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Anne Dufourmantelle, philosophe, romancière et psychanalyste, a écrit cet essai magnifique, Éloge du risque, autant pour dénoncer une société de consommation lisse et aseptisée, empêchant justement la prise de risque, que pour nous parler de joie, d'amour et d'errance.
Tour à tour, l'auteure visite les endroits où se pose le risque : la sphère privée, celle sociale, professionnelle, nous passons de l'intime au collectif. En quelques courts chapitres, elle explore nos vies amoureuses, les séparations qui s'ensuivent parfois, nous parle de la dépendance avec des mots magnifiques et étonnants, nous parle de notre vie sociale, de l'entreprise, de nos autres univers, de la vie associative, des engagements humanitaires, du langage c'est-à-dire les mots que nous disons et leur force performatrice...
Cet essai est en effet avant tout un éloge à l'amour et je l'ai reçu comme cela. Mais auparavant, Anne Dufourmantelle nous rappelle ce qui ne fonctionne plus dans notre monde. Elle pose un constat impitoyable : aujourd'hui, dans notre société, le risque est constamment cerné et annihilé par des codes et des logiciels et ce calcul nous étouffe, il aboutit à une servitude volontaire, peut-être bien plus dangereuse que si le risque s'avérait démontré. Par une forme de loyauté étrange à ces codes, nous sommes pris en otage dans cette forme surprenante de dépendance, consciente ou peut-être inconsciente. Notre société vise le risque zéro et elle y parvient, mais à quel prix ? Nos enfants ne prennent désormais aucun risque, puisqu'à chaque instant nous sommes derrière eux à empêcher le moindre geste qui pourrait les mettre en danger. Ici, loin de moi l'idée de laisser nos petits chérubins saisir des casseroles bouillantes à portée de mains, mais tout de même... Anne Dufourmantelle dénonce une société qui nous infantilise.
Ce livre est un livre d'amour et d'émancipation. Ainsi, venons donc au sujet amoureux. Anne Dufourmantelle nous incite à nous laisser porter par les risques à tomber amoureux et les risques de la passion amoureuse. Bien sûr, il y a un risque et nous le savons tous et plus nous nous prenons des revers amoureux et moins forcément nous prenons le risque d'y revenir dans les jours qui suivent, les mois, les années...
L'auteure nous dit de ne pas avoir peur d'aller vers nos passions négatives : la dépendance, l'angoisse, la tristesse, la peur, car elles sont nos alliées, c'est en explorant les bords et les abords de ces passions négatives, c'est en les visitant et les revisitant que nous pouvons nous déployer plus largement, et y compris aussi vers la joie.
Anne Dufourmantelle nous dit de prendre le risque d'aimer, de vivre afin de s'extirper de toute dépendance.
Anne Dufourmantelle nous rappelle aussi qu'il n'y a jamais eu autant de livres sur la recherche de l'autonomie de soi... On pourrait s'interroger sur le bien-fondé de ces ouvrages. Ici, je ne vais pas jouer les donneurs de leçons car il m'arrive aussi d'en acheter.
Nous avons à peu près peur de tout à chaque grande étape de la vie. Nous avons peur des risques à prendre. Cela commence par la peur d'être abandonnée en premier lieu. Lorsque l'enfant naît, son premier cri est un cri de peur. Sortant de la vie intra-utérine, il découvre d'emblée un monde qui lui est hostile. Les peurs nous rattrapent constamment. Ce n'est pas tant la peur qui est dangereuse, mais la peur de nos peurs. Il ne suffit pas d'être né pour être vivant. Pour autant, nous avons peur d'être vraiment vivant. Dans un apprentissage de la dépossession, notre foi, notre espérance, notre joie, notre manière de vivre et de rester en vie, permettent d'affronter ses peurs.
Anne Dufourmantelle nous dit que l'homme est en train de perdre son libre-arbitre, à peine consciemment, mais c'est très bien organisé. Il est très difficile d'être libre dans une société de consommation qui valorise beaucoup la dépendance aux objets.
Aller vers cette liberté intérieure est difficile. On s'enferme dans des protections non seulement inutiles mais qui nous fragilisent plus encore. Il est parfois difficile de se singulariser.
Anne Dufourmantelle nous dit que le chagrin d'amour est une des plus belles choses à vivre ; c'est à cet endroit qu'on explore les limites de son être et la perception du monde qui est nouvelle. Les textes, la lecture, peuvent nous aider à traverser cela autrement que comme une calamité ou un enfermement. Les mots de cette femme apaisent.
Elle nous incite donc à prendre le risque d'aimer, de vivre, de créer. Ce temps du risque, celui des résistants, serait le contraire miraculeux de l'aliénation. Notre pays a connu des résistances. Aujourd'hui, l'actualité nous montre d'autres formes de résistances. Elles sont souvent ailleurs. Serions-nous près à prendre le risque de nous indigner, de nous lever, de nous engager, si aujourd'hui nous étions menacés ? Mais au fond, sommes-nous vraiment lucides sur notre situation. Anne Dufourmantelle, d'une certaine manière, pose un regard cruel sur ce que nous sommes.
Pour moi c'est une auteure à découvrir absolument, elle est une philosophe de la liberté.
Dans ce livre empreint de poésie, j'ai vu un engagement émouvant de l'auteure. Je vous encourage à regarder aussi des vidéos où elle parle de cet engagement. Ces instants sont très forts et vous serez sans doute, comme moi, impressionnés par la douceur de sa parole.
Anne Dufourmantelle a trouvé la mort le 21 juillet dernier, sur une plage de Méditerranée, dans des circonstances tragiques en portant secours à un enfant qui était en train de se noyer. Au cours de ce sauvetage, elle a succombé à un arrêt cardiaque. Elle avait 53 ans.
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A la vie, à la mort. A la bonne vôtre ! ^^

