Etant passionnée par la littérature arthurienne depuis fort longtemps, je ne pouvais pas manquer cet essai, que j'ai lu avec grand plaisir. Il est vraiment très intéressant, il présente le mythe et son évolution au cours du temps. Toutefois il n'est pas d'un abord très facile, on va dire qu'il s'adresse au moins au grand public cultivé.
L'auteur rappelle tout d'abord le contenu originel de la geste arthurienne, qui date de la période celtique et était transmis par des bardes. Cette culture était non écrite et s'est en grande partie perdue, pour ne pas dire en totalité, ceci pour souligner que le culture druidique « reconstituée » et remise à la mode par le New Age n'a pas grand chose à
voir avec la vraie culture celte.
Arthur a sûrement existé dans la réalité à la fin du cinquième siècle de notre ère, quand les Romains en quitté la Bretagne (en fait l'Angleterre dans notre langage actuel). Il était un chef de guerre qui a fédéré quelques clans autour de son projet de s'opposer aux Saxons qui voulaient étendre leur territoire. Il vivait dans un camp fortifié avec des constructions en bois et absolument pas dans un château magnifique à Camelot. Donc comme son illustre prédécesseur
David, le roi
Arthur est bien plus grand dans la littérature que dans l'histoire. L'auteur raconte comment on est passé de l'oralité à l'écrit. L'auteur le plus connu est
Chrétien de Troyes, mais des chroniqueurs anglais ont parlé d'
Arthur depuis le sixième siècle dans des mentions éparses. Toutefois on s'accorde à dire que le trouvère champenois a mis en forme la légende dans son contenu pratiquement définitif. D'autres auteurs l'ont complété, notamment
Wolfram von Eschenbach, qui l'a nettement enrichie. Les auteurs qui mettent le mythe par écrit sont chrétiens, il devient donc un mythe chrétien, sans toutefois perdre son origine et son contenu celtique. Il y a une interpénétration des deux univers. le centre de la geste devient la quête du Graal (la coupe dans laquelle Jésus a institué la première Cène avant sa passion et qui aurait servi à recueillir son sang), la dimension spirituelle est essentielle, tout comme l'amour courtois.D'ailleurs la légende de
Tristan et Iseut appartient au cycle arthurien. L'auteur développe tous ces différents aspects de manière passionnante, traitant des amours adultérines des héros, du rôle de
Merlin, des fées etc. Je retiens le rôle axial attribué au roi,
Arthur est au centre de cet univers mais il semble étonnement passif, il ne participe pas aux exploits de ses paladins, il est le centre d'où tout converge. La table ronde est une image de l'univers, bien plus qu'un symbole d'égalité entre les chevaliers.
Ces développements sont vraiment très complets et passionnants. Toutefois l'auteur continue de parcourir le temps et à l'en croire tout se gâte après Wolfram. La Renaissance donne une image très négative du Moyen âge et le mythe tombe dans l'oubli presque jusqu'au dix-neuvième siècle. La thèse de
Dumont est que la culture de masse comme il l'appelle a tout gâché et complètement dénaturé le mythe à mesure qu'elle se déploie jusqu'à nos jours. Il parcourt la littérature, le cinéma et d'autres supports comme les jeux vidéos en vomissant tout son mépris envers cette culture de masse destinée à un public décérébré. Je ne vais pas mettre de citations mais il y en aurait des dizaines qui disent tout le mal qu'il pense des non spécialistes et du grand public. Je n'ai pas du tout aimé cet élitisme, qui me fait donner seulement quatre étoiles à ce livre autrement passionnant. L'auteur cite quelques films américains récents, dont un produit par Steve Munchin, le ministre du budget de Trump, qui semble vraiment aussi inepte que ce que l'on peut attendre d'un tel personnage, par contre certains auteurs comme
Jean Markale sont qualifiés de semi lettrés sans accès à la linguistique et à la philologie… je trouve vraiment limite. Et je ne vous parle même pas de
Marion Zimmer Bradley, qui serait la prêtresse d'une église fondée par un disciple du « sataniste Crowley« . Tous ces affreux et bien d'autres auraient complètement vidé le mythe arthurien de sa substance. On est bien d'accord que le net a mis pratiquement tout le sa
voir possible à disposition de tous, mais en pratique, tout le monde n'a pas accès à
Chrétien de Troyes dans le texte original. Je suis d'accord avec le fait que la culture celte originelle est perdue et que les succédanés proposés par le courant New Age sont complètement artificiels. Toutefois on ne sait pas comment la population de base percevait ces légendes au Moyen âge, certainement pas comme l'élite lettrée des cours. Il y a toujours eu un fossé entre les détenteurs du sa
voir et le peuple, autrefois comme aujourd'hui. Ces propos très méprisants ne font qu'alimenter le populisme ambiant, ce qui n'est pas une bonne chose.
On peut évidemment déplorer un appauvrissement de la légende au fil du temps, mais tous les mythes sont réinterprétés selon les besoins de chaque époque. Par exemple, lorsque la Suisse construisait son unité comme nation dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, on a ressorti nos amis les lacustres, des ancêtres communs redécouvert au bon moment ! le fait que cette légende soit toujours connue et revisitée par le production culturelle contemporaine me paraît plutôt un bon signe de vie, même si le film de Munchin doit être aussi nul que le dit l'auteur.
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