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Rien, Katherine Dunn ne se refuse rien dans Amour monstre. Ressemblant à un immense moment de liberté, ce bouquin raconte l'histoire d'une famille à la tête d'un cirque qui parcourt l'Amérique. Une famille déjantée et hors norme, des véritables phénomènes de foire qui mettent à profit leurs tares génétiques pour susciter chez le public un engouement irrationnel voire dérangeant.
Si le récit se déploie dans un mouvement de balancier entre deux périodes suggérant que les Binewski aux tempéraments exacerbés ont quelques centaines de pages plus tard périclité, on est avant tout fasciné par le portrait et l'ascension de cette famille extravagante. Une famille soudée dont on suit jusqu'à la démesure les débordements affectueux autant que les luttes intestines et laissent le sentiment de contempler une toile aux couleurs féroces.
Katherine Dunn ne nous épargne rien : une écriture franche et sans inhibition, des remarques étonnantes et des scènes détonantes, l'ensemble témoigne d'une belle assurance. Mais pas suffisamment pour bien maîtriser la construction du récit. En tout cas pas assez pour neutraliser le lien un peu lâche entre les deux époques, un lien qui ouvre sur une autre intrigue un peu moins convaincante.
L'auteure américaine aurait pu se contenter de décrire uniquement la folle destinée des Binewski, leurs guerres et étonnants sursauts nourrissant l'essentiel du récit. Il n'en fallait pas plus pour alimenter la morale qui se cache à peine dans cette fiction. Car bien entendu c'est le genre de récit qui invite à une réflexion sur la normalité et le regard que l'on porte sur la différence. Les monstres et les misérables ne sont pas forcément ceux que l'on croit.

Lecture agréable ?...hmm difficile à dire. Katherine Dunn introduit tant d'étrangeté dans le roman que l'on sort de cette lecture un peu désarçonné. L'auteure exploite sans scrupule les clichés sur les «freaks», tirant parti de la fascination que ces être difformes exercent et l'idée qu'ils incarnent une forme de déviation, de perversion, ou encore de communauté à part. Vraisemblablement Dunn ne recherche pas l'empathie, ce qui fait que les personnages ne prétendent surtout pas à l'affection du lecteur. C'est bien ça le plus perturbant, écrit sans aucune limite, ce roman ne convoque nullement l'humanité des personnages et nous met dans la position de voyeur malmené.
Roman qui exerce une force d'attraction réellement déconcertante.
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Un livre qui porte bien son titre !! Tout y est monstrueux, l'amour, la haine, les humains et les actes ! Un livre psychédélique qui malgré son côté sans tabou et sans retenue est accrocheur et fascinant !

Les parents Binewski ont de grandes idées pour faire marcher leur cirque ambulant : la mère se défonce avec tout ce que son mari trouve, du speed à l'alcool en passant par les anti-dépresseurs et les radiations, afin de donner naissance à des monstres qui seront attractifs !

L'ainé est une sorte de larve dotée de nageoire, d'un caractère déterminé, manipulateur et sans scrupule ; les puinées sont siamoises, musiciennes aux caractères opposés et Olly, la naine albinos sans talent particulier au regard de sa famille ! Chick, à priori normal, rejoindra la troupe familiale un peu plus tard et sa monstruosité ne sera pas sans conséquence, même si elle n'est pas visible !

Lu en lecture commune, à des vitesses diverses et même si les avis divergent un peu, la fascination exercée fut la même ! Une envie d'aller plus loin dans la découverte de ce dont cette famille est capable, voir jusqu'où l'auteure peut aller sans tomber dans le voyeurisme. le tout est totalement immoral, sans concession sur la bêtise humaine et la manipulation des uns par les autres. le tout est très déjanté mais bien écrit et sait retenir l'attention à moins d'avoir choqué les sensibilités que certains peuvent avoir.

Pour moi c'est une très bonne lecture, j'ai été scotchée du début à la fin ! Je remercie mes co-lectrices avec lesquelles j'ai passé de bons moments !

Challenge Multi-Défis 2022
Challenge Plume Féminine 2022
Challenge Mauvais Genre 2022
Challenge 20ème Siècle 2022
Lecture Commune Cricri08 – Krissie78 – Sharon - VALENTYNE
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[En arrière-fond, une impression de musique qui fait penser à celles passées dans les cirques ; une faible odeur faite de poussière, de sueur, de pop-corn et de sucre brûlé se fait sentir].