A l'éloge de la fuite (*) , je préférerai toujours l'éloge du risque. C'est un acte peu ordinaire de chroniquer un livre avant de l'avoir lu, et c'est un autre risque que de l'annoncer. Double saut périlleux dans la confiance. Anne Dufourmantelle analysera de risquer la Vie et de l'engager sur un pari à un point de basculement. Un de ces carrefours mystérieux de tous les possibles qui dessinera ma vie et illuminera ma mort. Ou pas.


La lecture pour me rechercher, par l'écriture me révéler. Pour l'écriture : oser le je, le démasquer dans ces on, il, nous et même vous ; au direct du dit. Ce faisant, je risque de vous perdre, j'ajoute à l'inattendu de l'acte, transgressif, la peur de l'inconnu. Soudain je pense à Spinoza, l'isolement pour prix de ses idées. N'aurait-il pas été plus heureux polissant des verres de lunettes plutôt qu'à vouloir y voir clair par lui-même ? Réflexion faite, donner une sienne idée au lieu d'une idée de soi : quel risque ! Oui, je mise sur la profondeur de l'amitié au détriment de la séduction.


J'ai lu l'audace de vivre, Anne me soufflera autrement la joie d'Arnaud Desjardin ainsi que cette parole d'Evangile profonde et terrible : « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra. » La vie, cet inespéré cadeau, éphémère certes, mais lumineuse. Comment prolonger cet éblouissement de l'enfance ? La Vie n'a que deux exigences, celle de la chérir et celle de la jouer, lançant tourbillonner si besoin cette pièce dont une face est ma vie et l'autre ma mort. Non par bravade, mais par nécessité m'en remettre au hasard, voguer vers l'incertain, à la rencontre de ce moi inconnu. L'éloge du risque est forcément un hymne à la Vie. Evidence.


Anne que pourrait-elle me dire d'autre que vivre c'est aimer ? Aimer à m'en oublier. Jusqu'à l'oubli de moi pour mieux être moi. Prendre le risque de me découvrir, dans tous les sens du terme. Aller me chercher par ce chemin tortueux et étroit, aux multiples embranchements hasardeux, m'engager pour approcher l'intime, fil de ferriste au-dessus des abîmes de la frivole dilution et de la frileuse intériorité. Oui je vais au devant d'elle sans armes et sans armure, osant le je.


Aussi je me dépouille de ce pressenti, ayant momentanément interrompu ma lecture au 5ème court chapitre : En suspens. Je le fais pour m'engager volontairement sur le chemin de l'abandon à une pensée que je sais plus haute afin de laisser de côté celui confortable de la confrontation, de l'argutie mentale. Je m'en vais confiant à une triple rencontre, celle d'Anne Dufourmantelle dont la mort lumineuse éclaire la justesse du propos, celle de cette amie babéliote qui m'encourage dans sa lecture, celle de cette autre part de moi-même à l'instant ignorée.

