Il y a précisément trois types de lectures chez moi : les lectures-ci les lectures-ça, et les lectures Dubois. Le schéma est toujours le même, j'entame une alternance entre les deux premières un temps plus ou moins long, et je reviens à la troisième pour un ravitaillement maison. Parfois cela peut être une relecture, et puis d'autres fois c'est une relecture. Vu qu'il écrit toujours à peu près la même chose.
Voici Paul en vol pour Miami, la quarantaine, parti annoncer à son père qu'il s'est fait virer par sa femme de sa propre entreprise de fabrique en tondeuses à gazon. Rien de tel que de prendre de la hauteur pour faire un retour introspectif sur soi et sa vie, tirer les ficelles du souvenir pour mieux cerner la crise de middle-life.
Est-il utile de préciser que l'on retrouve les ritournelles de Jean-Paul Dubois : les tondeuses à gazon, les aléas du couple, Paul, les poulets maison. Et son ton désabusé bien sûr (« J'ai foi en un certain nombre de chose, comme la patience, le respect, le silence et même le mensonge. Mais je me défie de l'amour, ce sentiment hallucinogène éphémère qui paralyse l'esprit, et vous laisse ensuite pour mort, dans la posture de l'électrocuté »). Sauf qu'ici j'ai eu l'impression de me trouver face à un roman qui cristallise ses leitmotivs, une espèce de roman base de sa quête obsessionnelle.
Un crû de 1994, certes pas le meilleur, loin de là. Des longueurs, comme s'il avait fallu combler pour atteindre les sempiternelles 240 pages (une autre habitude là-aussi). Pour voir au meilleur, il faudrait je crois se tourner vers les derniers. Difficile de dire d'ailleurs en quoi ils seraient meilleurs, peut-être le cocasse y est-il plus présent, l'écriture plus incisive, le désenchantement poussé à son paroxysme. Je sais pas, et puis je m'en fous un peu à vrai dire. L'important pour moi au final est de pouvoir le retrouver après mes lectures comme ci ou mes lectures comme ça.
A se demander si l'obsession, elle serait pas plutôt chez moi.
Faudrait que j'en parle à mon psy.
Et qu'il vienne pas me raconter que ce besoin de me retrouver en gazon connu, c'est justement parce que « La vie me fait peur ».
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L’ultimatum expira et plus jamais le téléphone ne sonna. Je savais que je laissais filer une chance de changer ma vie. Peut-être était-elle infime. Mais je reconnais avoir eu peur de la tenter. Parce que je ne crois pas plus en l’amour qu’aux prévisions météorologiques à dix jours. J’ai foi en un certain nombre de choses, comme la patience, le respect, le silence et même le mensonge. Mais je me défie de l’amour, ce sentiment hallucinogène éphémère qui paralyse l’esprit, et vous laisse ensuite pour mort, dans la posture de l’électrocuté. Un homme aimant vit toujours dans un verre à dents.
Mon père roulait les "r" de façon effrayante.Dans sa bouche "rarement" évoquait un éboulement,et "respirateur",un tremblement de terre.Mais je ne me doutais pas qu'il serait capable de faire sursauter des Espagnols, dont la langue privilégie ce genre de prononciation tellurique. Ses ” por favor" paralysaient les Castillans,et je redoutais le moment où il aurait à prononcer le mot " relojeria ".
Je me souviendrai toute ma vie du cours de climatologie qu’il me donna de sa voix grave et rocailleuse,alors que nous traversions Madrid : " Sais-tu ce qu’on dit à propos de cette ville tellement il peut y faire chaud ? "Tres meses de invierno,nueve meses de infierno".
Lame débrayée, ma machine tourne au ralenti. Je regarde le gazon qui s'étale à perte de vue. Il n'y a pas un nuage dans le ciel. Ma combinaison de travail est immaculée, mes gants sont neufs. J'ai une pensée pour Jean Gütmann à qui je dois d'être là.
J'accepte de me lever tous les matins.
J'accepte de vieillir chaque jour davantage.
J'accepte de mourrir quand il le faudra.
J'accepte la compagnie des mouches.
Pour l'instant , mon visage est dans la lumière du soleil.
Je lance le moteur à plein régime et , en souriant, je m'enfonce dans l'herbe comme on entre dans une nouvelle vie.
Pour essayer de contrebalancer les effets de cette éducation tâtonnante, le duo m'inscrivit évidemment au collège des pères jésuites de Caousou, à Toulouse. Ils espéraient secrètement que, sous l'influence de ces pédagogues réputés intransigeants, je deviendrais un adolescent travailleur, polyglotte et musclé. Au lieu de quoi, les corbeaux de luxe firent de moi un latiniste occasionnel, un dilettante perpétuel et un athée décontracté.
[…] il m'apparaît que je n'ai jamais regardé ma propre vie autrement que de cette façon, à travers un hublot, de loin, essayant vainement de discerner dans ces images filantes un repère auquel je pourrais m'accrocher. Mes escales ont été plus ou moins longues, mais jamais, je crois, je n'ai eu le courage de sortir de ces salles de transit, de quitter ces aéroports qui vous garantissent l'essentiel, pour aller, au ras du sol, jusqu'à la ville réelle, voire à quoi pouvait bien ressembler Raleigh-Durham (pp. 131-2).
Dans son dernier ouvrage intitulé "L'Origine des Larmes", Jean-Paul Dubois plonge ses lecteurs dans une histoire aussi sombre que captivante. Ce roman dépeint le destin tragique de Paul, un homme d'âge mûr, en proie à un passé familial tumultueux. le titre même du livre évoque la douleur et la souffrance qui parsèment le récit.
Paul, le protagoniste, est tourmenté par les sévices infligés par son père, un individu toxique et sadique nommé Thomas Lanski. Pour se venger des années de souffrance endurées, Paul commet l'impensable : il tente d'assassiner son père. Cependant, le destin en décide autrement, car au moment où Paul déclenche son arme, son père est déjà décédé.
Déterminé à accomplir sa vengeance, Paul transporte le corps de son père jusqu'à une morgue en banlieue de Toulouse. Là, dans un acte de défiance ultime contre son géniteur maléfique, il commet l'impensable : il tire deux balles dans la tête du cadavre, mettant ainsi fin à la vie de son père une seconde fois.
Dubois décrit avec une précision déconcertante la noirceur de l'âme humaine à travers les actions de Paul. le lecteur est plongé dans un tourbillon d'émotions, confronté à la cruauté et à la complexité des relations familiales. "L'Origine des Larmes" offre une exploration profonde de la psyché humaine et des conséquences dévastatrices de la vengeance.
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