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Citations sur Demain à Santa Cecilia (11)

En tout cas, quelle que fut l’étincelle ou la précarité de son origine, l'incendie avait consumé les projets de ses aines et laissé place nette aux fondements de sa vie. Et, par-dessus tout, intangible mais puissante, il y eut l'impulsion donnée par Andres Fontana.
Presque a leur insu, un vers déclencha ce phénomène. Un vers simple, écrit a la main, retrouvé dans la poche d'un poète défunt. neuf mots d'une apparente simplicité que Daniel n'aurait jamais compris dans toute leur dimension si son professeur ne lui avait pas ouvert les yeux. Neuf mots qu'Andres Fontana traça a la craie sur le tableau noir. Estos dias azules y este sol de la infancia*.
- Monsieur, comment était le soleil pendant l'enfance d'Antonio Machado ?
La question avait jailli de la bouche d'une étudiante dégourdie, au visage de petite souris et aux grandes lunettes cerclées, qui s’installait toujours au premier rang.
- Jaune et lumineux, comme toujours, intervint le pitre de service sans être drôle.
Il y eut quelques rires timides.
Fontana ne rit pas.
Ni Daniel.
- On apprécie le soleil de son enfance seulement quand on l'a perdu, dit le professeur en s'asseyant sur le bord de sa table, le morceau de craie entre les doigts.
- Quand on perd le soleil, ou quand on perd l'enfance ? demanda Daniel en levant son crayon en l'air.
- Quand on perd le sol qu'on a foule, les mains qui nous ont tenu, la maison ou l'on a grandi. Quand le départ est définitif, quand on est chassé par des forces étrangères et qu'on est sur de ne jamais revenir.
Et le professeur, qui jusqu'alors avait sobrement et scrupuleusement respecté le programme, se dépouilla de son aspect doctoral et leur parla. De la perte et de l'exil, d’écrivains expatriés et duc cordon ombilical de la mémoire ; celui qui ne se brise jamais en dépit des monts et des océans qui finissent par séparer les cœurs des soleils de leur enfance.
Lorsque la sonnerie annonça la fin du cours, Daniel savait désormais, sans l'ombre d'un doute, ou le mèneraient ses pas.

* "Ces jours bleus et ce soleil de l'enfance."
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- [...] Les militaires, ils vivent la tout seuls ou avec leurs familles ?
- Avec leur moitié, intervint Modesto avec un entrain renouvelé. Parce que, sinon, expliquez-moi pourquoi je croiserais toutes ces pouliches qui se baladent avec leurs pantalons tellement serrés que j'ai envie de... de...
- Vas-y mollo, Modesto, après tu t'echauffes et ca fait grimper ta tension, le réprimanda Catalina, coupant court à ses élucubrations.
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Simona n'était pas une femme intelligente, mais elle observait de près la vie des riches depuis des dizaines d'années et elle était capable de comprendre que, outre l'argent et les propriétés, l'éducation et la culture jouaient un rôle important. Pour cette raison, quand doña Manolita se mit à donner à son fils des livres pour enfants qu'il n'aurait jamais pu avoir autrement, elle pressentit que sa patronne servait finalement à quelque chose.
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Me frayer un passage dans la vie d'Andrés Fontana à la manière dont on creuse une tranchée, ce n'était pas la bonne méthode. Il fallait que mon optique soit radicalement différente et parte d'une autre perspective. Je devais adopter une attitude humaine, proche, m'efforcer de découvrir une personne cachée entre les mots.
Ma mission était de récupérer la mémoire d'un homme.
La mémoire enterrée d'un homme oublié.
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Parfois, tout s’écroule autour de nous, telle une pesante et froid chape de plomb.
Ce fut ce que je ressentis en ouvrant la porte de mon bureau. Si familier, si chaleureux, si personnel. Avant.
Pourtant, de prime abord, rien ne justifiait ce désespoir. Tout était resté en l’état. Les rayonnages remplis de livres, le tableau de liège couvert d’horaires et d'avertissements. Chemises, dossiers, affiches d'expositions anciennes, enveloppes a mon nom. Le calendrier figé deux mois auparavant, juillet 1999. Tout était intact dans cet espace qui m'avait servi de refuge pendant quatorze années, le réduit qui , une année scolaire après l'autre, accueillait des hordes d’étudiants, indécis, revendicateurs et ambitieux. Dans ce décor immuable, seuls avaient changé les piliers qui me soutenaient. De haut en bas, en totalité.
