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EAN : 9782020826013
400 pages
Seuil (09/09/2005)
  Existe en édition audio
3.88/5   1943 notes
Résumé :
Petit-fils de berger pyrénéen, fils d'une correctrice de presse et d'un concessionnaire Simca à Toulouse, Paul Blick est d'abord un enfant de la Ve République. L'histoire de sa vie se confond avec celle d'une France qui crut à de Gaulle après 58 et à Pompidou après 68, s'offrit à Giscard avant de porter Mitterrand au pouvoir, pour se jeter finalement dans les bras de Chirac.
Et Paul, dans tout ça ? Après avoir découvert, comme il se doit, les joies de la diff... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (163) Voir plus Ajouter une critique
3,88

sur 1943 notes
Il est toujours risqué d'émettre des jugements définitifs sur des oeuvres sachant à quel point nos opinions sont fluctuantes au cours des temps et nos sensibilités mouvantes. C'est pourtant ce à quoi s'essayent tous les contributeurs de ce site avec les incertitudes qui s'y attachent…

Alors, permettez-moi aujourd'hui, une nouvelle fois de retenter d'émettre un avis, aussi incertain puisse-t-il être, car il est des livres, parfois, qu'on lit et qu'on ne devrait pas. Des livres si distants, si irrémédiablement loin de nous-mêmes ou de ce que l'on attend de la littérature, qu'on sait, dès l'entame, qu'on est, le livre et nous, inconciliables.

De manière générale, j'ai beaucoup de mal avec ce qui se publie à l'heure actuelle en littérature française, disons depuis une cinquantaine d'années. le dernier grand bouquin en français, selon moi, est Belle du Seigneur d'Albert Cohen. Donc, sur ce qui se publie depuis, je cherche, je cherche, et à chaque fois je suis déçue.

Périodiquement, des amis à moi, ou des avis que je lis ici ou là, m'indiquent tel ou tel(le) auteur(e), tel ou tel livre spécialement ceci ou particulièrement cela, à ne pas manquer d'après eux. Alors, incontinente, je me jette… eh puis non, décidément non, ça ne m'accroche pas.

Voilà comment j'en suis venue à Jean-Paul Dubois. C'était il y a longtemps, bien avant le pataquès actuel. J'ai mis une éternité à lire ce livre. Pourtant, il n'y a pas à dire, c'est plutôt bien écrit, ça se laisse avaler, ça passe tout seul. Mais de là à tenir au corps, là, en ce qui me concerne, ce n'est pas la même loterie. Il est vrai que j'aime bien, de temps en temps, m'avaler gloutonnement une tranche de pain de mie industriel : c'est moelleux, ça passe bien… Mais franchement, de vous à moi, culinairement parlant, c'est un désastre.

On pourrait dire la même chose d'un bon, brave fromage pasteurisé. Ça passe très bien, ça ne choque pas le palais, jamais, ça n'a ni saveur ni odeur trop appuyée. On mange ça en pensant à autre chose et c'est d'ailleurs fort pratique quand on est engagée dans une discussion intéressante car ça ne nous fait pas perdre le fil de ce qu'on raconte. C'est bien sûr tout à fait différent quand vous rencontrez un sacré vieux fromage féroce, un sauvage, un mal dégrossi, vous savez, avec sa méchante odeur de fin des temps. Là, vous êtes obligée de vous arrêter, de laisser vos papilles au combat, peser le pour et le contre à votre place, et rendre leur verdict. Vous pouvez, en fin de compte, adorer ou détester cette matière malodorante, mais une chose est sûre : cela ne vous laissera pas indifférent(e).

Eh bien voilà tout ce que je recherche en littérature, un quelque chose qui ne me laissera pas indifférente. Et, malheureusement, ce n'est pas en me bourrant la panse de littérature pasteurisée que je risque des excès de jouissance. Alors, ne vous déplaise, j'ai le sentiment qu'Une Vie Française, est à la littérature ce que le Brie de Meaux pasteurisé de marque Président est à la gastronomie : un produit de consommation courante destiné à satisfaire le plus grand nombre mais en aucun cas ce qu'un restaurateur digne de ce nom proposerait à sa clientèle.

