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Critique de MemoartdAdrien


"Un trop grand bonheur ressemble au point culminant d'une roue de fortune ; à côté de l'apogée, il y a le commencement du déclin".

Cette très belle phrase, extraite du roman de Dumas, illustre fondamentalement les trois histoires racontées dans ce Joseph Balsamo : celle du jeune roturier Gilbert essayant de séduire Andrée, jeune fille imbue de sa noblesse issue d'une ancienne aristocratie, et qui deviendra demoiselle de compagnie de la dauphine Marie-Antoinette ; celle des intrigues de cour et d'influence, mêlant notamment la comtesse du Barry, le duc de Richelieu, Louis XV, le duc de Choiseul ou le cardinal de Rohan ; et enfin celle de Joseph Balsamo, homme mystérieux, se présentant comme sorcier, et ayant la mémoire de toutes les générations antérieures, transposition du personnage historique Cagliostro.

Cagliostro

Comme dans tous ses romans, Alexandre Dumas s'impose à mes yeux comme le maître du roman historique. Par son style, il fait de ses livres de véritables machines à explorer le temps en papier. Nul mieux que lui ne parvient à nous immerger dans une époque. le lecteur a réellement l'impression de se mêler aux personnages d'un ancien temps, de faire partie du décor, d'assister aux scènes contées. Les répliques écrites par Dumas sont extraordinaires, claires et cinglantes. Elles semblent si réelles. Leur puissance comique est inimitable. C'est la grande force des romans de Dumas qui, malgré quelques libertés avec la réalité historique, aide le lecteur à mieux comprendre l'époque décrite.

Alexandre Dumas

Il faut le dire, Joseph Balsamo n'est pas mon Alexandre Dumas préféré. Il manque de ce souffle épique dont bénéficient Les trois Mousquetaires ou le comte de Monte Cristo. Les intrigues de cour tiennent une place trop importante à mon goût dans ce roman de plus de 1000 pages. Certes, elles permettent de mieux se rendre compte de la décrépitude de l'aristocratie française à la veille de la révolution, de la futilité de ses préoccupations pendant que plus des trois quarts du peuple français se tuait à la tâche. Ces intrigues permettent de mieux comprendre sa chute, voire de la souhaiter. L'intérêt est donc historique, et le lecteur ne pourra que se moquer de ces personnages superficiels et futiles, dont la comtesse du Barry et le duc de Richelieu tiennent un haut rang. Mais l'intérêt romanesque s'amenuise au fil des pages, et les intrigues finissent par ennuyer un peu le lecteur.

Madame du Barry

Il faut finalement attendre les trois quarts de l'ouvrage pour qu'un évènement terrible bouscule ce calme plat. J'ai rarement rencontré une fracture aussi violente dans un roman. Un évènement qui entraîne les personnages de cette histoire dans les bas fonds de l'âme humaine, jusqu'à la résolution finale. Il permet de nuancer un peu mon propos, mais pas totalement, car il reste de la lecture un certain regret d'avoir accordé trop d'intérêt aux intrigues et aux préoccupations de personnages peu intéressants et auxquels il est difficile de s'identifier.

Enfin, le roman dépeint la fin du règne de Louis XV sous un angle quelque peu original. Certes, le siècle des Lumières y apparaît sous la forme de Jean-Jacques Rousseau, très présent dans le roman, auquel Dumas prête la parole pour justifier ses choix et sa philosophie. Certes, la révolution semble peu à peu se mettre en place, à travers le personnage de Jean-Paul Marat, déjà si radical, déjà si "ami du peuple". Mais l'originalité du récit tient à la figure de Joseph Balsamo, une sorte de magicien pratiquant l'occultisme, l'hypnose, pouvant prédire l'avenir et faire révéler les secrets même inconscients de tout un chacun. Son objectif est de faire tomber la monarchie française. Il y emploie tous ses pouvoirs et les met au service des intrigues de cour afin d'accélérer la chute de cette aristocratie en déclin. le roman fait apparaître également des sectes et sociétés secrètes de l'époque. Dumas souscrit donc à la théorie selon laquelle ces sociétés auraient eu un poids fondamental dans le déclenchement de la révolution.

Louis XV

En conclusion, Joseph Balsamo, qui inaugure le cycles des Mémoires d'un médecin, auquel succède le collier de la reine, Ange Pilou et La comtesse de Charny, est un très bon roman historique. Son style est élégant et souvent très drôle. Il est historiquement intéressant en ce qu'il aborde une autre face du siècle des Lumières, qui fut également un siècle de l'occultisme et du charlatanisme. Mais la prédominance des intrigues de cour et l'absence d'aventures et de péripéties peut rendre sa lecture parfois ennuyante. Il n'est pas mon Dumas préféré, mais c'est un Dumas !

A peine cet article publié, je me plonge dans la lecture du Collier de la reine, dont je ne manquerai pas de vous donner mon avis !
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