Cap sur L'Antarctique
Qu'est-ce qui a poussé Jean-Baptiste Charcot navigant sur le fameux Pourquoi-Pas à chatouiller les îles de la désolation, est-ce pour ses seuls habitants, des éléphants de mer et autres otaries, ou dans l'espoir de découvrir de nouveaux glaçons de terres gelées ?
Poussant un peu plus loin le bouchon,
Bertrand Dubois et son frère Loîc deux solides gaillards, imaginent en 1977 réaliser le parcours maritime, et sans aucune assistance, du plus invraisemblable sauvetage en mer, jamais réalisé en Antarctique.
Quelle est cette expédition ?
la plus mémorable épopée de l'Antarctique, celle de sir
Ernest Shackleton, qui armé par la couronne britannique lance en 1914 "l'endurance", pendant qu'un autre navire l'Aurora, parti de Nouvelle-Zélande devait laisser une deuxième équipe, esquivant toutefois un monstre de glace endormi, le Saget, de l'autre côté du pôle sud. le 27 octobre 1915, « l'Endurance » fut broyé.
La suite est à découvrir dans
les Montagnes de l'Océan ou
Bertrand Dubois retrace ce récit pour mieux camper le défi qu'il lance bientôt, à bord du Basile.
En 1964 les anglais tiendront leur revanche, avec l'appui d'un hélicoptère, ils vont réussir deux beaux sommets, de la Géorgie du Sud, le Spaaman, et le Saget, ce dernier en 15 jours de course.
En 1975 l'époque est au mélange des genres, l'aventure se raffine. Il s'agit de rallier à la voile des coins préservés où perchent des sommets inexplorés.
Direction le grand Sud, le Cap Horn puis le continent Antarctique,
Bertrand Dubois apprécie cette «sensation d'isolement» qui vous empoigne dans ces coins oubliés des hommes. Construire une expédition mer-montagne, chercher l'angoisse qui monte quand on veille sur les icebergs, vivre la mémoire des hommes, de ces anciennes colonies baleinières transformées en villages fantômes, et retrouver le vide qui creuse la cervelle.
Déserté par les baleiniers la Géorgie représente un des "derniers paradis" .
Restait à convaincre Jean-Luc, dit
Giono, l'incontournable et fidèle ami de Bertrand, pondéré, grimpeur expérimenté, déterminé, portant en lui une farouche envie de se dépasser, le compagnon capable de rassurer tout un équipage.
Son accord, franc et massif se lisait sur son visage, "Jean-Luc les cheveux raides à la Duduche avait le sourire fendu jusqu'aux oreilles" p 30 .
Aussi solide qu'un guide de haute montagne
Giono qui avait souvent fait équipe avec Cardis Guide de Chamonix confortait ainsi l'équipe alpine, complété dans la foulée par les compétences d'un cinéaste
Denis Ducroz lui aussi guide à Chamonix.
Le bateau est venu par l'équipe du Damien, Jérôme Poncet et
Gérard Janichon, Jérôme Poncet, grand frère de la génération des globe-flotteurs, qui aurait fait naître ses enfants sur la banquise.
Après 100 pages détaillées et passionnantes pour préparer, financer, construire Basile et assimiler la mise en action du voilier, puis d'organiser l'intendance de l'expédition, à partir de 1977, Basile prend enfin la mer le 1er janvier 80, depuis Buenos-Aires.
l'équipage réuni, fort de huit compagnons aux compétences multiples voit à peine passer le Cap Horn, dans des conditions idéales.
C'est le martyre de Denis et de Poyette qui commence. Ils mettront 15 jours à vomir tripes et boyaux, avant de prendre la mesure du Roulis incessant du bateau.
C'est le passage le plus drôle de cette traversée, l'ambiance est au maximum et les difficultés sont encore loin devant.
Le récit de cette aventure est raconté par
Bertrand Dubois pour la montagne, et Alain Caradec pour la navigation.
L'expédition sera une réussite totale, et l'ascension du Saget sera réalisée en moins de 10 jours, malgré le portage de l'équipement nécessaire. En 1964 les anglais avaient dépassé les 15 jours s'appuyant sur un largage par hélicoptère.
Ces pages restent exceptionnelles, elles marqueront à vie
Bertrand Dubois notamment et Alain Caradec qui poursuivra sa navigation dans ces mers si hostiles.
Ce qui séduit à la lecture de ce récit, ce sont les qualités humaines qui apparaissent au fil des pages, marquées par des individualités singulières, et complémentaires, leur capacité à lutter contre l'adversité, à trouver les solutions les plus intelligentes et les plus subtiles pour sortir des impasses.
Un très beau film a été tourné par
Denis Ducroz, un excellent moyen de poursuivre cette épopée australe et d'admirer les paysages époustouflants, comme les hôtes marins de ces mers glaciaires.
Ce livre fait partie de la collection Editions du Pen Duick.
Bertrand Dubois a perdu la vie en Amérique du Sud, Loïc son frère dans un accident.
Nicolas Hulot a salué ce
Jack London contemporain.