Mesdames, et messieurs, chers lecteurs spectateurs,
Approchez-vous, approchez-vous d'« Amour monstre », le roman de Katherine Dunn, pour un spectacle de phénomènes les plus monstrueux que vous aurez jamais vus ! Ici point de femme à barbe, d'homme le plus fort du monde, de fakir au tapis à clous rétractables, mais une famille extraordinaire, les Binewski ! Une famille fondée par al et Crystal Lil, qui se sont soumis à un cocktail explosif de radiations et de produits chimiques pour obtenir des enfants tous plus fabuleux les uns que les autres ! Dans l'ordre : Arturo, dit « Arty » ou encore « Aqua-man », un homme-ver dont les membres sont faits de nageoires, les siamoises Iphigenia et Electra, deux filles formidables reliées à la taille par une seule paire de jambes, Olympia, naine, albinos, chauve et bossue, narratrice du roman, et Fortunato, surnommé « Chick », un enfant à l'allure de « normo », comprenez un être sans aucune caractéristique notable, mais aux pouvoirs mentaux extraordinaires !

Vous qui entrerez dans ces pages, abandonnez avant tout sens de la normalité et de la moralité, dans un mouvement de renversement de la réalité, car souvenez-vous que ceux qui présenteront une anormalité, ce n'est pas les Binewski, qui sont uniques, mais vous, qui êtes issus du même moule et vous ressemblez tous ! Célèbrez leur différence en assistant à leurs numéros, de piano pour les siamoises, et de nage divinatoire de la part d'Aqua-man !

Vivez à leurs côtés la trajectoire que cette famille rencontrera, de la simple itinérance circassienne au départ à la lente construction d'un culte à la gloire d'Arty, lui qui a su comprendre ce que le public vient voir en lui et ce qu'il attend de lui : les mener vers la voie d'une anormalité spirituelle menant à la purification… par l'ablation de leurs membres ! Un culte qui prendra de plus en plus d'ampleur, faisant peu à peu d'Arty un gourou qui ne se satisfera pas de la vénération du public, mais qui exigera celle de sa famille, les menant à un point de non-retour !

Et assistez également à l'histoire narrée en parallèle par Olympia notre narratrice, un récit qui donne un cadre à celle de cette fabuleuse famille, dédié à Miranda, la fille presque normo d'Olympia. Celle-ci sera tentée par la voie de la normalité en se coupant de sa seule particularité... le fera-t-elle, le fera-t-elle pas ? A moins qu'Olympia tente de la sauver avec le plus grand des courages !

Prenez donc le risque de lire un roman hors du commun, qui interrogera votre part de normalité, ou plutôt de monstruosité, en osant apprécier les aventures de cette famille hors du commun. Demandez-vous ce qu'est l'amour, quand il prend des proportions éléphantesques, grotesques. Malgré quelques risques de longueurs – c'est une longue histoire qui pourrait se résumer aisément, et lui permettrait de garder une acuité extraordinaire –, écoutez ces histoires racontées de manière parallèles, situées à des périodes différentes, et cherchez quelle est leur lien, hormis celui offert par Olympia la narratrice ! Si vous le trouvez, vous me le direz !
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Quel livre étrange ! Ai-je aimé ou pas ? Je n'en sais trop rien. Ce dont je suis sûre c'est qu'il ne peut laisser indifférent et va s'encrer quelque part dans mon cerveau. Il est à la manière d'un plat que l'on mange pour la première fois, on en conserve le goût sans savoir si nos papilles l'aiment. Si je dis que les êtres difformes engendrés par un père gérant de cirque les rend supérieurs aux ‘normos' comme ils disent, ce n'est pas très tentant. Que les monstres deviennent un objet de convoitise à égaler, voir à surpasser. C'est ce que nous explique Oly, naine et bossue. J'abrège : sur la différence physique, le regard des autres, la famille. Ce genre de roman singulier s'analyse, je pense, avec le recul.
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La rentrée littéraire commence doucement sur le blog avec le roman le plus original de cet évènement, un roman comme on en lit une ou deux fois dans sa vie, un roman qui mélange l'étrange, l'émotion et même parfois le thriller. La collection Americana des éditions Gallmeister se pare d'un nouveau roman qui ne pourra que vous surprendre : Amour Monstre ou Geek Love pour les intimes.

Imaginez qu'un père décide de fabriquer ses enfants, avec le consentement d'une mère elle aussi excitée à cette idée : créons des monstres et redonnons ses couleurs au cirque du genre ! "Comme elle disait souvent : Quel plus beau cadeau peut-on faire à ses enfants que la capacité intrinsèque à gagner leur vie en étant simplement eux-mêmes ?". Quelle idée bizarre voire malsaine me direz-vous ! Et j'ai pensé exactement la même chose : est-ce de l'amour ou de la folie ? Pourtant c'est ce sentiment si fort d'appartenance à l'extraordinaire qui fait de cette famille, une famille unique... Mais la compétition est rude pour être le premier dans le coeur des parents et des spectateurs...

