« Allô, @Place_Beauvau- c'est pour un signalement » : c'est ainsi que , de Novembre 2018 à Juillet 2019, le journaliste
David Dufresne a interpellé,sur son compte Twitter, le ministère de l'intérieur en recensant les actes de violence policière durant les manifestations de Gilets jaunes, samedi après samedi.
Ces tweets ponctuent aujourd'hui son roman
Dernière sommation, qui met en scène un journaliste Étienne Dardel, dont le parcours ressemble furieusement à celui de
David Dufresne. le livre est dédié aux « signalés et à leurs enfants », plus de 850 manifestants blessés par la police française et recensés par Dufresne qui n'a publié que des témoignages soigneusement recoupés et contextualises. Dans le roman, ils apparaissent notamment à travers les récits de quelques épisodes connus comme la marche sur les Champs Elysées ou l'attaque contre le Fouquet's, par le personnage de Vicky, activiste à la main arrachée par une grenade ( une horreur qualifiée d' « incident » par le chargé d'enquête à l'IGPN qui la reçoit...). Pour comprendre la dérive autoritaire du
maintien de l'ordre, le livre met aussi en scène le Préfet de Paris, les responsables de la police parisienne, un syndicaliste policier...
Un roman très politique, « écrit pendant les faits, comme une biographie de l'actualité , pour mettre de l'ordre dans mes idées, dans mes émotions, dans mes colères » dit l'auteur. Pour comprendre « la réponse étatique à la violence sociale »
Et Dardel / Dufresne de pointer du doigt la somme de responsabilités : «Le pays était devenu violent, sous l'oeil complice de ses institutions. Il était devenu violent parce que les attentats, parce que les terroristes, et parce que l'union nationale étouffait la moindre critique. Il était devenu violent parce que l'antiterrorisme était devenu l'alpha et l'oméga de la vie politique, union sacrée, police partout, justice nulle part. État d'urgence et confusion totale ». Et de conclure : « Je ne suis pas contre la police, je me bats contre l' État policier »
Un roman / documentaire qui se lit comme un polar, avec de courts chapitres dont les titres sont autant de slogans récoltés dans les manifs et sur les murs : « Ils ont la police, on a la peau dure »; « Vous ne nous attraperez pas : Nous n'existons pas »; « le pire est Avenir »
Une lecture nécessaire pour comprendre notre histoire récente et éviter qu'elle ne répète parce que nous aurions refuser de la regarder en face.
PS : Pour mettre des images sur ces épisodes et poursuivre la réflexion ,
David Dufresne a sorti en Octobre 2020 un film documentaire « Un pays qui se tient sage »