La première période productive (littérairement parlant) d'
Alexandre Dumas est essentiellement théâtrale : ami intime de
Victor Hugo et d'Alfred de
Vigny, il est avec eux l'un des co-fondateurs du théâtre romantique : «
Henri III et sa cour » (1829), «
Antony » (1831), « Kean » (1836) lui apportent à la fois la gloire, la notoriété et la reconnaissance littéraire. Il ne dédaigne pas de s'intéresser aux autres genres littéraires, comme la poésie ou les souvenirs de voyages. Sa passion de l'histoire lui fait écrire de passionnantes chroniques, sous forme de longues nouvelles : « Chroniques de France » (1835-1839), « Crimes célèbres » (1839-1841), et un premier roman historique important « acté » (1839). En 1838, il fait la connaissance d'
Auguste Maquet, avec qui il travaille pour le théâtre. Et en 1842 les deux hommes posent la première pierre d'une des plus fabuleuses collaborations littéraires : «
le Chevalier d'Harmental », que suivront «
Les Trois Mousquetaires » (1844), «
le Comte de Monte-Cristo » (1845), «
la Reine Margot » (1845) etc.
«
le Chevalier d'Harmental » avait confirmé, après « acté », à Dumas qu'il était fait pour le roman historique. En 1843, sans
Auguste Maquet mais avec
Paul Meurice (rien à voir avec Guillaume), il propose «
Ascanio ou l'orfèvre du roi » inspiré des mémoires de
Benvenuto Cellini.
Le titre est trompeur : l'orfèvre du roi François 1er est bel est bien
Benvenuto Cellini, et non pas Ascanio qui n'est que son élève et son assistant. Et le personnage central du roman, qui offre déjà une personnalité à la Monte-Cristo, aussi grand dans l'amour et la générosité qu'impitoyable dans la haine, c'est Cellini, éclatant de bravoure et d'intelligence, impétueux et réfléchi, supérieur aux rois et aux papes. A côté de lui, les autres personnages, bien que dessinés parfaitement, paraissent plus ternes : Ascanio et Colombe, les deux amoureux, forment un joli couple , droits et candides (un peu trop peut-être) dans leur amour frais et pur ; les méchants, la duchesse d'Etampes, qui met sa puissance et son ambition au service de ses passions, le prévôt de
Paris, servile et cupide, prêt à vendre sa fille, le comte de Marmagne, qui joue le spadassin de services sans scrupules aucun, et enfin l'élément comique, le sympathique écolier Jacques Aubry, dont le dévouement n'a d'égal que la bonne humeur.
L'histoire est simple : Ascanio aime Colombe la fille du prévôt. Colombe aime Ascanio, (jusque-là, vous suivez). Mais Cellini aime Colombe (aïe, ça se gâte) et la Duchesse d'Etampes aime Ascanio (rien ne va plus). de complots en trahisons, de chaussetrapes en coups fourrés, Dumas et Meurice nous offrent un beau roman historique plein de bruit et de fureur comme on les aime. le vrai Cellini n'était pas aussi chevaleresque ? et alors ! ce n'est pas la première fois que Dumas écorne un peu l'histoire ! (et là, on n‘est notez-le qu'à son troisième grand roman historique !) mais c'est ça qu'on aime chez Dumas, plus que l'Histoire poussiéreuse, il nous restitue la Vie. Et tant pis si ce n'est pas la vraie Vie !
Pas le plus grand Dumas (mais il n'y a pas de petit Dumas), mais on passe un excellent moment de distraction et de détente. A savourer dans votre salon habituel (si vous n'avez pas un salon Renaissance) ou partout où vous voulez, tiens, sur la plage, mais attention au vent (sauf si c'est le vent de l'Histoire, bien sûr)