Léonard, qui connaissait probablement la règle découverte par ce géomètre du XIIIe siècle, s'est efforcé de la retrouver par un artifice analogue à celui de Pappus; sa démonstration, inacceptable en bonne logique, n'en est pas moins ingénieuse; il est à croire, d'ailleurs, qu'il y attachait une certaine importance, car il l'a exposée à plusieurs reprises.
Or, cette solution si originale, si particulière à Léonard, Bernardino Baldi la reproduit très exactement et, chose digne de remarque, à propos d'une question où elle semble n'avoir que faire Il a soin, d'ailleurs, de noter et que la solution de Léonard offre des analogies avec celle de Pappus, et qu'elle en diffère en des points essentiels.
Tandis que Baldi adoptait cette solution dont le résultat, du moins, était correct, Guidobaldo, aveuglé par son admiration exclusive des anciens, s'en tenait au raisonnement de Pappus.
Toute occasion semblait bonne à Baldi pour exposer, en marge d'Aristote, les remarques qu'il empruntait aux notes de Léonard.
Bien souvent, ceux qui ont salué en lui l'inventeur et le créateur avaient négligé de s'enquérir des sources auxquelles il avait pu et dû puiser. A quoi bon s'informer de ceux qui auraient pu lui servir de précurseurs? Ne vivaient-ils point en cet obscur Moyen-Age, où la parole d'Aristote tenait lieu de pensée? Comment cette stérile Scolastique aurait-elle pu suggérer au grand artiste de Vinci les idées neuves et fécondes qui abondent dans ses notes? Fort de ces prémisses, on affirmait avec une naïveté d'enfant que le chêne aux vertes frondaisons ne se rattachait par aucun lien au sol aride sur lequel il était simplement posé.
L'homme est dit par les Anciens un petit monde, et certes cette épithète est bien placée. En effet, l'homme est composé de terre, d'eau, d'air et de feu; le corps de la Terre est de même. Si l'homme a en lui des os qui le soutiennent et une armature de chair, le monde a les roches qui supportent la terre. Si l'homme a en lui le lac du sang, où croît et décroît le poumon dans la respiration, le corps de la Terre a son océan qui, lui aussi, croît et décroît toutes les six heures avec la respiration du monde.
Léonard de Vinci fait-il exception à cette loi qui pèse sur les plus grands savants? Tout ce qu'il sait en Mécanique et en Physique, le doit-il exclusivement à ses expériences et à ses méditations? N'a-t il point tiré une partie de ses connaissances, voire la plus grande partie, des traités composés par ceux qui l'ont précédé? Il serait invraisemblable qu'il ne dût rien ou presque rien au passé ; il est certainement vrai qu'il lui doit beaucoup.