Ce cinquième et dernier tome des œuvres complètes de Fernand Dumont réunit ses trois recueils de poèmes et l’autobiographie qu’il écrivit à la fin de sa vie. La poésie, bien qu’elle soit partie prenante de l’œuvre, fut toujours pour l’auteur une sorte d’accompagnement: c’est à elle qu’était dévolu le rôle de témoigner de ce qui échappait aux constructions théoriques ou aux analyses sociologiques, ce qu’indique le titre qu’il avait choisi pour la publication rétrospective de ses trois recueils en 1996: La Part de l’ombre. Ses Mémoires, Récit d’une émigration, ont aussi un statut particulier: si l’auteur a souvent évoqué son milieu ou son parcours dans ses essais, il s’agit de son seul livre de nature autobiographique. Fernand Dumont n’est pas moins écrivain dans ses autres livres, mais La Part de l’ombre et Récit d’une émigration témoignent plus ouvertement que ses autres ouvrages de l’histoire d’une sensibilité.
La solidarité de la tribu entraînait des visites fréquentes. Pas une soirée sans que l’un ou l’autre des oncles vienne causer. J’entendais bruire autour de moi les propos familiers qui me réconfortaient quant à l’ordonnance des personnes et des choses. Le dimanche midi, après la messe, maman recevait souvent tout le monde à dîner; le soir, on se déplaçait chez grand-mère pour le souper. Il y avait toujours quelque réparation à effectuer qui réclamait une corvée où mon père manifestait son rôle de maître d’oeuvre. L’usine mobilisant les hommes dix heures par jour, sauf les dimanches et quelques fêtes, ce qu’on appellerait aujourd’hui les loisirs dépassait rarement les frontières de la tribu.
Le bleu couleur inattentive
Effrite le jaillissement futile
Du lien oublié et du chant perdu
Le cri inutile jaillit des landes
Rien ne reste que proférer
Contre les nuages consolés
J’ai vu tes yeux justes
Comme une chaîne
Souriant à tue-tête
Comme une herbe de pluie
Il leur faudrait crois-moi
Une chambre secrète
Près des branches enneigées
Soir
Dans les torrents le continu se brise
Deux jeunes filles ont ri
Les pieds dans le ruisseau
De leur vie
Mais la mer enténébrée gémit quelque part.