La narratrice est Oly, une naine bossue et albinos. Atypique non ? Et cependant elle est considérée comme la moins intéressante de la fratrie, comme celle qui ne sert qu'à présenter les autres, à les mettre en avant. Peu lui importe car elle est fascinée à l'extrême par son grand frère, Arturo l'Aquaboy, ce dernier complètement rongé par sa jalousie et son désir d'être admiré. Un désir qui le mènera parfois à vouloir tuer la concurrence... Il y a bien sûr les deux parents : la mère qui aime tant ses enfants et le père qui souhaite aller toujours plus haut et plus loin et qui refuse toute forme de normalité. Il y a les soeurs siamoises : fascinantes et attirantes pour ceux qui aiment le style. Il y a aussi le petit nouveau : Chick... le lecteur est ainsi tiraillé entre répulsion et fascination, attaché parfois à certains personnages et puis d'un seul coup écoeuré par certains de leurs agissements. C'est vraiment très bien maitrisé par l'auteure !

Ce que j'ai aimé par dessus tout dans ce livre c'est sûrement le fait de suivre Oly des années plus tard alors qu'elle vit dans le même immeuble que sa fille (qui ne connait pas son existence) et sa mère (qui ne la reconnait pas du fait de sa déficience visuelle). Elle se rattache à ce qui fût et le lecteur ne peut que se demander quel a été le drame qui a amené la mort des autres membres de la famille Binewski. C'est une histoire remplie de sentiments très forts, de mystère quant au dénouement de l'histoire passée et de celle présente. le balancier entre ce qui fut et ce qui est, est ce que j'ai préféré durant cette lecture.

Jacques Mailhos, un des grands maitres de la traduction Gallmeister, est au meilleur de son art et réussit avec maestria à retranscrire l'écriture, le style fluide et addictif de Katherine Dunn. Cette grande romancière est décédée cette année mais a laissé derrière elle une oeuvre immortelle dont ce sublime roman.
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Découvert au détour du Challenge Etats-Unis auquel je participe, ce roman a été une franche surprise, jusqu'à se hisser dans mes coups de coeur lecture de l'année – et je dois dire qu'il n'y en a pas beaucoup en 2019, gageons que les derniers mois changent la donne – .

Nous sommes projetés dès le premier chapitre dans un univers carnavalesque qui met en question les notions d'altérité et de monstruosité, et ce par l'intermédiaire d'un ton on ne peut plus noir et grinçant. Ce ton, c'est celui d'Oly, cadette de la famille Binewski, dont Al, le père, possède un cirque qui voyage à travers les Etats-Unis, cirque familial qui va devenir une foire aux monstres éminemment célèbre. Naine et albinos en raison d'expérimentations chimiques faites durant les grossesses de sa mère, Lil, – les autres enfants ont également leur propre altérité physique ou psychique -, elle nous raconte en effet l'histoire de sa famille hors norme, de sa naissance par l'arrivée du premier enfant, Arturo, jusqu'à sa chute par le drame dont le même Arturo va se rendre responsable environ deux décennies plus tard. Entre les deux, une série d'évènements qui mettent au centre l'amour fraternel et l'orgueil poussés à leur extrême le plus glauque, et qui renversent tous les codes de la normalité telle que l'entendent les « normos », ceux qui ne font justement pas partie de la famille ou de son entourage.

Tout au long du roman, l'on oscille entre passé et présent, entre l'histoire de la famille au sein du cirque jusqu'au drame, et l'histoire d'Oly après ce même drame – je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher trop d'éléments de l'intrigue -, entre acceptation, voire glorification, et rejet de la monstruosité dont la majorité des personnages du roman est tributaire. Cette oscillation se fait avec beaucoup de fluidité et m'a rendu la lecture franchement captivante, au point d'avoir du mal à laisser de côté le roman pour vaquer à mes autres occupations. Je suis d'ailleurs ressortie étonnamment émue de cette histoire douce-amère, m'étant attachée à Oly et à sa famille au fil de son récit, comme si, au fur et à mesure, le renversement des codes décrit dans le roman s'était insinué en mon esprit et me faisait prendre à nouveau conscience de la relativité des êtres et des choses…
Lien : https://lartetletreblog.word..
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Lire "Amour monstre", c'est un peu comme faire plusieurs tours de grande roue à deux cent à l'heure et en ressortir le cerveau décapé, les repères au diable vauvert et les constructions mentales complètement chamboulées : une expérience de lecture absolument unique, à de nombreux égards.
D'abord parce que sur le thème du freak, du cirque, on ne s'attend vraiment pas à un tel niveau de qualité littéraire. Cela a été ma première grande surprise de découvrir dès les premières pages un récit finement construit, original dans ses angles narratifs, servi par une plume pleine de caractère et d'épaisseur. Impeccable sur la forme, donc.
Ensuite, parce qu'un auteur qui se permet de renverser les codes à un tel point, ça ne se croise pas tous les jours. Se faire culbuter les croyances et décoiffer les biais cognitifs, à partir d'un certain niveau ça ne se refuse pas.
Jugez-en plutôt, et ce sera mon troisième égard : parce que l'histoire en elle-même est une trouvaille dingue et géniale, et qui plus est elle donne à réfléchir.