Qu'est-ce que j'aime en littérature ? Des personnages, et même, des personnages forts, de ceux qui impriment durablement ma mémoire ; des personnages qui me font penser à la lecture: « Oui, tiens, c'est comme ça, exactement. » Des personnages qui représentent plus qu'eux mêmes, des personnages qui sont un pan de l'humanité à eux tout seuls, des personnages qui ne vieilliront jamais car ils sont éternels, universels, indépassables…

Quand on lit Cyrano, on se dit : « Oh Putain ! la vache ! ça c'est bien dit, ça c'est grand ! » car, plus encore que la beauté du verbe d'Edmond Rostand, on a tous plus ou moins un bout de Cyrano coincé en nous, une grande douleur, une vaste peine, qui n'est certes pas forcément un nez trop long, mais en tout cas, un quoi que ce soit qui joue le même rôle. Quand on lit le Harry Haller du Loup des Steppes, on se dit : « Nom de dieu ! moi aussi j'ai ressenti ça, et avec cette intensité là, bon sang, comme c'est bien vu ! »

Ici, rien. L'auteur se veut drôle, or, le tour comique qu'il essaie d'imprimer à sa narration a le don de m'éloigner systématiquement des personnages, de mettre une distance rédhibitoire entre eux et moi. L'auteur ne se livre pas, selon moi, il fabrique un produit. Il ne met pas ses tripes sur la table ; il reste sagement assis dans son fauteuil à se regarder écrire. Il case deux ou trois bons mots dont on le sent très satisfait (comme le coup de braguette magique), place un ou deux embryons de pensée (plutôt convenus et sans trop d'envergure) et puis voilà, c'est tout, c'est déjà la fin, au suivant.

De plus, l'auteur cherche à faire coller les grandes étapes de la vie de son personnage avec les événements politiques de son pays, à savoir la France (ça, vous vous en seriez douté dès le titre) de la Vème République. (D'ailleurs, à le lire, j'ai le sentiment que l'auteur confond " grands événements politiques " et " échéances électorales ", ce qui, d'après moi, n'a à peu près rien à voir, mais bon, c'est un autre débat.) Et quand bien même ce serait la même chose, en soi, est-ce que cela a une quelconque pertinence, le fait que ce soit Machin président ou Bidule président au moment où le personnage vit tel ou tel événement dans sa vie personnelle ? Quel est l'intérêt ? Est-ce que l'étiquette que l'on colle sur le vaste appareil politique d'un pays a quoi que ce soit à voir avec ce que ressentent ses habitants à un temps t dans leur intimité ?

Ainsi, on croise une foule de personnages, desquels on n'apprend, le plus souvent, presque rien, et donc auxquels, fatalement, on ne s'attache pas énormément voire pas du tout. Si je prends l'exemple de l'épouse du narrateur (personnage important, normalement, s'il en est), eh bien je la trouve totalement désincarnée. Je n'y crois pas. Et lorsque je n'y crois pas en littérature, c'est mauvais signe… La preuve, quand elle meurt, je m'en fous. Sa fille va mal ? Je m'en fous aussi, et pour la même raison, parce qu'il n'aura jamais pris le temps de me la faire aimer ou détester, de me la rendre précieuse ou hideuse, de la rendre indispensable à son histoire.

Et pour chaque personnage c'est un peu le cas. Il entreprend même de parler de ses parents en les désignant par leur nom et leur prénom. Ça vous arrive, à vous, de parler de vos parents en les désignant par leur nom et leur prénom ? Moi, jamais, et ça, mon cher Jean-Paul Dubois, ça a le don de mettre une distance entre vos personnages et moi vis-à-vis de laquelle le mur de Berlin ferait office de parc pour nourrisson. Ça me coupe de tout, je ne suis plus dedans, je deviens totalement extérieure à l'histoire au lieu d'être dedans, précisément, de vivre au rythme des personnages et mon coeur de battre à l'unisson.

