Pour mes portraits j'aime bien donner à mes personnages le plus possible un petit air de fête. Ce qui m'intéresse c'est leur fête propre à chacun bien sûr, leur spécialité personnelle de fête, mais pour dire la vérité, non, je n'ai pas très fort ce sentiment que chacun soit tellement spécialiste. C'est plutôt comme un sentiment que j'aurais plutôt d'un petit air qui court tout partout de par le monde et pas seulement dans le visage des personnes mais en même temps aussi bien que la même musique dans les arbres, dans les nuages, dans les eaux et dans le vent.... Je crois bien que le portrait le plus sommaire, le plus informe, mais qui joue tant soit peu cette musique, me fera meilleur service que celui le plus appliqué du monde auquel manquerait ce petit air là
Brume du matin sur la campagne - La matière est comme de couches de limon gluant, couleur d'argile ou d'un vert glauque et brumeux peu nommable, que la pluie aurait fait couler, s'interpénétrer et travailler lentement les unes dans les autres. Le ciel, bleu de lapis profond contraste. Les tracés sont gris sale, tout nuancés de reflets rosâtres et bleutés, illuminés d'éclatants blancs
Parmi les peintures qui m'ont occupé l'an dernier s'en trouvent bon nombre qui ne représentent rien que le dessus d'une table ; celle-ci est parfois porteuse d'objets indéterminés, mais le plus souvent nue. Ces tables, de texture croûteuse et hérissée, comme celle des paysages, sont avec ces derniers en étroit rapport. Elles répondent à l'idée que n'importe quel lieu du monde est... peuplé d'un fourmillement de faits : pas seulement ceux qui appartiennent à la vue de la table elle-même mais aussi, mêlés à ceux-ci, d'autres qui appartiennent à la pensée de l'homme et qu'il projette sur sa table au moment qu'il la regarde..
Ce qui est à signaler c'est que j'ai constamment, dans ces deux mois, fait des essais de matériaux divers pour fabriquer mes pâtes – tantôt mélange de vernis et d'essence, auxquels j'ajoute plus ou moins d'huile, tantôt médiums à base de résines synthétiques glycérophtaliques, et encore d'autres produits que tantôt j'emploie séparément et tantôt je combine ensemble. Naturellement, j'ai des surprises et des déboires et notamment souvent des craquelures se produisent dans les deux ou trois jours que le tableau sèche. En général... elles ne font pas mauvais effet, elles s'insèrent dans la facture tourmentée du tableau.
Voici Chaissac et ses tours. Ses stupéfiantes tours. Le roi des déconcertants !...... Rien que du plus trivial, des objets et faits empruntés à la vie quotidienne la plus nulle, le parler le plus commun, plats propos – radotages. C’est cela son matériel, à Chaissac, à partir de quoi il va faire résonner des échos si bizarres, faire s’élever un vent inconnu, un vent qui n’est qu’à lui.
Jean Frémon le Miroir magique éditions P.O.L : où Jean Frémon tente de de quoi et comment est composé son livre "Le Miroir magique" et où il question notamment du portrait et de l'autoportrait, du modèle et du peintre, de Rembrandt et de van Gogh, de David Hockney et Jean Dubuffet, de Victor Hugo et de Robert Musil, de ressemblance et de différence, des portraits peints et des portraits écrits, de Bram Velde et des portraits du Fayoum, quelques mois après la parution du livre "Le Miroir magique" aux éditions P.O.L, à Paris le 2 juin 2021