Deux ou trois minutes s’étaient écoulées depuis mon arrivée. Peut-être dix, ou bien même pas une. En tout cas, assez pour prendre une décision. Mon premier mouvement consista a composer un numéro de téléphone. Pour toute réponse, je n'obtins que celle aseptisée d'une boite vocale. J'hésitai entre raccrocher ou non, le non l'emporta.
- Rosalia, ici Blanca Perea. J'ai besoin de ton aide, il faut que je m'en aille.Je ne sais pas ou et je m'en fiche. La ou je ne connaîtrai personne et ou personne ne me connaîtra. Je sais que ça tombe on ne peut plus mal, au tout début de l’année scolaire, mais appelle-moi des que possible, s'il te plait.
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Il ne restait plus que quelques feuilles éparses au fond du dernier carton : le reçu chiffonné de plusieurs livres achetés en mars 1969 à la librairie Moe's à Berkeley. Un horaire de cérémonies liturgiques à la mission de Santa Clara. Une carte de routes départementales.
Et derrière tout ça, la déception.
Nous étions arrivés à la fin sans parvenir à nous forger une opinion solide ; nous avions des intuitions, des pressentiments. Et mille données diverses et variées allant toutes dans le même sens. Le père Altamira, dont nous espérions qu'il nous conduirait à bon port, avait disparu de tous les témoignages écrits sans nous permettre de découvrir ce qu'il avait fait au cours de l'année 1827.
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Je me gardais bien de lui préciser les raisons de ma hâte à m'installer ici le plus tôt possible, ou à me raccrocher de toutes mes forces à cette bourse modeste si éloignée de mes centres d'intérêt. Je fis mine de chercher dans mon sac n mouchoir en papier pour me moucher en attendant que Rebecca Cullen change de sujet, cesse de se demander pourquoi une professeure espagnole, à la carrière professionnelle plus que solide, à l'excellent CV, avec un bon salaire, une famille et des relations, avait décidé en quatre jours de remplir à toute allure deux valises et de partir à l'autre bout du monde, comme si elle fuyait la peste.
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En réalité, j'appliquai la règle d'or de tout bon professeur : laisser les problèmes personnels dans le couloir, puis aller de l'avant, tel un comédien entrant en scène.
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Quand les parents d'Aurora virent comment le puissant chef de la base américaine serrait dans ses bras son jeune compatriote, qu'eux-mêmes avaient dédaigné quelques jours auparavant, le prenant pour un vulgaire coureur de dots, le père faillit s'étrangler avec un des glaçons de son whisky et la mère sentit couler dans son dos une sueur froide qui lui fit craindre le pire pour la soie de sa robe. Une telle cordialité témoignait sans nul doute de l'amitié sincère d'Harris pour le nouveau venu; par chance, nul ne vit que cet acte était la réponse automatique à un ordre donné à son époux par Loretta, qui lui avait cloué son talon gauche sur le pied. Personne ne devina, dans l'assistance, que ces deux hommes se voyaient pour la première fois de leur vie.
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Simona éprouvait peu de satisfaction à voir son fils parfois vêtu de ces tenues ostentatoires alors qu'il traînait chaque jour en espadrilles et haillons, de même qu'il lui paraissait incongru et superflu que doña Manolita s’obstinât à lui apprendre à manier les couverts en argent tandis que, dans son misérable foyer, tous partageaient une unique bouillie, plongeant directement leur cuillère dans la casserole commune avant de la porter à la bouche. Cette marraine spéciale ne se soucia jamais de couvrir les besoins réels du garçon, pas plus qu'elle ne sembla consciente du fait que chacune de ses fantaisies, commandée dans la capitale, dépassait l'addition des salaires hebdomadaires de ses parents. [...]
La situation changea cependant quand Andrés eut six ans. Il apprit à lire dans les écoles de l'Ave Maria, et, enfin, sa mère et lui trouvèrent le côté positif de cette tutelle: l'accès à la lecture. Simona n'était pas une femme intelligente, mais elle observait de près la vie des riches depuis des dizaines d'années et elle était capable de comprendre que, outre l'argent et les propriétés, l'éducation et la culture jouaient un rôle important. Pour cette raison, quand doña Manolita se mit à donner à son fils des livres pour enfants qu'il n'aurait jamais pu avoir autrement, elle pressentit que sa patronne servait finalement à quelque chose.
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