Bien évidemment, il y a le passage fameux avec David Rochas qui se masturbe dans son rôti. Certes c'est amusant (sans toutefois faire trop de concurrence à Hegel) mais, quand je m'interroge, qu'est-ce que j'en garde du David Rochas ? Eh bien juste le fait qu'il se masturbait dans les rôtis, en somme, l'archétype du personnage qui ne représente que lui-même, l'archétype du personnage dont la seule raison d'être est de placer une petite scène croustillante mais absolument pas de brosser un pan d'humanité qu'il serait intéressant d'observer.

Et tout est à l'avenant (et pourtant, j'ai choisi le passage probablement le plus truculent de l'ouvrage) si bien qu'en bout de course, je n'en garderai rien, circulez, y a rien à voir. Ceci dit, d'autres que moi ont des avis très différents du mien à propos de ce livre et je vous invite à les consulter pour glaner d'autres sons de cloche. En ce qui me concerne, ce ne sera toujours pas le grand bouquin que j'attendais en littérature française, mais, de ça comme du reste, c'est à vous de juger, car ce n'est, bien évidemment, que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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« Et ma mère tomba à genoux. Ses mains sur son visage ressemblaient à un pansement dérisoire ».
Ca commence comme ça : avec un malheur. le frère ainé de Jean Blick, Vincent, vient de mourir de complications opératoires. Jean a 8 ans, nous sommes en 1958, et commence pour lui une longue période de purgatoire entre des parents effondrés qui vivent sous l'eau, avec De Gaulle en toile de fond, sur le téléviseur.

Mais rassurez-vous, Jean-Paul Dubois n'est pas du genre à faire se lamenter ses narrateurs, loin de là ! Avec toute l'humanité du monde, mais aussi avec plein d'humour et d'ironie, Jean Blick va vivre. Il va vivre et connaitre ses premières expériences sexuelles (ah là là...son copain et le rôti familial...) . Il va vivre et clamer ses premières convictions politiques. Il va vivre et tomber amoureux fou d'Anna, qui devient sa femme.

Tout ce qui se passe d'important en France défile sous nos yeux (les chapitres d'ailleurs ont comme titre le nom des divers présidents qui se succèdent, c'est tout dire), mais tout ce qui se passe d'important dans la vie de Jean ne nous échappe pas non plus. Ses pensées les plus intimes, ses déchirements, ses peurs, ses joies et ses doutes, surtout, parsèment les pages de ce roman qui emporte, qui enveloppe. Les joies de la paternité, les voyages en mission pour photographier les arbres, les relations peu à peu distantes avec sa femme, le lien de plus en plus profond avec sa mère...tout ceci est raconté en même temps que la guerre d'Algérie, mai 68, les divers scandales financiers, l'affrontement Chirac- l'Autre, comme il dit (vous avez tous deviné de qui il s'agit) ...

Bref, trêve d'explications : je vous invite à entrer dans ce roman, vous vous y sentirez comme chez vous, amusés, attendris, étonnés, et même bouleversés, car je vous assure que l'humour (toutes les sortes d'humour) et l'émotion (toute la gamme des émotions) vous y accueilleront à chaque page.

Jean-Paul Dubois, que j'appréciais déjà énormément après avoir lu « Kennedy et moi » et « le cas Sneijder », eh bien cet auteur entre dans mon panthéon personnel de mes auteurs favoris ! Je l'adore !
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Il est temps de revoir la grande Histoire de la Vème République autant que les petites histoires de Jean-Paul Dubois. Je peux maintenant citer dans l'ordre tous les présidents de ces derniers temps, les deux intérims d'Alain Poher compris, des présidents qui marquent la vie de Paul Brick, grand photographe d'objet inanimé. De Gaulle est président, son frère est mort, et la vie de Paul, encore adolescent bascule dans un monde où sa mémoire sera toujours présente, où le cynisme de la vie prend le dessus, où je découvre une autre fonctionnalité d'un rôti en famille. La belle époque, ce De Gaulle et mai 68, une autre adolescence que je vis ici par procuration en écoutant Curtis Mayfield, le temps du Québec libre et de la chienlit. Avec Pompidou, c'était une autre paire de manche, pas la peine de s'astiquer le manche, il avait moins de couilles que le Général.