Ainsi prendrai-je ma place dans cette cordée, l'esprit totalement libre et concentré à escalader cette voie escarpée du risque de vivre. Voilà, maintenant m'appliquer, m'accrocher aux prises proposées par cette guide hors norme, ranimer la flamme falote d'un cœur pourtant ardent.

Au passage, je tends la main à l'invite au copain Hugo (*) et à quelques autres^^.
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A la croisée de la psychanalyse et de la philosophie, cet essai n'est pas toujours facile d'accès. Il faut accepter de s'attarder sur certaines notions, phrases où le sens n'apparaît pas immédiatement. Anne Dufourmontelle nous parle du risque dans toutes les acceptions possibles. Il s'agit ici de prendre le risque de vivre notre vie telle qu'elle se présente, accepter les désaccords avec nous-mêmes et avec ce qui nous entoure. Il faut dire que c'est véritablement un langage psychanalytique et parfois assez ardu. Cependant, l'auteure, par une empathie, une chaleur, une compréhension, que l'on ressent dans son texte, parvient à retenir son lecteur, à le mettre suffisamment en confiance pour en faciliter la compréhension.
C'est un livre vers lequel je reviendrai certainement.
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Composé de courts chapitres qui nous invitent à prendre le risque de notre vie, de vivre tout simplement, mais de vivre véritablement , l'écriture d'Anne Dufourmantelle n'en est pas moins compliquée. Trop peut-être pour passionner tout le monde et c'est bien dommage. Avec moins de digressions psychanalytiques ou de références aux mythes grecs, ce livre pourrait, devrait être mis dans toutes les mains.

Reste le propos de base : osons. Ne pas risquer, c'est déjà être mort et donc, vivons, en majuscules.
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Risquer de perdre du temps, risquer de se perdre, risquer l'éblouissement, risquer le rire...Oui Anne Dufourmantelle nous interroge. J'aime ses propos et ses réflexions mais ce qui m'a le plus étonné chez elle - moi qui la découvre - c'est sans aucun doute sa qualité d'écriture. J'aime les mots et les suites qu'elle livre, proches certaines fois de la poésie. Cela ne retire rien à la réflexion bien au contraire ça l'alimente. A noter tout partciluièrement pour les amoureux des lettres : le chapitre sur le rapport entre le lecteur et la littérature. Lire permet d'"entrer dans cette zone de ravissement où ce qui est affecté en nous nous échappe absolument"...
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Gorgio de Chirico a peint en 1916 un portrait d'Apollinaire « prémonitoire », avec une cible sur le front, précisément là où un jour de mars 1916, dans l'apocalyptique bataille de Verdun, le poète subit une terrible blessure.

Anne Dufourmantelle écrivit en 2011 cet « Eloge du risque » et quitta sa vie terrestre en 2017 dans les flots de la Méditerranée pour sauver deux enfants de la noyade.

Difficile de ne pas relever la cruauté dans cette tragique destinée, ô combien imméritée, qui nous prive d'un esprit bienfaisant et d'un style rare, d'une densité facétieuse ; des invitations pour l'esprit à fréquenter, à hanter au fil de ces pages des univers parallèles.

Il y a déjà des très belles critiques, Krout, Bernie…

Je laisserai la place aux mots d'Anne Dufourmantelle, l'émotion la plus vibrante, la plus chevillée à la vie.

« Au risque de l'inconnu

Au risque d'inviter une femme à danser un rock et lui chuchoter : « fermez les yeux »
Au risque de partir en voiture pour aller dîner en ville et finir à Rome, le lendemain après avoir roulé toute la nuit, parce qu'on a changé d'idée.
Au risque de voir votre homme pour la cinquantième fois décliner l'offre du petit vendeur de roses (fripées) pakistanais, et lui acheter toute la brassée pour l'offrir à tous ceux qui sont là dans la salle.
Au risque des nuits blanches.
Au risque d'écrire à un(e) presque inconnu(e) une lettre d'amour à partir d'un presque rien qui vous aura traversé dans une fulgurance inconnue de vous jusqu'alors.
Au risque de ne pas cesser de faire l'amour.
Au risque de prier sans le secours d'aucun Dieu, ou même avec.
Au risque de l'amitié cachée, folle, éperdue, infinie. Pire qu'un amour.
Au risque de l'ennui, et aimer cet ennui sans secours.
Au risque de marcher seul dans une ville et attendre que survienne, à cet instant, le sens de toute une vie ; savoir que demain tout disparaîtra.
Au risque d'écouter la Passion selon Saint Matthieu de Bach en boucle.
Au risque de prendre sur soi la responsabilité dévolue à un autre, tout sauf un principe de précaution.
Au risque de ramasser sur la plage des petits cailloux de verre dépolis par la mer et les disperser ensuite le soir.
Au risque d‘un communisme de pensée.
Au risque de la joie. »

