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Critique de Gwen21


2 600 pages, 268 chapitres, c'est incontestable, "Le vicomte de Bragelonne", suite et fin des aventures des célèbres mousquetaires Athos, Porthos, Aramis et D Artagnan, est un monument... d'ennui.

Au risque de surprendre ou de choquer, je livre un avis mitigé de cette fastidieuse lecture, sans complaisance pour un auteur classique que je connais pourtant bien et que j'apprécie. Toutefois j'estime que l'objectivité est de rigueur quand il s'agit comme ici d'une oeuvre aussi colossale dont l'écriture se ressent de tous les travers du feuilletoniste du XIXème siècle. Même si la plume collaborative de Dumas et de Maquet est très belle, et souvent caustique, la narration interminable du "Vicomte de Bragelonne" souffre terriblement du rythme excessivement lent.

Ce qui se profilait déjà à l'horizon avec "Vingt ans après" se réalise donc pleinement dans ce troisième volet des aventures des mousquetaires : récit délayé à l'envi, redites sans nombre d'un chapitre à l'autre, descriptions souvent inutiles qui donnent l'impression de remplir plutôt que d'orner, et goutte qui fait déborder le vase, la fameuse technique qui consiste à faire rapporter par un personnage secondaire les actions des personnages principaux que les lecteurs viennent pourtant de vivre "en live". Schéma type : dans un premier chapitre, l'action se déroule, dans un second chapitre, l'action est rapportée par un témoin ou un acteur de la scène à un autre personnage absent de l'action, et dans un troisième chapitre, ce dernier personnage rapporte lui-même l'action rapportée à une tierce personne. Au final, le lecteur en est pour lire l'action trois fois. Ce qui était utile voire nécessaire lorsqu'il s'agissait de rafraîchir la mémoire des abonnés des gazettes s'avère limite supportable quand le roman est lu en bloc. Si Dumas et Maquet avaient été scénaristes, on les aurait tout simplement accusés de "faire de la pellicule", rien de moins.

Autre point décevant, le fameux vicomte Raoul de Bragelonne, le fils d'Athos et de Mme de Chevreuse, - et qui donne son nom au roman - est le grand absent du roman. Les personnages principaux sont bel et bien les quatre mousquetaires, vieillis quoique toujours fort braves et rusés, et les chapitres consacrés à Raoul de Bragelonne - pour qui je me sentais une tendresse naturelle dès "Vingt ans après" - se comptent hélas sur les doigts de la main d'un manchot ; c'est presque en filigrane qu'il apparaît de loin en loin, et rarement dans un rôle valorisant. J'ai donc eu le sentiment d'un rendez-vous manqué avec ce personnage qui avait tout pour devenir un héros.

Bilan de la narration : cinq cent premières pages réjouissantes dans la droite lignée des "Trois mousquetaires" et de "Vingt ans après", c'est-à-dire pleines de complots, d'actions aventureuses, de rois détrônés, d'enjeux politiques, de fracas d'épée, de serments échangés ; cinq cent dernières pages émouvantes avec une vraie dimension dramatique, habitées elles aussi de belles preuves d'amitié, de combats acharnés, d'îles assiégées et de bravoure suicidaire ; entre les deux, plus de mille cinq cent pages d'enlisement à la cour de Louis XIV avec des développements à n'en plus finir sur les amours contrariées du Roi-Soleil, sur sa vanité froissée, sur ses appétits en tout genre, sur les luttes intestines entre courtisans et surintendants, sur les intrigues du sérail, etc. A peine y a-t-il une petite résurgence d'intérêt grâce au secret d'Etat autour du Masque de Fer mais sincèrement, de vous à moi, la traversée fut plutôt désespérante.

Alors, on me trouvera sans doute un peu sévère mais on est en droit d'attendre beaucoup d'un auteur aussi formidable qu'Alexandre Dumas ; on est surtout en droit d'être emporté plutôt qu'assommé. Heureusement, ce qui sauve un peu le tout c'est l'affection fidèle qu'après tant de temps passé ensemble on voue aux quatre terribles compagnons d'armes que sont Athos, Porthos, Aramis et D Artagnan et ce n'est pas sans émotion sincère qu'on les quitte à l'issue de leur épopée.


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