Si je traverse la vie des présidents aux travers de leurs petites magouilles présidentielles et autres travers politiciennes, me pourléchant les babines et me léchant mon majeur après des travers de porc, je découvre surtout celle de Paul Brick que je vois évoluer dans sa petite vie, du gars boutonneux méprisant Ash Ra Tempel et Jetho Thull au quinquagénaire accompli mais pas forcément plus heureux. La faute à cette vie, cette putain de vie, WTF, qui a commencé par le rôti de Mme Rochas. Il faut bien un facteur déclencheur, source d'initiation autant physique que spirituel. Un rôti peut conditionner toute une vie, je te l'assure.

Seconde expérience Jean-Paul Dubois, et j'en redemande déjà… le début d'un long roman, d'une belle histoire comme la passion de la famille Rochas pour le rôti de boeuf de la Boucherie Centrale. Je te le répète, le rôti est au centre de tout, de la table, du roman et de notre monde aussi. le plaisir est à chaque page, ou presque – je ne peux pardonner à l'auteur de citer Pink Floyd comme un groupe affligeant comme une envie de déchirer la page et de la fourrer dans le rôti pour qu'il s'étouffe avec. Parce qu'après tout, j'aime bien Curtis Mayfield, comme j'aime bien America ou Kraftwerk. J'ai une place pour tous ces groupes dans mon coeur et dans ma discothèque, classée par genre et par interprète. Beaucoup de musiques dans la première partie de sa vie, des silences de plus en plus omniprésents par la suite. Je me reconnais forcément dans la vie de Paul Brick, souvent incomprise, et j'avoue que la classification de ma discothèque a toujours également été un véritable casse-tête que je n'ai toujours pas résolu, constamment insatisfait par les choix qui m'ont été de faire.

J'entends les haricots verts qui grésillent dans la poêle, un peu de sel, un peu d'ail. J'ouvre la porte du four, une vapeur chaude embrume mes lunettes, le rôti commence à caraméliser sur ses contours. Un certain plaisir me submerge, plaisir simple et gourmand, décapsule une bière et insère mon disque de Curtis sur la platine…

Une vie désabusée. Paul Brick qui ne sourit plus à la vie, la déprime facile, la vie, putain de vie, désenchantée. Cynique et morose. Drolatique et corrosif. La sinistrose à son firmament. Mais une vie où la musique et les silences ne l'ont jamais quittés. (Dont Worry) If There's Hell Below, Were all Gonna Go...

Tu reprendras bien une tranche de rôti ?
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Jean-Paul Dubois, dessine un tableau sombre teinté de mélancolie sur les chimères comme sur les valeurs qui agitent le monde. En parcourant "une vie Française", ou un demi-siècle d'une famille toulousaine, de ces années qualifiées parfois de glorieuses, il restera un parfum très particulier, indéfinissable, un quelque chose de totalement éphémère, car tout lasse, tout passe, tout casse.
A la page 138 il lâche: je vois la vie comme un exercice solitaire, une traversée sans but, un voyage sur un lac à la foie calme et nauséabond. La plupart du temps nous flottons.

Il y a dans les pages de cette vie française comme un clin d'oeil à Spinoza.

En effet les bonheurs périssables, hasardeux, sont trop souvent la source de désillusions affirme Spinoza. Tel un élève scrupuleux, Jean-Paul Dubois soulignera avec finesse ces bonheurs factices. Il a pris chacun de ses bonheurs périssables et les a théâtralisés dans une vie Française, depuis leur apogée jusqu'à leur naufrage.


Le mirage de l'argent épouse la vie même de sa femme Anna. Anna Villendreux qui en héritant de la société de son père Atoll, va se ruiner et ruiner sa propre famille.
Dans cette épopée boursière, Paul Blinck le mari se délecte à célébrer les succès d'Atoll, ou à décrire le ridicule des patrons, qui ne pestent que sur les charges salariales. Sur sa propre ruine, il aura ce regard désabusé, tout cela pour s'envoyer
en l' air.


