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EAN : 9782226132093
450 pages
Albin Michel (10/04/2002)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Écrivain, musicologue, biographe, essayiste, romancier et dramaturge, Roman Rolland (1866-1944) est l'auteur d'une oeuvre considérable. Si de nombreux textes inédits - notamment son Journal - éclairent le parcours de cet homme, sa véritable personnalité demeure méconnue.
Victime de partis pris et de préjugés, Romain Rolland vécut une Histoire qui a bouleversé l'Europe, avec deux guerres mondiales et l'avènement des totalitarismes. Faut-il le réduire à n'être ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cette biographie m'a captivé du début à la fin, non seulement pour la qualité d'écriture de l'auteur, mais bien sûr pour le parcours exceptionnel de Romain Rolland (1866 - 1944) immense écrivain qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1915. Comme beaucoup d'auteurs de sa génération (à part Proust), il n'est plus beaucoup lu aujourd'hui. Cet intellectuel brillant n'était pas seulement romancier, il a écrit aussi de nombreuses pièces de théâtre et des biographies. Il avait aussi le don de la musique et jouait admirablement bien du piano au point qu'il aurait sans doute pu embrasser une carrière de pianiste. Après l'école normale supérieure et l'agrégation d'histoire, il obtient un doctorat avec une thèse ayant pour titre : « Les origines du théâtre lyrique moderne. Histoire de l'opéra en Europe avant Lulli et Scarlatti ». Il rédigea en tant que musicologue de nombreux articles sur la musique et une biographie de Beethoven, ses écrits dans ce domaine font encore autorité en la matière.

Il est surtout connu du grand public pour son roman « Jean-Christophe » une fresque de 1200 pages qui est considérée comme le premier roman-fleuve de la littérature, Romain Rolland aurait lui-même inventé cette expression pour qualifier son roman.

Sa biographie est intéressante dans la mesure ou elle permet de se plonger dans une période très importante de notre histoire entre l'affaire Dreyfus et la Deuxième Guerre mondiale. On peut ainsi mieux se rendre compte des débats qui opposaient les partisans de la paix aux nationalistes belliqueux. La position de Romain Rolland peut être résumée par le titre de son fameux manifeste pacifiste publié en septembre 1914 « Au-dessus de la mêlée ». Ses propos, dans lesquels il renvoie dos à dos les nationalismes français et allemands fait l'objet de vives critiques certains le considère comme un germanophile. Devant ces critiques injustes, Romain Rolland préfère se taire et se retirer du débat. C'est une attitude qui lui sera souvent reprochée comme dans l'affaire Dreyfus ou il refuse de prendre parti, même si après la condamnation de Zola il se placera dans le camp des dreyfusards. Proche des socialistes il se rapprochera de la Russie soviétique de Staline, mais comme beaucoup d'intellectuels de l'époque il s'est trompé lourdement sur ce sujet et ne changera vraiment d'opinion qu'après le pacte germano-soviétique signé entre Hitler et Staline.

Toute sa vie il voulut rester libre et indépendant de tout parti politique et a prôné la non-violence. Il admirait profondément Gandhi dont il écrivit une biographie.

Travailleur infatigable il est l'auteur d'une oeuvre immense ainsi que d'une correspondance avec tous les grands esprits de son temps : Zweig, Aragon, Gandhi, Hermann Hesse, Gorki, Paul Claudel, Richard Strauss et cette liste est loin d'être exhaustive.

Il est intéressant de se plonger dans cette époque et d'essayer de comprendre comment des personnalités brillantes sur le plan intellectuel et artistique ont pu se tromper à ce point sur le communisme soviétique qui allait totalement à l'opposé de leurs idéaux de justice et de paix.

Cette biographie de Bernard Duchatelet ne masque pas les contradictions et l'itinéraire complexe de Romain Rolland qui s'est fait le champion de l'antifascisme et a lutté contre le nazisme et qui en même temps a accepté cet autre totalitarisme, le communisme soviétique.

Il est touchant d'apprendre que malgré de gros problèmes de santé qui le maintenait le plus souvent alité, sa passion pour la musique ne le quitta jamais. Quelques jours avant sa mort, au prix d'un grand effort, il a joué pour ses amis Bouillé de Mégennes la sonate opus 111 de Beethoven. J'ai écouté ce morceau après lecture de cette biographie et j'ai été surpris par sa modernité. J'ai cru même reconnaître des accents jazz dans le deuxième mouvement Arietta adagio. Intrigué j'ai fait une recherche sur internet pour découvrir que certains critiques d'art considèrent que Beethoven était le précurseur du jazz (un jugement un peu trop péremptoire à mon avis). Pour ceux que cela intéresse je précise que le passage dure deux minutes et commence à 6'15. Ceci n'a pas grand-chose à voir avec la biographie de Romain Rolland si ce n'est que je regrette qu'aucune de ses prestations musicales n'ait pu faire l'objet d'un enregistrement.

