Paris est en fête, en ce beau soir d'hiver 1578. Alors que dans les rues s'éteignent les rumeurs du dimanche gras, les fenêtres de l'hôtel de Montmorency brillent de mille feux pour célébrer les noces de Jeanne, fille du maréchal, avec François de
Saint-Luc, grand ami du roi. Pour un peu, on se croirait au début de
la Reine Margot - sauf qu'ici, les deux époux sont ravis de se découvrir parfaitement assortis, quand le roi enrage de ce mariage concocté contre sa volonté, qui éloigne de lui l'un de ses plus chers mignons.
Du moins, dans les rues, le peuple ne gronde-t-il pas, et aucun massacre, a priori, ne se prépare en coulisse. Mais l'époque est sanglante, par nature : il n'en faudrait pas beaucoup pour déchaîner Paris une fois de plus, et les Grands complotent à qui mieux mieux contre leur nouveau souverain. A commencer par son adorable petit frère, François d'Alençon, désormais devenu duc d'Anjou, et qui après avoir éliminé leur aîné n'aurait plus qu'un pas à franchir pour accéder au trône.
François a pour lui quelques gentilshommes plus ou moins intéressés, qu'il récompense assez mal, et surtout le brave des braves, le beau, l'intrépide, l'arrogant et très puissant Bussy d'Amboise. Henri III, pour sa part, aligne ses mignons, qui à défaut de briller par l'intelligence savent défendre leur maître avec ardeur, et surtout... son bouffon, le très spirituel et très redoutable Chicot, qui porte l'épée bien mieux que la marotte et sous une verve dévastatrice dissimule (plus ou moins) une perspicacité sans faille. le duel peut commencer !
Duel fratricide sournois, que viennent pimenter les ambitions de la maison de Guise, les complexités belliqueuses de la Ligue et surtout l'amour contrarié qu'éprouvent le fier Bussy, le fourbe François et le brutal comte de Monsoreau, créature du précédent, pour l'angélique Diane de Méridor. Laquelle n'en demandait certes pas tant, mais dont les trop beaux yeux ne vont pas tarder à coller une pagaïe sans nom dans les petites affaires du parti
Angevin.
Ecrit alors que Dumas se débattait entre cinq autres engagements, sous les menaces pressantes de son éditeur,
La Dame de Monsoreau souffre assez visiblement d'une rédaction trop hâtive. Construction un peu brouillonne, contradictions assez fréquentes, et certaine tendance à se disperser un peu trop à mon goût... on aimerait bien que le maître ait eu le temps d'une plus sérieuse relecture avant de publier tout ça !
Pour en finir avec les points négatifs, ajoutons tout de suite que mon empathie pour le Très Parfait Bussy fut à peu près nulle, et que ses amours avec Diane m'ont un brin cassé les pieds. Mais entre amour, aventures et politique, entre farce picaresque, drame romantique et tragédie historique, ce roman foisonnant est bien assez riche pour offrir pitance à tous les goûts. Et si Dumas dépasse rarement les banalités mièvres en matière amoureuse, il sait en revanche créer des amitiés magnifiques dont
la Dame de Monsoreau offre quelques fort beaux exemples.
Le plus beau, sans doute, reste la relation très particulière et très intéressante qui unit l'irrésistible Chicot (dont les interventions donnent en grande partie sa saveur au roman) et le triste Henri III, à sa manière aussi réussi que le Charles IX de
la Reine Margot. Un personnage complexe, tout en contradictions, efféminé et valeureux, débauché et dévot, ardent et austère, irrésolu et majestueux, à la mesure du mystère qu'il a légué à
L Histoire, et attachant de toute l'affection que lui porte son fou.
Rien que pour retrouver ces deux-là, j'irai sans hésiter lire
les Quarante-Cinq, dernier volet de la trilogie consacrée par Dumas aux derniers Valois - même si l'une de mes deux chroniqueuses Dumasiennes préférées en fait une critique assez nuancée :-)
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