Côté ambition, Paul Blick devenu Photographe va nous conduire au plus sublime succès de librairie. Grâce aux photos d'arbres de l'homme tronc ( quolibet inventé par Libération) , jusqu'à la demande expresse de François Mitterrand de voir son portrait, élaboré et éternisé grâce à une photo prise par Paul lui-même, Paul Blick alors tutoie les sommets.
La descente aux enfers est aussi loufoque que les personnages mis en scène par Jean-Paul Dubois Visqueux et penaud notre vedette après son refus de tirer le portrait de Mitterrand se voit contraint d'arpenter les mètres carrés de l'ANPE.


Côté cœur le même scénario va se vitrifier par la conquête d'Anna Villandreux. Paul Blick le doux rêveur va épouser une princesse, c'est merveilleux. Il ira même jusqu'à éprouver les yeux doux de la mère de la princesse. Puis devenu homme au foyer, une belle dame au popotin hallucinant, va éprouver ses talents, "Laure Milot jeune maman sexy aux fesses équatoriales exerçait le même métier que lui",mère au foyer, elle lui fera toucher la piste aux étoiles..
La même descente va le gagner quand la belle dame lui apprendra qu'un rabbin lui avait enfin enseigné les mystères de la révélation, l'orgasme, enfin le plaisir. Douloureusement la perte de son épouse va sceller aussi son désenchantement amoureux.


Fallait-il que Jean-Paul Dubois se déguise en Spinoza. Paul Blink souvent solitaire avait l'idée de nous conduire vers d'autres réflexions. Quand ses propres enfants et sa propre mère prendront une place de plus en plus importante dans sa vie c'est un personnage plus dense, plus fraternel qui traversera ce livre.


la perte du frère, Vincent, quand Paul a 8 ans, est toujours là présente, Vincent est son double il l'accompagne. L'enfant devenu l'enfant unique croit en ses parents, il redécouvre sa mère, Claire, capable de se passionner pour la politique. Une famille se met à vivre, avec ses 2 enfants, Vincent et Marie.
Sa fille envahit les dernières pages, non par goût du mélodrame mais pour authentifier l'homme sincère qui se met à vibrer.


"Je n'ai jamais prié ni cru de bonne foi en quoi que ce soit. Je vois la vie comme un exercice solitaire", écrira Paul après la perte de son frère. Cette ligne de fond est là, souterraine mais la plus visible.
Une autre ligne à la hauteur de ses sarcasmes, défiant les mœurs étriqués de ses concitoyens, maintient Paul à la coque du bateau de son beau-père.
Le lecteur la découvre, sur le bateau, dans la tempête. Cette ligne qui le retient à la vie, va le sauver, celle de la solidarité, aussi ferme qu'une cordée en montagne.
Quand il tombe à la mer l'autre va dans la furie des eaux le ramener à bord.
Jean Villandreux se dévoile avec toute son humanité cachée. le renouveau est en marche.

Un livre à mâcher, dévorer, déguster, une avalanche de situations cocasses et vraies.
Le roman de la vie.
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Un père patron d'une concession Simca, une mère traductrice, deux fils, Vincent, 10 ans et Paul, 8 ans, une belle maison...En cette année 1958 où la France entre dans la Vème république, la famille Blick mène, à Toulouse, une vie paisible et heureuse. Mais le jour de l'adoption de la nouvelle constitution est aussi le jour terrible où Vincent meurt des suites d'une banale opération. La vie de Paul est bouleversée, ses parents peinent à surmonter leur chagrin. Une chape de plomb s'abat sur la famille. Privé de l'affection d'une mère qui n'est plus capable du moindre sentiment, Paul va grandir avec le son de la télévision pour remplacer les conversations, dans la France de de Gaulle, corsetée dans les traditions et les convenances. Puis le Vème république prend son essor, les présidents se succèdent et Paul prend son envol pour devenir un homme.