(p. 115 et 116)
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Entre réflexion philosophique et étude psychanalytique, cet ouvrage nous rappelle les difficiles vérités du doute, de la passion, de la peur, de la liberté... Et de tant d'autres risques qui font une vie réellement vécue. Bel antidote à l'abrutissement solitaire ou collectif.
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Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. ...un style avec beaucoup de bruits (mots redondants, citations, diversions, concepts parfois très anciens croisés avec des points de vue actuels...)
Heureusement que chaque chapitre suit une idée et dépasse rarement 5 pages. Beaucoup de citations et de diversions qui éclairent plus ou moins le propos.
Difficile de s'y retrouver dans cette profusion de concepts philosophiques passés à la moulinette de la psychanalyse.  Je me suis accroché !
Dommage parce que, venant d'une femme qui s'est tuée en sauvant une vie, la démonstration est un peu atténuée par le style. Quelques pépites très poétiques comme sur le rire et le rêve.
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Un livre érudit, mélange de poésie, de Philosophie, de psychanalyse, de mythologies et d'histoires de vie mais dont le fil conducteur est d'oser être soi et de vivre sa vie Intensément. Mais également oser voir l'autre, oser repenser le monde et interroger qui semble acquis, oser autrement et oser aimer. On sent la douceur et la transcendance de l'amour chez Mme Dufourmantelle. Néanmoins je dois avouer qu'à certains moments elle m'a perdue mais je me suis retrouvée
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Tous ceux qui lisent cherchent quelque chose. Une évasion, l'histoire d'une vie différente, des frissons, de la poésie, le sens de la vie.

Tous ceux qui lisent cherchent dans les mots, dans l'accumulation du savoir humain, des expériences de vie, de la fiction, tellement plus libre que la réalité, une réponse à des questions qu'on ne sait pas formuler.

A l'heure de la rentrée, des envies d'autre chose, de l'éternel basculement entre le temps sans frontière des vacances et le retour aux contingences, j'avais envie de vous parler de ce magnifique essai de la regrettée Anne Dufourmantelle.

De l'exigence de ses mots, de ce mélange de psychologie, de philosophie et de mythes antiques, de la douceur et de la poésie de sa plume et de son message précieux : vivez, osez, il n'y a pas de seconde chance.

Quand j'étais étudiante, on travaillait sur le comportement des masses, la prévision de la consommation et l'aversion au risque, de plus en plus prégnante aujourd'hui. Être dans la norme, surveiller sans relâche nos enfants, rester dans les clous, dans nos vies amoureuses, au travail, dans nos engagements privés ou associatifs.

J'ai été durablement marquée par cette lecture, et parfois je relis des phrases. Ici on nous encourage à déjouer les algorithmes, à être pleinement humains et donc faillibles, imprévisibles, incohérents. A rester une heure de plus à regarder les vagues alors qu'il y aura des bouchons, à s'enivrer dans une histoire d'amour qui ne tiendra pas la route, à laisser nos enfants manger du sable, à lire et à écouter de la musique, à claquer la porte d'un job qui nous éteint, à risquer de vivre et de vivre vraiment.

C'est beau, c'est une déclaration d'amour au genre humain, et une déclaration de guerre au conformisme.
C'est une ode aux moments volés, au refus d'une vie endormie, sans relief. C'est une proposition pour sortir du rang, pour écouter sa petite voix, pour oser vraiment. Indispensable.

A lire en prenant le deuxième tram, la réalité n'est que ce qu'on décide, et quand on y pense, rien n'a vraiment d'importance.
Lien : https://www.instagram.com/tu..
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