Quand les Dieux buvaient - Intégrale 1 : Blanche-Neige et les lance-missiles

En général, quand le Destin se mêle de coller au-dessus d'un trésor une entité hargneuse (peuple de gnomes, famille de trolls ou cyclope célibataire) équipée d'amulettes, c'est qu'il a une bonne raison. Pas systématiquement, mais en général.
Chachette mit vingt-quatre heures à trouver la veine d'or, quarante-huit à réveiller le Sombre Gragon Sueux avec ses coups de pelle, et deux dixièmes de seconde à cramer jusqu'au fond de la moelle.

- Hum. Je vous salue, gente princesse Peau d'Âne, risqua Aurore.
- Qui t'es, toi ? cracha Peau d'Âne.
- Aurore de Bois Dormant.
Peau d'Âne la regarda, siffla doucement :
- Je vois. A toi aussi, elles t'ont fait le coup du prince charmant.
- Et de la cabane en bois.
- Et de la cabane en bois.
- Qu'est ce que vous voulez, mes toutes belles ? piailla Pomme en levant ses petits bras au ciel. Les fées marraines travaillent depuis des millénaires sur la trame du Destin, fabriquant de longs plans de vie artistement ensorcelés ! Tout allait bien tant qu'on était seules sur le coup ! Mais depuis quelques siècles, tout ça s'est mis à grouiller de mages qui interpellent les étoiles, de sorciers qui pressurent le végétal, d'illusionnistes qui font tourner les apparences en bourrique, sans compter Dieu et le Diable, les deux Feignants Cosmiques !

Evariste serra les dents : il lui aurait volontiers flanqué une grande baffe mais, outre qu'une éducation rigoriste lui soufflait à l'oreille qu'il est malséant de lever la main sur un jupon, les deux énormes trolls qui encadraient Blanche Neige le poussaient à admettre que son éducation avait raison.

Tant qu’à citer le désarroi des mages, autant préciser : un mage, un sorcier, un magicien ou un mire, comme un druide ou un illusionniste, c’est peu ou prou la même chose, à savoir des hommes qui suent d’abondance sur de vieux grimoires. Ils y dénichent la façon d’utiliser l’énergie éthérée, aussi nommée magie, et en profitent pour s’habiller avec un certain conformisme et prendre des airs qui vont de l’énigmatique à l’acariâtre.

- En quel guêpier nous allons-nous encor fourrer, soupira Aurore.
- J'ai faim, plaida Tute. On trouverait peut-être quelque chose dans les cuisines ?
- J'ai aussi grande sécheresse en mon gosier et un vaste gouffre en la tripe, mais bien sais-je reconnaître un piège à cons quand j'en vois un !

Les colons ont toujours tendance à croire que n'importe quel indigène, une fois revêtu d'un bel uniforme et élevé à un poste de fonctionnaire subalterne, passera le reste de son existence plongé dans une reconnaissance éblouie garante d'une obéissance sans failles. En général, ce genre d'illusions finit par un sanglant désordre suivi de considérations amères sur l'ingratitude des autochtones, affublés pour l'occasion de noms disgracieux.

Une baguette magique qui ne sait allumer des feux que par temps sec, chez nous, on appelle ça du bois de chauffe.

Je profite de l'espace qui m'est offert ici pour remercier chaleureusement à la fois Walt Disney et le catéchisme catholique d'avoir si bien enchanté mon enfance et d'avoir su, à l'aide d'images fortes et pertinentes, préparer des générations de petites filles à affronter ce monde de paix, où la douceur et la docilité sont toujours récompensées, et où les princes charmants abondent au même titre que la pâture, laquelle tombe toujours toute cuite dans le bec des petits oiseaux. Merci. Et amen.

Mettre d’un côté ceux qui nous pompent l’air, de l’autre ceux qui brassent du vent. Nous obtiendrons un internet climatisé. C’est ça le génie.

Tu sais aussi que le vrai problème n'était pas l'invasion des anges et des diables, mais leur manque de cohérence. Il n'y a rien de pire que des divinités qui ne savent plus où elles veulent en venir. Moi, je trouvais ça bien, cette idée de rendre aux humains le contrôle de leur destinée. Même si une regrettable erreur de calcul fait qu'il n'y a plus rien à contrôler.