De de Gaulle à Chirac
De la nouvelle constitution à la dissolution
De mai 68 au 11 septembre
Du plein emploi à la crise
De l'enfant à l'homme fait
De la mort de son frère à l'effondrement intérieur de sa fille
De l'opulence aux huissiers
De l'homme au foyer au photographe globe-trotter...
C'est toute l'histoire d'un pays et d'un homme dans la deuxième moitié du XXème siècle que déroule cette "vie française". Avec drôlerie et tendresse, DUBOIS mêle les petites histoires et la grande Histoire et le lecteur, ravi, voit défiler les grands évènements qui ont marqué la France et les petites anecdotes qui ont marqué une famille française. Et bien sûr, on se reconnait forcément, on a vécu les mêmes choses, on retrouve le passé du pays avec nostalgie, on reconnait ses parents, sa famille, des comportements, des idées.
Une vie française est un livre à lire absolument. Il a la saveur des grandes oeuvres américaines mais avec un goût "bien de chez nous"!
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critiques presse (2)
Bibliobs
22 juin 2017
Culte.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
03 novembre 2011
Si les histoires que raconte Jean-Paul Dubois semblent banales et ses personnages légèrement déprimés ou losers, son écriture est une merveille où pointe l'humour (souvent noir, il est vrai). C'est drôle, ça respire le réalisme sans tomber dans les affres de l'autofiction, et Dubois possède cet art de décrire une situation, une époque, une génération avec un rare talent.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (224) Voir plus Ajouter une citation
— Putain, ça pue l'ail.
— Quoi, tes doigts ?
— Non, ma bite. J'ai la bite qui pue l'ail, à mort. C'est à cause du rôti, de ce putain de rôti.
— Quel rôti ?
Et là, David Rochas, quatorze ans, élève de 4e A au lycée Pierre-de-Fermat me raconta comment depuis près d'une année il s'enfilait jusqu'à la garde tous les rôtis de bœuf que Mme Rochas, sa mère, faisait préparer et larder, deux fois par semaine, par M. Pierre Aymar, chef de comptoir à la Boucherie Centrale. David m'expliquait tout cela d'une voix tranquille et posée, un peu à la façon d'un cuisinier qui vous livrerait les rudiments de l'une de ses préparations. « D'abord je le sors du frigo une ou deux heures avant pour qu'il soit à une température normale, tu vois. Ensuite, je prends un couteau assez large et je fais une entaille, bien au milieu du rôti, pile au centre. Pas trop large non plus, juste comme il faut. Ensuite, je met le tablier, je baisse mon froc et la partie peut commencer. Sauf que souvent, ma putain de mère, elle fourre le rôti avec de l'ail. Alors quand je tombe sur une gousse et que je m'y frotte dessus, j'ai la bite qui pue pendant deux jours. Quoi, qu'est-ce que tu as ? C'est l'ail qui te dégoûte ? On dirait que tu viens de voir le diable. »
Ce que je venais de voir était bien plus impressionnant : mon meilleur ami, demi de mêlée et futur capitaine de l'équipe de rugby, debout dans la cuisine, un couteau à la main, la queue affamée et ardente, besognant le rôti familial taillé avec expertise dans les meilleurs morceaux d'un bœuf, servi le soir même accompagné de haricots verts et de pommes dauphine. Je connaissais bien ce plat. Je l'avais à plusieurs reprises partagé avec les Rochas.
— Tu baises le rôti de ta mère ?
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C'est à treize ans, et sans doute avec un certain retard sur mes congénères, que je découvris tout seul et grâce à Victor Hugo, le principe et le mécanisme de l'éjaculation. C'était un dimanche, et j'avais été consigné dans ma chambre pour lire plusieurs chapitres des Misérables afin d'en faire un résumé. Comme tous les garçons de mon âge, j'étais en permanence travaillé par un profond courant, une tension violente qui rôdait sans cesse dans mon bas-ventre. Pour calmer, ou tenter de maîtriser cette excitation chronique, j'avais pour habitude d'empoigner mon appendice qu'à la manière d'un voyageur impatient je triturais sans but. C'était à la fois agréable et terriblement frustrant. Et Hugo vint. Avec cette lecture sans fin. Ce dimanche divin. Cette fois-là, au bout de l'érection - mécanique simpliste dont je percevais parfaitement les lois -, se produisit ce phénomène brutal, archangélique et mystérieux : l'éjaculation. Avec sa fulgurante émission de liqueur et cette terrifiante et radieuse sensation de douce électrocution. Tel un pèlerin transfiguré, j'eus alors la révélation que je ne vivrais plus désormais que pour connaître encore et encore ce frisson, que c'est après lui que le monde courait, qu'il faisait tourner la Terre, qu'il engendrait des famines, suscitait des guerres, qu'il était le vrai moteur de la survie de l'espèce, que les séismes délicieux de ces glandes pendulaires pouvaient à eux seuls justifier notre existence et nous encourager à reculer sans cesse l'heure de notre mort. Donc à partir de Hugo, tel un vrai misérable au regard des lois catholiques, je me branlais comme un forcené, un évadé de cette petite France mortuaire. Je me branlais en regardant des speakerines de télévision, des catalogues de vente par correspondance, des magazines d'actualité, des publicités avec des filles assises sur des pneus, bref n'importe quelle image pourvu qu'elle me révélât une part de chair féminine.
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J'ai toujours été athée et la religion, quelle qu'elle soit, n'est pas pour moi un concept négociable. Partout, j'avais vu la vermine de la croyance et de la foi grignoter les humains, les rendre fous, les humilier, les rabaisser, les ramener au statut d'animaux de ménagerie. L'idée de Dieu était la pire des choses que l'homme eût jamais inventées. Je la jugeais inutile, déplacée, vaine et indigne d'une espèce que l'instinct et l'évolution avaient fait se dresser sur ses pattes arrière mais qui, face à l'effroi du trou, n'avait pas longtemps résisté à la tentation de se remettre à genoux. De s'inventer un maître, un dresseur, un gourou, un comptable. Pour lui confier les intérêts de sa vie et la gestion de son trépas, son âme et son au-delà.