— « Romain Rolland tel qu'en lui-même », Bernard Duchatelet, Albin Michel (2002), 446 pages.
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Citations et extraits (151) Voir plus Ajouter une citation
Il se remet à la préparation de son roman. Dès le début, Rolland marque avec netteté le projet d’ensemble. Le titre général, L’Âme enchantée, est volontairement énigmatique. Mais une longue note du 11 juin 1921 est explicite. Rolland veut montrer une âme passionnée, celle d’Annette, dont l’ « Éros invisible » revêtira « quatre ou cinq formes successives » : amour pour son père, amour pour sa sœur, Sylvie, amour pour son fils, pitié passionnée pour l’humanité. « La cinquième forme, – la dernière (quand elle a atteint et déjà dépassé le point de maturité) – sera tournée vers Dieu – vers l’Infini. Ce sera une profonde vie mystique (dont la confession de la grande mystique de Flournoy peut donner quelque idée) et dont rien ne transparaît au dehors. » Cette fin doit éclairer tout le livre et lui donner son sens, religieux.

Précisons tout de suite l’allusion à la « grande mystique ». Il s’agit d’un cas que Théodore Flournoy a longuement exposé et commenté. Cécile Vé a connu en 1913-1914 une série d’extases mystiques qui lui ont donné la certitude de la réalité du Divin : « Mon âme, écrit-elle, a pénétré au-delà du voile. » Faisant « l’expérience de Dieu », elle sent son « Âme attirée irrésistiblement par l’Âme universelle » ; elle découvre « la réalité suprême, le but ultime de toutes choses ; c’est la Force vivante et triomphante, […] l’Être essentiel qui est “par-delà” le temps et l’espace et le bien et le mal ». Cécile Vé se rend compte que « là-bas était la vraie vie, mais une vie telle que son Moi actuel ne peut la percevoir consciemment ». Il lui faut ces moments d’extase pour être « soulevée hors de la conscience », « plongée dans l’Au-delà, dans l’ineffable et le divin » ; il lui semble alors « être autre et être ailleurs ». Elle est convaincue que ces moments lui permettent « l’approche de la Réalité essentielle » et il lui arrive, malgré l’angoisse que peut lui causer l’état présent, de « passer aux régions sereines que n’atteignent pas les nuages : par-delà la souffrance et l’horreur ». Flournoy fait remarquer, par ailleurs, « qu’abstraction faite de ses tempêtes intimes, qu’elle ne laisse pas percer au-dehors, Mlle Vé jouit d’une santé extrêmement robuste ». « Rien ne signale à l’extérieur le mysticisme de Mlle Vé. »

Rolland s’inspire de près de cet exemple qui, à bien des égards, lui rappelait certaines de ses propres expériences. Il note lui aussi que chez Annette, « cette vie subconsciente se déroule, du commencement à la fin, à l’abri de tous les regards » et que seule Annette connaît « les secrets de cette existence souterraine », ajoutant toutefois : « Je me trompe : un seul devine cette riche vie profonde et a l’intuition, de ces mystères […]. C’est l’homme qu’Annette rencontrera dans sa maturité. » Il évoque cet homme, anonyme encore – mais les lecteurs de L’Âme enchantée auront reconnu le comte Bruno Chiarenza : sage, il « sait juger des âmes et de leurs valeurs cachées » ; « Annette sentira la douceur bienfaisante de ce compagnon qui sait comprendre, aimer et se taire. »

Cinquième partie
Chapitre 1
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Rolland est même renforcé dans son opinion par le contact qu’il a avec la pensée asiatique, à laquelle il s’intéresse de plus en plus : « Tous les Asiatiques avec lesquels je suis en rapport, – Hindous, Chinois, Japonais, – me paraissent très proches de moi, sur l’essentiel de l’âme ; et, de plus, ils m’apportent des éléments nouveaux qui m’enrichissent » (C17, 184). C’est, précisément, sur cet « essentiel de l’âme » que Rolland veut attirer l’attention. Il le redit dans l’ « Avant-propos » de La Danse de Çiva d’Ananda Coomaraswamy : « La grande pensée brahmanique […] n’attend pas d’une guerre, d’une révolution, ou d’un coup de la grâce, une brusque transformation du monde. Elle embrasse des périodes immenses, des cycles d’âges humains » (I, 603). Rolland se baigne dans cette « ample et calme métaphysique de l’Inde », où « tout est harmonisé » (I, 600). Cette foi de l’Inde brahmanique lui « paraît celle qui étreint le plus d’univers » (I, 601). À son contact, il ressent calme, patience et joie sereine. Son regard peut porter au-delà des limites de sa vie individuelle, sans se laisser gagner par la hâte frénétique. Pourquoi se laisser duper par « ces perpétuels espoirs tumultueux, prêtés à courte échéance et immanquablement perdus, ces rêves de Picrocholes, ces paradis sociaux réalisés sur terre, à coup de mitrailleuses ou de décrets tranchants, cette précipitation et cette violence myopes » (I, 602) ?

