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Critique de Pois0n


Allez savoir pourquoi, au lieu de piocher dans les 800 et quelque livres de ma pile à lire, ma main s'est soudainement dirigée vers un ouvrage déjà lu il y a de ça quelques années... Et pas des moindres : une jolie brique de 890 pages ! Mais bon, puisque c'est ce livre-là qui m'a appelé à ce moment précis, j'y ai donc replongé, bercé par le souvenir d'aventures, d'amitié et d'intrigues de cour.

Pourtant, et peut-être est-ce la faute de la panne de lecture qui a frappé en plein milieu, cette redécouverte n'a pas été aussi plaisante que je m'y attendais ; si l'aventure, l'amitié et les complots sont toujours là, force a été de constater que ma mémoire avait retenu le meilleur du livre mais pas ses défauts. Or, ceux-ci ont été suffisamment présents pour grandement plomber mon voyage dans le temps...

Les Trois Mousquetaires est un bon roman, c'est indéniable. Les personnages de Dumas et Maquet (du moins les principaux, car tous les autres ne sont qu'à peine esquissés) sont, à défaut d'être attachants, empreints de charisme, et les deux auteurs ne manquent jamais de laisser l'action en suspens à la fin de chaque chapitre, devenant les rois du cliffhanger « before it was cool ».

Il faut dire que le roman a d'abord été diffusé sous forme de feuilleton et qu'il était indispensable de donner au lectorat l'envie de découvrir la suite de l'histoire. Et ça marche : Les Trois Mousquetaires fait partie de ces bouquins à vous refiler le syndrome du « encore un chapitre avant d'aller au lit », et ce, même s'il ne s'y passe parfois... eh bien, pas grand-chose, voire rien du tout.
C'est là le principal défaut du livre, témoin là encore de sa genèse : partout, tout le temps, à toutes les pages, dans presque tous les dialogues, on VOIT que Dumas était payé à la ligne et qu'il avait tout intérêt à allonger, rallonger, diluer au maximum son texte. Certes, il faut lui reconnaître que celui-ci n'en devient que très rarement chiant à lire, l'auteur sachant rendre les interactions entre ses protagonistes très vivantes. Reste que les discussions, ou au moins une partie de celles-ci, sont loin d'être toujours constructives et utiles à l'histoire ou au développement des personnages. du remplissage donc, à outrance, parfois sur des chapitres entiers, comme lorsque D'Artagnan, après avoir dû laisser ses amis en arrière, revient les chercher un par un. Ou que Milady s'invente un passé pendant tout un chapitre. Et pendant ce temps-là, l'intrigue principale n'avance pas.
Donc, c'est longuet. Parfois sans en avoir l'air, grâce aux péripéties ou pitreries des protagonistes... mais à d'autres moments, on aimerait juste que les digressions s'arrêtent et que Dumas se concentre un peu sur l'essentiel.

Et derrière toute cette surenchère de texte ? le fond, heureusement, reste l'histoire d'un jeune (Gas)con qui monte à Paris des rêves plein la tête, découvre l'amitié sincère et s'attire les foudres de la mauvaise personne, le tout sur fond de complots visant les plus hautes instances du pays. La quête personnelle se mêle donc bien vite à rien de moins que l'avenir du royaume, et de ce côté-là, il faut avouer que le récit est une franche réussite : la fiction se mêle habilement à L Histoire, et tant pis si des incohérences et autres entorses aux dates parsèment le roman, pensé pour divertir et non donner une leçon. Si l'on ne lisait pas les notes de bas de page, on ne ferait probablement même pas gaffe. Bref, le double fil rouge, si habilement entremêlé, s'étend des premières lignes à la conclusion. C'est entre les deux qu'on le perd parfois de vue, mais globalement, Les Trois Mousquetaires est autant l'histoire de D'Artagnan et ses amis que celle des temps troublés où elle se déroule : anglais et français, protestants et catholiques, Roi et Cardinal, gardes de l'un et l'autre sont en effet toujours en conflit !

Un autre détail enjolivé par ma mémoire était la personnalité des protagonistes.
Si, au début, D'Artagnan n'est rien de plus qu'un jeune homme turbulent rêvant d'aventure, d'amour et de gloire somme toute plutôt sympathique, il devient carrément relou dans sa drague de Constance, et un fieffé salopard lorsqu'il (spoiler)(fin spoiler). On est plus proche de #BalanceTonPorc que du gentilhomme qu'il était jusque là...
Même constat pour Athos, présenté d'un bout à l'autre comme l'homme d'honneur de la bande : le mec a juste (spoiler)(fin spoiler). Dès lors, avec son comportement taciturne et le mutisme qu'il impose à son serviteur, son image devient plutôt celle d'un type antipathique.
Porthos, lui aussi, est un sacré cas, à (spoiler)(fin spoiler). La chose avait beau être courante à l'époque, et Porthos fort sympathique le reste du temps, il n'en reste pas moins que l'image qu'il donne est celle d'un profiteur.
Seul Aramis s'en tire un peu mieux, écopant d'une certaine aura comique à être sans cesse tiraillé entre le service de Dieu et son amour pour une belle intrigante.
Quant à Milady, le personnage est finalement plus nuancé qu'il n'y paraît (et indéniablement le plus travaillé du roman). Oui, Milady est dénuée de tous scrupules et coupable de crimes impardonnables. Mais Milady est aussi et surtout une femme indépendante à une époque où seuls les hommes avaient ce luxe. Que ce soit par ses charmes, l'argent ou la ruse, la demoiselle obtient toujours ce qu'elle veut, parvient toujours à tirer son épingle du jeu. La frontière entre son amour des intrigues et une simple question de survie est parfois bien mince. Donc oui, Milady est une garce et ce que l'on appellerait de nos jours une arnaqueuse professionnelle, mais elle est également victime de son temps et de sa condition. Ce qui n'excuse ni ses choix, ni ses actes, mais tend à les expliquer.

Au final, l'amitié qui unit les mousquetaires et les épreuves qu'ils traversent tendent à atténuer leurs défauts, là où Milady ne fait qu'encore et encore aggraver son cas. On s'attache à nouveau aux héros, tandis que l'on abandonne bien volontiers la méchante à son sort. Reste que Les Trois Mousquetaires n'est tout compte fait pas si manichéen qu'il n'y paraît. Les héros ne sont pas sans taches, les méchants ne le sont pas gratuitement.

C'est donc ainsi que l'on arrive au bout du voyage, après moult péripéties et encore plus de détours, de Paris à la frontière belge en passant par La Rochelle et L'Angleterre, des duels au coin des rues aux manières de la cour, des tavernes paumées dans la cambrousse aux bals de la haute société. Il ne serait pas franc de dire que l'on ne s'y ennuie jamais, mais force est de reconnaître que l'aventure est, en définitive, tout de même fort plaisante.
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