Dans la boulangerie où j'ai mes habitudes, trône un gâteau béni des dieux, tantôt nommé Trianon, tantôt Royal, offrant un croustillant praliné, entre une ganache au chocolat et une dacquoise à l'amande. Autant dire, un parfait attrape-gourmand. Pourtant sans le sou, mais ayant goûté au péché chez un ami, je ne sais quelle somme je serais capable de mettre pour re-goûter ce trésor gustatif. Autant vous dire que je fréquente le moins possible mon boulanger, incapable de résister à la tentation.
Je ne voudrais pas jouer les ogres, mais avec
Nicolas Dumontheuil, l'attraction est aussi grande : cet artiste m'est irrésistible et inestimable, fondant en apparence, croquant à l'intérieur. J'en suis amoureux. L'incommensurable avantage du livre sur le gâteau, c'est qu'on peut le feuilleter, le dévorer, s'en repaître, sans qu'il ne disparaisse ! On peut même en gratifier le voisin, sa belle-mère et le boulanger (en échange d'une bouchée, pensez-y). Ainsi donc, perdu dans les rayonnages d'un libraire de quartier, je me suis adonné au plaisir solitaire du nouveau
Dumontheuil, là, sans honte, devant tout le monde.
Au commencement, il y a ce titre. Très à mon goût. Ensuite, il y a ce renard, qui rappelle autant celui de "La Forêt des renards pendus" que celui de "La femme floue". le jeu de piste débute. Comme dans ce diptyque passé, l'univers démarre sur des jeux de ressemblances qu'il est toujours agréable de croiser (l'univers de Morris est très présent). le trait aussi est plus rondouillard et distrayant, caractéristique de "La femme floue". Malheureusement, j'avais moins adhéré à ce Dumontheuil-là et rebelote ici. Sans trop savoir pourquoi, les dialogues m'ont moins conquis qu'à l'accoutumée, peut-être suis-je moins adepte des contes ? le risque me manque un peu ici, on est plus proche du divertissement que du pamphlet éblouissant, comme peuvent nous les offrir les nobles albums "
Qui a tué l'idiot ?", "
Le Roi cassé", "
Le singe et la sirène".
Reste une bande dessinée de qualité, comme toujours (les chiens ne font pas des crottes), un univers agréable à découvrir, des personnages hauts en couleurs et un clin d'oeil éclairé sur les migrants qui ne m'a pas laissé indifférent. Pour la gourmandise, c'est réussi. Pour l'hydromel, j'attends la prochaine offrande, alliant forme et fond, chocolat et amande, croustillant et moelleux.