe, hors de contrôle, la seule façon de survivre un peu, un tout petit peu, c'est d'embrumer l'esprit, de le noyer d'alcool ou de psychotropes quelconques juste pour avoir la paix. Même si c'est une paix illusoire, et l'antichambre à la paix éternelle.

Daphné du Maurier a pénétré cet esprit, l'hommage qu'elle lui rend m'a laissé émue et conquise.
Commenter  J’apprécie          130
C'est avec un immense talent que Daphné du Maurier saisie avec une grande justesse ce portrait de Branwell. Elle montre très bien l'amour jaloux que ses soeurs ont pour leur frère maudit. Heathcliff c'est lui Branwell. C'est un homme de l'ombre de cette famille. et se sont ses soeurs qui sont dans la lumière.
Un ouvrage passionnant sur une époque phare de la littérature anglo-saxone à l'aube de l'industrialisation. Un réel régal pour moi qui a une passion dévorante pour les soeurs Brontë.
Lien : http://livresdemalice.blogsp..
Commenter  J’apprécie          70
Anne, Emily et Charlotte, on le sait peu, avaient deux soeurs aînées, mortes trop jeunes pour avoir une chance d'entrer dans l'histoire de la littérature. Elles avaient aussi un frère, Branwell, qui vécut et écrivit assez longtemps pour entrer dans sa légende noire.
Frère maléfique, lit-on parfois. Frère malheureux, surtout, raté en tout - comme peintre, comme poète, comme employé de chemins de fer, comme précepteur, dans sa vie sociale comme dans sa vie privée. Toujours refusé, toujours renvoyé malgré ses efforts de plus en plus erratiques et désespérés pour tenter de percer dans quelque chose. Victime de la malchance et du manque de relations, sans doute, mais surtout d'un caractère faible, instable, d'une incapacité pathologique à s'investir en profondeur dans quoi que ce soit, à se détacher de ses chimères pour prendre le réel à bras-le-corps. Victime de ses angoisses, de ses névroses, de ce qu'on appellerait aujourd'hui troubles bipolaires, que personne alors ne songea seulement à essayer de soigner et qui finirent par le dévorer tout entier. Victime de l'alcool, du laudanum, du mépris de soi et de l'incompréhension des autres.

Dès l'enfance pourtant, il fut l'enfant chéri de son père, paré de tous les dons. Un lutin facétieux à l'imagination débordante, à l'intelligence vive, qui porta un temps tous les espoirs de sa famille - trop pesants sans doute.
Sous sa plume, avec la complicité active de ses soeurs, naquit un monde fabuleux, le royaume d'Angria, à l'histoire complexe et sanglante, aux personnages de plus en plus torturés. Un univers à l'arrière-parfum sulfureux pour un jeune fils de pasteur déchiré entre les idéaux de son éducation et un instinct de révolte très romantique - la fascination un peu naïve mais délétère pour une certaine idée du mal.
Dans cet univers, il y a l'embryon du Rochester de Charlotte, du Heathcliff d'Emily, avec une grande part de leurs ombres et de leurs tourments. Mais si ses soeurs - grâce entre autres à une éducation plus poussée et des pressions sociales moindres - surent se détacher assez de ce monde infernal pour lui donner corps en littérature, lui-même en resta prisonnier jusqu'à y perdre tout talent de vivre, comme tout talent d'écrire.

Confrontant les sources, les témoignages, tentant de démêler les mensonges des uns, les extrapolations des autres, d'interpréter les silences, s'appuyant très largement sur les poèmes de Branwell, sur l'analyse psychologique doublée d'analyse littéraire, Daphné du Maurier dresse de l'infernal Brontë un portrait passionnant, où s'équilibrent la lucidité froide et la compassion pour son sujet.
Lien : https://ys-melmoth.livejourn..
Commenter  J’apprécie          60
Qui est Branwell Brontë? Quelle est sa place dans la production littéraire de la famille Brontë? Pourquoi n'a-t-il jamais publié? Autant de questions qui trouvent une partie de la réponse dans l'excellente étude romancée de Daphné du Maurier.

Ce roman nous plonge dans l'univers réel et imaginaire qu'ont partagé durant leur enfance et leur courte vie d'adulte la fratrie Brontë, et qui sont aujourd'hui immortalisés en partie dans les oeuvres littéraires d'Anne, Emily et Charlotte.

Daphné du Maurier décrit Branwell, le frère méconnu des trois soeurs Brontë, comme un héros déceptif qui malgré toutes les qualités dont il est doté dès le plus jeune âge et la haute estime dans laquelle le tient sa famille ne tarde pas, une fois rentré dans l'âge adulte, à montrer le plus mauvais de lui-même. Enfant à l'imagination fertile, dynamique et rassembleur, il apparait comme le meneur de la fratrie lors de leurs jeux littéraires (Glass Town, Angria). Son échec à l'entrée de la Royal Academy of Arts, sa tentative vaine de faire carrière dans la compagnie des chemins de fer ou son amour impossible pour la mère de l'un de ses élèves, font apparaître Branwell comme un jeune homme incapable de constance, de rigueur, de pugnacité et de sérieux parfois même de morale comme son personnage Alexander Percy dans Angria. Alors que ses soeurs élaborent leurs oeuvres, Branwell par sa faiblesse de caractère va d'échec en échec et semble se complaire dans son malheur. Faible, il l'est également dans la prise de laudanum et l'abus d'alcool censés lui faire oublier sa triste destinée. Sa correspondance avec le sculpteur Joseph Leyland montre un jeune homme mal dans sa peau qui n'arrive à rien et dont le seul mérite est d'essayer de garder bonne figure et de conserver les illusions d'une carrière littéraire aux débuts difficiles face à ses anciennes connaissances. Témoignage de sa lente déchéance, la correspondance est aussi un indicateur de l'attitude de ses soeurs et de son père qui assistent impuissants à sa perte. Des questions qui resteront en suspens apparaissent au cours de la lecture: pourquoi n'ont-ils rien fait pour le soigner? quel calvaire ont-ils vécu lors des dernières années de sa vie? pourquoi une publication apocryphe de ses oeuvres de jeunesse n'a pas été faite? Daphné du Maurier ponctue judicieusement son récit de poèmes, de lettres et de citations des oeuvres de jeunesse de Branwell tout en critiquant et analysant les différentes biographies sur la famille qui ont déjà été publiées.

Loin d'être un portrait critique et sans concession de Branwell, ce dernier apparaît sous la plume de Daphné du Maurier comme celui qui fit l'éveil littéraire de ses soeurs et sans qui leurs oeuvres n'auraient peut-être pas eu la puissance stylistiques qu'elles ont. Il fut aussi une de leurs sources d'inspiration pour un certain nombre de personnages masculins. Malgré ses échecs littéraires, il est sûrement celui qui incita indirectement Charlotte sur la voie de la publication. Artiste et écrivain méconnu par le grand public, il mérite cependant sa place au sein des écrivains de la famille Brontë comme le montre si bien ce roman biographique.
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (185) Voir plus



Quiz Voir plus

Rebecca - Daphné du Maurier

Le récit est basé sur...

un journal intime
une narration à la première personne
un procès verbal de tribunal

10 questions
314 lecteurs ont répondu
Thème : Rebecca de Daphné Du MaurierCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..