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Ne confondons pas tout à fait le livre et la série d'émissions télévisées baptisées : le temps des cathédrales - des émissions rendues possibles grâce à l'appui déterminant de Roger Stéphane ; elles furent, on s'en souvient, savamment présentées et commentées, d'une voix chaude et posée, par Georges Duby en personne ; série inoubliable, qui ne fut pas qu'un inventaire du patrimoine architectural et monumental religieux du Moyen Âge, mais l'occasion de comprendre comment de la puissance d'une religion qui imprégnait tout, sans tenir les commandes gouvernementales des pays de la zone européenne, on fit le symbole d'un pouvoir divin supérieur à toute activité humaine, que celle-ci fût ou non sacrée, en même temps qu'un moyen de sanctifier et protéger cette action dont on disait qu'elle était faite pour célébrer la gloire de Dieu, même si cette glorification servait parallèlement - ou principalement - l'orgueil des hommes sous les aspects de la dévotion et de la foi.
L'ouvrage est bien plus dense que le texte des émissions où il s'agit d'illustrer par l'image et par le verbe : les pages du livre sont chargées, remplies d'exemples qui illustrent le propos, de descriptions d'éléments et d'ensembles qui semblent caractériser un style dans ses évolutions ou servir de charnière entre deux manières ou deux époques, et le discours en est plus difficile à suivre, du moins au début. Dans le livre, tout comme dans la série télévisée, il est d'abord question des lieux où s'enracine l'art monumental religieux du Moyen Âge : dans la référence pas complètement oubliée à la Rome impériale, dans l'équilibre provisoire trouvé sous Charlemagne fondateur d'un Empire qui n'allait pas durer bien longtemps, dans la volonté de l'Eglise catholique d'incarner un pouvoir souverain, d'essence divine, placé au-dessus des pouvoirs laïques et temporels, invités à rendre la seule justice humaine sous le regard des ministres de Dieu sur Terre. Dissipant les discours convenus sur les "terreurs de l'An Mille", Duby en vient à montrer comment a éclos puis s'est développé l'art roman, puis il procède de même pour l'art gothique, en soulignant que ce qui était d'abord caché, préservé, réservé à l'élite des orants et des officiants autour de l'espace consacré du choeur, où seuls les moines et les prêtres, les abbés et les évêques avaient droit de se trouver, dans un contact privilégié avec le monde divin, est devenu lieu d'enseignement et d'exégèse par la représentation aussi bien que par la parole, et que l'on est passé progressivement de l'image d'un Dieu en colère et d'un Dieu de punition à un Dieu compatissant, et que, du portail du terrible jugement dernier figuré au tympan de l'église de Moissac, on est, petit à petit arrivé à un temps où, dépassant le besoin de se repentir et de revenir aux sources par l'austérité de l'art cistercien et la simplicité de l'art franciscain, la terreur entretenue a fait place à la joie et à la confiance du bourgeois heureux de voir s'élever, par ses dons généreux, l'art de l'envolée spirituelle sous les hautes voûtes de cathédrales gothiques vouées à monter toujours plus haut vers le ciel, jusqu'aux limites du possible. Les temps heureux sont repérables dans le décor sculptural et dans les verrières et les rosaces qui renvoient l'image d'une société en expansion et rayonnant de tous ses feux et de tous ses fastes. du XIIe au XIIIe siècle, la foi semble tranquillement bercer les hommes dans des certitudes que rien ne semble pouvoir ébranler. Mais le XIVe siècle et le début du XVe siècle marquent le retour du doute et de la peur, les épreuves et les malheurs de la guerre de Cent Ans et de la propagation de la peste, avec leur cortège de morts, amènent les hommes à regarder en face la souffrance, à montrer le visage de la mort dans toute sa crudité, et à multiplier les images du Christ supplicié sur sa croix, vision doloriste qui mettra du temps à s'estomper. La fin du XVe siècle voit en partie reculer ce phénomène, en un temps où les puissants veulent transformer les châteaux crènelés, devenus inutiles avec le développement de l'artillerie, en belles demeures princières. le goût du beau, et celui du luxe reviennent, mais le religieux, s'il semble encore dominant, est en train de perdre la partie, alors que l'artiste apprend à s'émanciper de ce cloisonnement dans la relecture des événements humains sous le seul regard de Dieu et à représenter enfin l'individu pour lui-même, à l'identifier et à l'immortaliser dans la réalité de ses traits, victoire totale sur les représentations stéréotypées, figées et hiératiques des époques antérieures.
L'humanisme était déjà en train de poindre.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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Un livre pour érudits, assez difficile pour ceux qui ne sont pas familiers de l'histoire de l'art, ni de celle du bas Moyen Age en Europe. Mais pour ceux qui parviendront à surmonter ces handicaps, l'ouvrage constitue une merveilleuse invitation à (re)découvrir le patrimoine architectural Gothique de notre pays.
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Le sous-titre explicite bien le propos de Georges Duby : il s'agit de parcourir l'art du moyen âge (à l'exclusion du haut moyen âge) mais en reliant l'évolution de cet art à l'évolution de la société, de ses représentations, de ses valeurs. le texte est d'une grande densité, il vaut mieux connaître déjà cette époque, avoir en tête les dates, et une certaine connaissance des personnages, car Georges Duby cite un certain nombre d'événements ou personnes, mais ne les explicite pas.
Le texte est découpés en trois périodes, avec ses spécificités et particularités, même si tout est toujours en mouvement, en perpétuel changement et évolution.