Cinquième partie
Chapitre 2
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Claudel vient le trouver dans sa chambre. Rolland propose à son ami qu’il lui prenne les mains et qu’ils récitent ensemble le Pater. Claudel en est bouleversé. Il s’agenouille au pied du lit ; leurs mains unies, ils disent la prière en français. Rolland précise bien que ce geste n’est pas pour lui « un acte de foi », mais « un acte d’union avec ceux qui ont la foi » ; il redit encore que, chez lui, la raison, « élément divin dans l’homme », l’empêche de croire. Mais la scène qu’il vient de vivre permet à Claudel de se réjouir des dispositions de son ami retrouvé : « En somme, je vois que vous êtes sur le bon chemin ; entre nous, c’est une différence de degré… » (Sdp, 62-3). Mais la différence est de taille. Claudel ne tardera pas à s’en apercevoir. (...)
Avec sincérité, le 26 avril, il lui explique sa situation : le problème entre eux n’est pas tant la question religieuse que la croyance à une religion révélée. Non, à vrai dire, que Rolland y soit hostile, encore faudrait-il qu’il y soit introduit. Claudel a eu la chance d’être appelé par Dieu et par le Christ : *« Vous avez reçu, de très bonne heure, sa visite. Vous en êtes resté, toute votre vie, imprégné. […] Si je l’avais connu quand j’étais jeune, si je l’avais eu pour ami, au cours de ma vie, il eût sans doute éclairé mes pas. Je l’ai appelé sans le connaître, il n’est pas venu, et j’ai dû faire ma route, seul. À présent que je suis presque au terme, et que je fais halte, il faut me laisser le temps d’embrasser tout l’horizon, derrière moi, devant, tout autour. Je ne dors pas, j’ai les yeux ouverts, et j’interroge les feux du ciel dans la nuit. »

Septième partie
Chapitre 2
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Durant son « Périple », souvent douloureux, Rolland a acquis la certitude de ce qui au début n’était qu’une intuition : la vie est tragique par nature ; celui qui se tient sur « Le Seuil » sait que la mort est derrière la porte. Mais l’existence du moi individuel ne se réduit pas au court laps de temps de la vie ; ce moi est lié au Moi cosmique, beaucoup plus vaste : « Je crois à l’immensité de mon existence d’avant le berceau » (VI, 185). Rolland vit dans un « “Aujourd’hui” où le soleil ne se couche jamais », un « Aujourd’hui » ainsi résumé : « Chaque instant, chaque miette de vie – l’Éternité vivante. Dieu sans bornes » (VI, 192). Telle est la « clef religieuse » : « La Vérité cosmique, dont le centre est en moi, mais dont le rayon dépasse infiniment le cercle de mon existence » (VI, 193). C’est parce qu’il se sent « au cœur océanique de l’être », qu’il peut connaître « cette sérénité de l’esprit » (VI, 162), « la paix centrale, au cœur de l’agitation sans fin » (VI, 193).

Cinquième partie
Chapitre 5
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Rolland a enfin terminé l’ouvrage qui le tient depuis près de dix ans. Ce n’est pas un roman comme les autres. On peut y voir une narration réaliste qui raconte la vie d’un musicien de génie, de la naissance à la mort, avec des personnages bien campés psychologiquement. On y trouve la description d’un monde par un historien du présent. Mais, à la différence d’un roman de Maupassant ou de Flaubert, Jean-Christophe n’étudie pas le mécanisme d’une passion et, pour ce qui est l’évocation d’une époque, il ne ressemble ni à La Comédie humaine ni aux Rougon-Macquart. Il est bien autre chose. Rolland le qualifiait de « vaste poème en prose […] qui brisait délibérément avec toutes les conventions admises dans le monde littéraire français » (JC, XIV). Il n’a sans doute pas écrit le roman musical dont il rêvait en 1890. Suivant la vie de son héros, il garde la chronologie linéaire et la jalonne de péripéties. Mais, s’adressant au sentiment et à l’émotion plus qu’à l’intelligence, utilisant des procédés musicaux – prélude, postlude, crescendo, leitmotiv –, il désire emporter le lecteur dans le mouvement de cette vie, voulant lui faire partager sa quête. Car l’œuvre, plus qu’un roman d’éducation, avec une initiation amoureuse, une initiation intellectuelle, est bien plutôt un roman initiatique.

Troisième partie
Chapitre 5
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