FRANÇOIS MITTERRAND (I) (21 mai 1981 — 7 mai 1988)
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Pour tromper mon ennui, le soir, il m’arrivait de ranger ma discothèque où s’entassaient un millier de disques de vinyle et quelque deux cent cinquante CD. Cet exercice relevait à la fois du cérémonial et du casse-tête. J’hésitais à les classer par genres – ce qui n’était jamais très confortable pour trouver rapidement un musicien -, ou par ordre alphabétique – choix qui offrait l’avantage de la simplicité, mais manquait singulièrement de style. La plupart du temps, j’optais pour une classification hybride, irrationnelle, dans laquelle j’associais des artistes pour d’obscures raisons personnelles. Ainsi s’il était assez cohérent de placer côte à côte Tom Waits et Rickie Lee Jones, ou encore Herbie Hancock, Jeff Beck et Chick Corea, j’aurais compris que l’on me demandât des comptes sur le fait d’apparier Jimi Hendrix, Johnny Guitar Watson, Stevie Ray Vaughan et Stevie Wonder. Dans ce désordre raisonné, je réunissais en petit bloc mes musiciens préférés ou mes marmottes du moment : à ce titre Curtis Mayfield, Keith Jarrett, Bill Evans, Chet Baker, Miles Davis et Charlie Haden côtoyaient Chico Debarge, Tony Rich, Babyface, Maxwell et D’Angelo. Lorsqu’un brin de lucidité s’emparait de moi, ces manies de vieux, ces attitudes compulsives m’effrayaient, et je songeais que je passais sans doute plus de temps à classer et reclasser ce trésor musical qu’à l’écouter.
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La mort de Vincent nous a amputés d'une partie de nos vies et d'un certain nombre de sentiments essentiels. Elle a profondément modifié le visage de ma mère au point de lui donner en quelques mois les traits d'une inconnue. Dans le même temps, son corps s'est décharné, creusé, comme aspiré par un grand vide intérieur. La disparition de Vincent a aussi paralysé tous ses gestes de tendresse. Jusque là si affectueuse, ma mère s'est transformée en une sorte de marâtre indifférente et distante. Mon père, autrefois si disert, si enjoué, s'est muré dans la tristesse, le silence, et nos repas, jadis exubérants, ont ressemblé à des dîners de gisants. Oui, après 1958, le bonheur nous quitta, ensemble et séparément, et, à table, nous laissâmes aux speakers de la télévision le soin de meubler notre deuil.
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