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Critique de berni_29


Nous sommes aux États-Unis et nous faisons la connaissance d'un adolescent presque ordinaire, al Kenner. Il a quinze ans. Jusque là tout va bien. Signe particulier : il est grand, oui mais très grand. Il mesure près de 2,20 mètres, il en impose donc et son Q.I. est supérieur à celui d'Einstein.
Son histoire prend un tournant un certain 22 novembre 1963, mais un événement majeur ce jour-là, - événement à l'échelle mondiale, l'empêchera de passer à la postérité. Oui, la vie de cet adolescent va basculer ce jour-là dans l'horreur, ce jour-là où précisément John Fitzgerald Kennedy est assassiné à Dallas. Non, je ne vous annonce aucun scoop, les deux événements n'ont rien à voir l'un et l'autre. Ce n'est rien qu'une coïncidence. Mais pour al Kenner, plus rien ne sera comme avant. Plus jamais il ne sera le même...
Dans cette trajectoire qui l'amène de cet adolescent de 15 ans à l'homme de 60 ans qui purge une peine à vie dans une prison de Californie, là une femme Susan un peu plus âgée que lui vient lui rendre visite une fois par mois. Que s'est-il passé entre ces deux périodes ?
Que pourrait-on dire pour mieux cerner son portrait si insaisissable ?
Il est un enfant non désiré d'un couple qui a toujours été dissonant. Sa mère, puissante, ne l'a jamais aimé. Il est très vite rejeté par l'univers parental, confié à une grand-mère castratrice. Ce sont deux femmes de sa vie qui pèsent sur les hommes de leurs vies. Je ne dis pas ça pour lui trouver des excuses, non.
Nous le suivons dans son itinéraire implacable. C'est un être totalement sans empathie pour le reste du monde. Pour ses proches, ses moins proches aussi, celles et ceux qu'il rencontre sur son chemin. Il n'a aucune empathie pour lui non plus. Il voudrait juste comprendre, saisir les démons qui sommeillent dans ce vide abyssal en lui.
Marc Dugain nous le dit dans ce récit surprenant d'un tueur en série hors du commun, dérangeant aussi, qu'est Avenue des Géants.
Dérangeant parce que le narrateur est al Kenner. Dérangeant parce que Marc Dugain nous fait entrer dans ses pensées, - je ne dirai pas son âme car elle semble insondable. C'est un être sans empathie, peu sympathique, je dis cela lorsqu'on ne sait pas encore ce dont il est capable de faire, mais dès lors, dès lors qu'on sait, que les choses se révèlent, se font, dès lors qu'Al Kenner pose des actes, les siens, des actes irréversibles, brusquement on veut comprendre, non pas on veut le comprendre, lui, mais on veut comprendre le reste, l'univers peut-être, l'abîme en tous cas.
Dérangeant parce qu'on devient al Kenner. Terrifiant est le mot pour dire comment Marc Dugain nous amène à cela.
Il est rare que je me sente autant mal à l'aise après une lecture d'un livre que j'ai adoré.
La puissance narrative de Marc Dugain est une déflagration.
Le personnage d'al Kenner est inspiré d'un personnage réel, Edmund Kemper, qui vit encore, en prison, c'est l'histoire d'un tueur en série.
Le récit dans lequel Marc Dugain m'a invité à entrer est totalement prenant. En toile de fond, il y a les années soixante de l'Amérique, la tragédie de la guerre du Vietnam, le mouvement hippies qui va bouleverser la société américaine de l'époque, cette toile de fond est importante dans le récit et tisse le décor qui va animer et peut-être influencer le parcours d'al Kenner.
Mais d'où est venu brusquement mon malaise ? Serais-je entré en empathie avec ce personnage d'al Kenner qui cependant dit peu ou nous embrouille lorsqu'il veut parler de lui et des autres, des siens, de sa famille, de cette filiation désastreuse ?
C'est l'Amérique qui fait rêver et qui brusquement ne fait plus rêver.
Ici, nous entrons dans la peau d'un personnage, un monstre froid, qui nous est rendu presque sympathique, malgré son absence de compassion et de regret pour ce qu'il commet. Presque sympathique.
Presque.
Et dans ce presque, sommeille toute l'ambiguïté vertigineuse de l'être humain....
Dire que j'ai aimé ce livre ? Difficile de le dire. C'est une plongée dans un abîme presque sans fond. Oui j'ai aimé ce livre pour l'étonnement et la sidération qu'il m'a procuré.
Oui j'ai aimé ce livre parce que son écriture m'a happé...
Ce livre est la marque d'un grand écrivain.
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