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Critique de LaBiblidOnee


Quelle claque ! Quand j'ai lu l'avis de Lucie sur son joli blog, Abracadabooks, j'ai immédiatement reconnu cette ambiance de vacances sur le bassin d'Arcachon où j'allais avec mes copine de fac, et c'est pourquoi j'ai eu envie de lire ce roman. J'ai instinctivement aussi perçu la poésie de la plume de l'auteur, que pourtant je ne connaissais pas du tout. J'avais pressenti également qu'un drame se jouait dans ces vies d'adolescents un peu trop libres. Ce que je n'avais pas prévu en revanche, c'est l'intensité de ces lignes et de cette histoire, l'émotion qui émane de cette narration construite avec soin. J'en sors tout juste. J'ai pris un coup au coeur.

"Les Indifférents ont mal agi. Ils ont fait quelque chose de grave sur la plage. Quelque chose de punissable.
Mais les vrais responsables, ce sont les parents. La vieille rengaine de l'ascendant. On s'en lasserait presque de cette dérobade.
Dans toutes les histoires, les parents sont les responsables. A l'origine des drames, leur passé, leurs histoires, leurs liaisons, leurs absences, leurs maladies toujours incurables."

C'est Justine qui raconte. Lorsque sa mère apprend que son père la trompe, elle fait leur valise à toutes les deux et emmène sa fille vivre loin de son Alsace natale : Sur le bassin d'Arcachon, où elle a passé des vacances qui l'ont beaucoup marquée étant plus jeune. Elle est persuadée que l'océan, avec son ambiance balnéaire, est un endroit de rêve pour élever sa fille ; c'est loin du père et, en prime, c'est le seul endroit où elle a de vagues connaissances de jeunesse, qui lui procurent un toit et un boulot. Alors Justine doit s'adapter.

« Je n'ai jamais fait partie d'un groupe. Je préfère les amitiés seules. Les murmures, les gestes dans le noir, les aveux courts. le groupe, je ne suis pas taillée pour. Je ne crois pas aux idéologies, aux foules organisées, aux amen scandés docilement qui s'enracinent dans les têtes. »

Sa mère est engagée comme comptable chez un notable du coin qui lui loue une partie de sa maison de famille, parmi les « gens de maison ». Justine y rencontre le fils cadet, Théo, petit roi de la région, né ici, inséparable ami à la vie à la mort de Léonard et Daisy, qu'il lui présente alors. A eux trois ils sont les indifférents, auxquels appartiendra bientôt Justine qu'ils acceptent parmi eux :

« On nous appelle les Indifférents. Les gens qui restent entre eux. Les gens à distance. Indifférents aux autres. (…) Je suis la fille de la comptable. La dernière, la greffe. La petite amie du meneur. Et à cette époque, je m'en moque. Je suis indifférente. »

Justine qui est d'habitude, selon ses mots, un loup solitaire qui ne se laisse pas approcher, se laisse séduire par cette bande, apprend à aimer cette vie de groupe qu'elle nous décrit parfaitement et qu'on a plaisir à découvrir avec elle : Les discussions dans les bars de plage, les fêtes alcoolisées, les bizutages dont elle franchit les étapes, les journées de surf, bref : une adolescence ensoleillée et complète qui les fait se croire immortels :

« On peut trinquer tous ensemble le temps d'un verre. On ne craint rien ni personne, on ne pense qu'à nous. Nous sommes les Indifférents, à la vie, à la mort. »

La nouvelle vie de Justine ressemble à d'éternelles vacances de sable fin, à la grande joie de sa mère. le lecteur est délicatement bercé par la plume de Julien DUFRESNES-LAMY, tandis que Justine découvre l'amitié à la vie à la mort, est fière de faire partie d'un tout qui l'accepte dans un décor idyllique. Et l'on y croirait presque. Si ce n'était cette épée de Damocles qui plane depuis le début du récit :

« Ce matin, l'un des Indifférents est mort.
Il est mort dans l'eau, sans douleur et tout doucement. Mais je ne peux pas dire son nom. Ma bouche est bâillonnée et mon corps incapable. Si j'en parle, la mort deviendra vraie. Elle prendra forme, et dansera devant nos visages pâles. Les gens pleureront, il y aura des deuils et un cercueil.
Ma bouche se tait pour garder le secret. J'y crois comme une superstition. En me taisant, peut-être que la mort s'excusera.
Peut-être même qu'on s'en sortira. »

*****

Bien sûr, ce roman m'a d'autant plus touchée que j'ai connu ces lieux, reconnu des attitudes, et éprouvé moi-même cette implosion de sentiments que seul l'océan et ses alentours, ses marées et ses mystères, sa puissance et son immortalité, peuvent vous faire ressentir. Mais surtout j'ai été séduite par la légèreté de la plume, sa poésie, ses phrases courtes et justes qui semblent survoler l'histoire, tout en nous en donnant une vue à la fois précise et générale. Cette plume qui caresse, rassure quand les mots nous inquiètent et nous intriguent : Il s'est visiblement passé un drame parmi les indifférents, mais ça va aller. Jusqu'au coup de poing final, qui nous achève. En douceur et poésie, mais nous achève quand même.

« Cela a surgi vite, comme une embardée. Peu à peu, on enfreint les règles. On se dégrade. On devient égoïste. On s'évite et on cogne. Les uns font du mal aux autres. Les autres préparent leur vengeance.
C'est la loi. La société jusqu'au bout.
C'est la vie et la mort d'une bande. »

Enfin, la construction est habile qui établit le contexte tout en maintenant le suspense : Pour tenter de briser la loi du silence, Justine, la narratrice, intercale le récit de sa vie sur le bassin avec le récit que sa mère lui a fait de son expérience à elle, à son époque, les deux expériences menant implacablement vers la terrible vérité finale… Ainsi Justine nous emporte avec elle au coeur de la noirceur des âmes, sous leur vernis de soleil et de sel. Et j'avoue que je me suis laissée endormir, je n'ai pas vu venir la fin alors que j'aurais certainement pu.

Je ne m'attendais pas à autant de puissance, de justesse, d'émotion sans fard de la part de cet auteur que je découvrais, mais je vais lire ses autres livres !
Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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