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Critique de Ys


Ys
27 juillet 2015
Paris est en fête, en ce beau soir d'août 1572. Paris... le Louvre surtout, car dans les rues de la capitale, le peuple gronde plus qu'il ne rit et un observateur attentif pourrait vite deviner que quelque chose de terrible se trame dans l'ombre pendant que la cour danse derrière les vitres illuminées.
Août 1572... la soeur du roi, la belle et savante Marguerite de Valois vient d'épouser Henri de Navarre. Nous sommes à quelques jours de la Saint-Barthelemy et deux jeunes hommes débarquent juste de leur province pour se mettre au service, l'un de Navarre, l'autre de Coligny. L'un est aussi discret, courtois et délicat que l'autre est tempétueux, arrogant et beau parleur. L'un est protestant, l'autre catholique. L'un sera aimé de la reine de Navarre, l'autre de la duchesse de Nevers, sa pétillante amie. le sort ne cesse de les réunir, et s'ils manquent par deux fois de s'entretuer, leur amitié sera finalement de celles que l'histoire retient comme des plus belles.
Hélas pour eux, l'amour d'une reine est chose dangereuse, surtout dans une cour plus toxique qu'un massif de digitales, et les deux gentilhommes vont se retrouver embarqués malgré eux dans des complots qui les dépassent.

Car la Reine Margot, c'est aussi - et peut-être même avant tout - l'histoire d'une dynastie sur le point de s'éteindre, menacée par l'astre naissant, encore bien pâle mais que le Destin annonce resplendissant, d'un jeune roi sans trône ni richesse.
Outre Charles IX, à la santé vacillante, Catherine de Médicis a encore deux fils bien vivants, d'Anjou et d'Alençon, mais elle a trop lu les oracles et tous s'accordent pour annonces les morts violentes, le changement de direction vers ce roi de Navarre qu'elle abhorre et qu'elle est prête à tout pour écarter de son chemin. Y compris lui donner sa fille en leurre pour mieux préparer son anéantissement. Malheureusement pour elle, la belle Margot se révèle bien moins docile qu'elle ne l'espérait. Moins sanguinaire que ses frères, elle n'en désire pas moins le pouvoir, et cet époux imposé pourrait être un excellent moyen d'y parvenir...

Si l'Histoire est copieusement violée, dans cette affaire, quel bel enfant Dumas ne lui offre-t-il pas en échange ! La Reine Margot est de ces romans d'aventure qui de l'Histoire font des mythes - moins subtils sans doute, mais plus enthousiasmants, pleins de sève, de ténèbres et de splendeurs.
A la superbe et tragique amitié entre La Mole et Coconas - amitié passionnée jusque dans la mort, jusqu'au-delà de l'amour - s'opposent les sinistres sinuosités du pouvoir, de l'ambition et de la raison d'Etat, les rancoeurs, les jalousies, les haines mal déguisées d'une famille aussi puissante que bancale. le sort des uns a la grandeur des épopées, le sort des autres fascine comme les détour d'un diabolique roman noir.
Tirée vers le sublime par son amour pour La Mole, relevée par son intelligence érudite, sa loyauté envers son époux et sa tendresse pour son frère mourant, mais ambitieuse elle aussi et fatale à ses amants, Valois, au fond, de tout son sang, Margot est à la frontière entre deux mondes, entre le pur et l'impur, l'idéal et le sordide. Personnage fascinant et d'une belle portée symbolique - à l'image de plusieurs d'autres d'ailleurs.
Charles IX - dissimulateur machiavélique, demi-fou sanguinaire, pantin manipulé par sa mère, misanthrope malheureux, enfant mal-aimé lié trop jeune à un trône qui l'écrase, garçon cruel et sensible capable de charmer celui qu'il veut écraser comme de donner tout son coeur à qui l'aimerait sans détour. Haïssable parfois, mais à la fin le plus attachant de tous.
Henri de Navarre, le rusé, d'une parfaite docilité en apparence mais l'oeil à tout, ne manquant rien, et qui louvoie pour survivre en attendant son heure. Parfait époux, qui plus est, ni amoureux ni jaloux, et excellent allié pour qui a mérité sa confiance. Catherine de Médicis, enfin, mère dénaturée par le pouvoir, la crainte obsessionnelle de le perdre et la tendresse exclusive portée à son cadet, créature démoniaque sachant déjouer tous les complots, la main toujours sûre pour guider le fer ou verser le poison.
C'est entre ces deux-là qu'en arrière-plan se joue le véritable duel de ce roman riche en coups d'épée. Celui d'un pouvoir archaïque déclinant, tâché de sang, guidé par les passions mauvaises et les superstitions, contre le pouvoir plus moderne de l'intelligence et de la force d'esprit, sur le point d'éclore avec le premier des Bourbons.
Là au milieu, la pauvre Margot a-t-elle une chance d'être jamais vraiment reine ?

Trop longtemps repoussée, cette relecture fut aussi enthousiasmante et bien plus intéressante encore que ne l'avait été ma découverte du livre au seuil de l'adolescence. Dumas, définitivement, se dévore et s'adore à tout âge !
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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