La première période qui va de 980 à 1130 est intitulée le monastère. C'est dans ces derniers que s'est réfugié l'art, suite à la dislocation de l'état sous les poussés de diverses invasions (vikings, hongroises, sarrasines). L'art est une offrande à Dieu, un Dieu terrible, le monastère est un lieu de prière pour apaiser ce Dieu, c'est d'ailleurs le seul lieu de prière, les moines étant les intermédiaires indispensables. Et les offrandes de riches seigneurs et chevaliers (illettrés) affluent pour permettre aux moines de remplir leur office dans des conditions dignes de Dieu. L'art roman et Cluny (et tous les monastères fondés sous sa bannière) en sont les symboles les plus représentatifs.

La période de 1130- 1280 est intitulée La cathédrale. Dans cette époque, les seigneurs locaux, ont quelque peu perdus de leur superbe, le pouvoir royal s'est réaffirmé, la croissance de la population, des facteurs économiques ont permis l'essor des villes, une autre forme de production des richesses. L'art demeure néanmoins pour l'essentiel un art liturgique, au service de Dieu, et géré par les clercs. Et se manifeste dans l'éclosion des cathédrales gothiques, dans lesquelles Dieu est lumière. Un dieu moins terrible, plus humain, et qui accepte la participation des croyants non clercs à la prière et à la liturgie, même si c'est encore comme des figurants de second plan.

La troisième période qui va de 1280 à 1420 est intitulée le palais. L'art quitte le domaine de Dieu et investit celui des hommes. Paradoxalement, le XIVem siècle est un siècle de régression sur de nombreux plans, guerres, épidémies, famines, un grand recul démographique. La richesse quitte de plus en plus le grand domaine rural pour se concentrer dans les villes, et en tout premier lieu italiennes. Les mécènes de l'art ne sont plus les mêmes, et ils n'ont plus les mêmes demandes. L'art, comme la société s'individualise, ne s'adresse plus à une collectivité, et se laïcise. En partie grâce à des philosophes comme Guillaume d'Ockham, qui pose que l'homme ne peut atteindre Dieu que par un acte de foi, une adhésion de l'âme à des vérités indémontrables, mais qu'il ne peut comprendre le monde que par ce qui dans ce dernier est susceptible d'observation directe, d'un raisonnement à partir de l'expérience. Ce qui ouvre la voie à une approche scientifique.

Ce petit texte ne donne pas réellement la richesse de ce livre, mais je ne me sens pas capable de faire mieux, sauf à passer vraiment énormément de temps. Une lecture d'une grande richesse à laquelle il faut revenir plusieurs fois.
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Un livre passionnant sur l'art des cathédrales où l'on apprend énormément énormément sur l'art, la religion. Un livre naturellement très érudit mais qui se lit comme un roman..
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le temps des cathédrales est un chef-d'oeuvre absolu.

La forme y contribue grandement tant par le style littéraire que par le recours aux procédés rhétoriques traditionnels. le style est dense, qui emploie termes littéraires rares et combine phrases segmentées aux périodes cicéroniennes qui demandent du souffle. Parfois manquent les articles, cependant que les verbes sont employés absolument là où on attendrait un complément ; tout comme les adjectifs en incises sont substitués aux adverbes. le plan épouse celui d'une dissertation avec introductions, transitions clairement signalées et conclusions où le ton s'enfle et avoisine l'emphase, mais sans pédanterie.

A cela s'ajoute une culture jamais prise en défaut. Georges Duby semble avoir tout lu, tout vu et tout retenu de ce qui concerne le Moyen-Âge. Il est à l'aise dans tous les champs culturels, historique, culturels, religieux et esthétique sans oublier la littérature. L'oeuvre fourmille de notions, de faits, d'événements et d'anecdotes, à en donner le vertige. le tout permet de saisir que l'évolution des mentalités explique et accompagne les nouvelles formes artistiques qui voient le jour sous l'impulsion d'hommes marquants (Saint-Louis, l'abbé Suger, l'empereur Frédéric II…) ou d'événements historiques tels que la Reconquista ou la prise de Byzance par les croisés, pour n'en citer que deux.

Un livre à lire à tout prix, ne serait-ce que pour apprendre que le Moyen-Âge n'est pas aussi barbare et obscur que Rabelais le prétendait.
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