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Critique de Lucilou


J'aime le d'Artagnan de vingt ans à la folie...celui de quarante aussi. C'est dit. De toutes façons, même couronné de neige, je l'aimerai encore.
Et même avec vingt ans de plus, je continue d'adorer Athos, Porthos et Aramis.
Si le vent de la Fronde emporte tout sur son passage et acclame Beaufort libéré de sa tour, il est des choses qu'il fait grandir et j'aime à penser qu'en 1845 et 1648 mon coeur est aussi mousquetaire qu'en 1844 et 1628.

Avec « Vingt ans Après », Alexandre Dumas se lance dans un exercice au moins aussi périlleux que la rédaction de trop virulentes mazarinades : donner une suite à son Chef d'Oeuvre (oui, les majuscules sont volontaires!) : « Les Trois Mousquetaires ». Le succès de ce dernier justifie sans doute cette rédaction d'une suite, le besoin pour un auteur prodigue d'espèces sonnantes et trébuchantes aussi, mais il faut également compter avec l'attachement d'un auteur pour ses personnages... Et on sait déjà tellement, en tant que lecteurs qu'ils sont durs à quitter ces hommes-là !..

Périlleux l'exercice ? Oh que oui ! Parce que soyons honnêtes : qui a envie de voir vieillir ses héros ? C'est facile d'en être un quand on a pour soi la jeunesse, la fougue, la candeur, le courage et l'insouciance. C'est beaucoup plus dur plus tard. Le temps, cet assassin, ne fait pas que passer, il transforme aussi les gens (les personnages) et les époques... Alexandre Dumas le savait bien : s'il voulait donner suite aux aventures de ses mousquetaires, il ne pouvait pas les laisser inchangés. Alors, oui « Vingt ans Après » est un pari risqué : celui de donner à voir aux lecteurs des personnages... différents... Dans une époque... différente elle-aussi...

« Vingt ans Après » s'ouvre donc -comme le titre l'indique si bien- deux décennies après la fin des Trois Mousquetaires et le royaume de France a bien changé...
Nous sommes en 1648. Louis XIII n'est plus, le roi est un enfant et Anne d'Autriche, la jolie reine, est devenue une régente oublieuse de ses amis d'autrefois. Le Cardinal de Richelieu n'est plus lui non plus et si son ombre erre encore dans les couloirs du Palais Cardinal et du Louvre, on y croise plus souvent la pourpre de son successeur : le cardinal Mazarin, l'homme le plus détesté du royaume, le faquin, l'italien ! C'est que le prélat mène une politique discutable et qu'il s'acharne plus à remplir sa bourse qu'à faire le bien. Les nobles de tous bords et les parlementaires n'en peuvent plus...
« Un vent de fronde s'est levé ce matin, je crois qu'il gronde contre le Mazarin » a écrit Scarron.

La Fronde... Quelle période propice à l'aventure, aux complots et aux trahisons ! Quelle époque romanesque avec toutes ses légendes, ses instantanés, ses images d'Épinal : le beau François de Vendôme s'évadant du donjon de Vincennes grâce à une lime dissimulée dans un pâté avant de venir haranguer la foule, la duchesse de Longueville accouchant d'un fils bâtard sur les balcons de Paris, le salon de Scarron et de la belle indienne bruissant des rumeurs et du retour de la Chevreuse, la fureur du petit Broussel, la silhouette boiteuse de Pierre de Gondi qui n'était pas encore le duc de Retz s'élevant sur les barricades... C'est le contexte parfait pour faire se retrouver D'Artagnan, Athos, Porthos et Aramis. Le roman ici est plus historique que de cape et d'épée, mais n'en est pas moins passionnant pour autant... D'autant qu'à la Fronde va succéder la grandeur et la tragédie... Charles 1er d'Angleterre est sans doute sublimé, avantagé par la fiction mais qu'elles sont belles les pages qui se consacrent à son destin !

Vingt ans après...Que sont-ils devenus nos héros ? J'ai le cœur serré quand j'y pense : D'Artagnan est seul, D'Artagnan s'ennuie. Ses amis sont partis loin de lui et le gascon qui était grandi, magnifié par l'amitié traîne sa nostalgie... L'amour de sa vie est mort dans ses bras et son cœur semble avoir perdu de son feu et de sa douceur. S'il a perdu sa candeur, il est toujours aussi astucieux, courageux... mais il lui manque l'Aventure pour se déployer et redevenir celui qu'il est toujours au fond de lui. Il a gagné en profondeur, en complexité et cela lui va bien. Sa séduction y gagne encore. Athos semble plus serein qu'autrefois, son front est tout aussi noble et la paternité (oui, oui!) lui a donné une nouvelle raison de vivre. Aramis est resté un séducteur impénitent qui s'enorgueillit de ses mains blanches, ce qui ne l'empêche pas d'être d'église, définitivement -Monseigneur d'Herblay, priez pour nous, pauvres lecteurs !- et dévoré d'ambition. Finalement, seul Porthos n'a pas changé... Ce bon Porthos : toujours fidèle et rieur, géant généreux, cœur d'or et jarrets d'acier.

Lorsque Mazarin se souvient enfin de D'Artagnan et lui confie une mission d'importance, notre héros y voit l'occasion de réunir ses amis et de revivre l'âge d'or et la douceur des jours d'autrefois. C'est là que le bât blesse : si Porthos le suit sans hésiter (il le suivrait même en Enfer), Athos et Aramis ne sont pas dans le même camp...
Cette mésentente, cette impression que l'amitié des quatre mousquetaires ne sera plus jamais ce qu'elle a été sont les pages les plus tristes, les plus atroces de tout le livre (de toute la littérature même!)... Il est fort Dumas pour nous briser le cœur et nous surprendre.

Cela dit, il faut bien convenir que cet état de fait rend encore meilleur le retour du « Un pour tous, tous pour un » , de cette amitié finalement indéfectible et plus forte que cent désaccords politiques. Quand Athos, Porthos, Aramis et mon D'Artagnan s'unissent à nouveau pour le meilleur et pour le pire, c'est le printemps, la renaissance... le regain des aventures à la vie et à la mort, palpitantes et romanesques. Trépidantes comme toujours et comme jamais. Et contre cette amitié dont ils avaient oublié qu'elle était éternelle, tous les Mordaunt (engeance du diable!) du monde ne peuvent rien. 

Vingt ans après, Un pour Tous et Tous pour Un, pour toujours et à jamais.
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