Naine et bossue, Olympia porte le lourd poids d'être une enfant un peu ratée : elle n'a pas les puissantes nageoires de son grand-frère, la singularité de ses soeurs siamoises ni la capacité d'agir physiquement sur n'importe quelle chose de son petit frère Chick. Mais elle a Miranda, sa fille, si belle et si séduisante avec sa petite queue. Quand cette dernière, devenue adulte, se laissera convaincre de se la faire enlever, Olympia entre en scène. Et raconte comment tout en est arrivé là.
Et nous voilà partis dans l'histoire de cette famille de monstres, créés en toute conscience par les parents pour disposer d'attractions uniques pour le cirque itinérant qu'ils dirigent. Naîtront tour à tour les susnommés, l'affaire prendra de l'essor à mesure que l'aîné prend le pouvoir sur la famille et sur la cohorte de spectateurs "normos" qui viennent l'acclamer comme le nouveau messie.
C'est là que réside tout le génie de cette parabole déjantée sur la nature humaine : ce ne sont pas que les aspects esthétiques qui sont renversés mais aussi les valeurs, les croyances, les aspirations : aux yeux de la famille Binewski, ce sont eux qui rayonnent au milieu des "normos" affligeants de banalité, le mal est bon, la manipulation des foules parfaitement honorable, et plus l'aîné devenu gourou malmène ses adeptes, plus ils viennent en masse se faire charcuter orteils, puis pieds, puis membres entiers dans un élan cathartique halluciné.

Jubilatoire, malaisante, estomaquante, troublante, mais aussi touchante histoire d'une fratrie et famille aimante et soudée pour le meilleur, mais surtout pour le pire : malgré quelques longueurs, j'ai adoré.
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Qu'est-ce que la « normalité » ? C'est la grande question que nous pose Katherine Dunn lorsqu'elle écrit « Amour monstre » en 1989. Ce roman, devenu culte et publié tardivement en France (en 20016), raconte l'histoire d'une famille hors norme. Aloysius (dit Al) et Crystal (dite Lil) dirigent un cirque itinérant : le Binewski's Carnival Fabulous. En visitant une roseraie, ils ont l'idée de fonder une famille de « phénomènes ». Usant et abusant de drogue, radiation et autres méthodes pour le moins originales, ils vont donner naissance à une fratrie détonante : Arturo (Arty), l'homme-poisson, Electra (Elly) et Iphigénie (Iphy), les magnifiques siamoises jointes par la taille et partageant une seule paire de jambes, Olympia (Oly), naine albinos et chauve, et Chick, le petit dernier pas si normal qu'il y parait.

C'est Oly qui nous raconte leur parcours. Nous la découvrons 20 ans après les faits qu'elle va nous livrer. Vieille avant l'âge, elle habite incognito un appartement miteux d'un immeuble géré par une vieille dame qui semble frappée d'Alzheimer et dont l'autre appartement est habité par une belle jeune femme Miranda. Nous apprenons rapidement qu'Oly veille ainsi sur sa mère et sa fille sans que ni l'une ni l'autre ne sache qui est Oly. Chaque partie commence par des « notes pour l'instant présent » que la narratrice écrit pour sa fille Miranda, avant de nous plonger dans la chronologie de ses souvenirs.

Rapidement le lecteur est happé par ce récit d'un monde où l'anormalité est la norme. Élevés dans l'amour, le partage et la solidarité malgré leurs divergences, les enfants Binewski se révèlent attachants. Après une entrée en matière en forme de douche froide on va découvrir progressivement l'univers et les secrets de cette famille. L'habile construction de l'histoire par Katherine Dunn nous distille petit à petit le quotidien du cirque tout en restant extrêmement centrée sur la psychologie des différents membres de la famille Binewski, comme s'ils étaient en autarcie. Entre curiosité et voyeurisme on se demande ce qui fait qu'on n'a pas envie de lâcher ce livre. Car l'écriture est dense, le texte très serré, certains passages s'avèrent difficiles à lire, à appréhender, à digérer. Et si l'amour est omniprésent au sein de la famille, la jalousie ne l'est pas moins. On est fasciné par la cohésion au sein de cette famille, au sein du « Fabulous ». Alors que la famille se transforme, qu'une forme de religion ou de comportement sectaire se met en place autour d'Arty, on se dit que les plus barges ne sont peut-être pas les « phénomènes » mais ceux qui sont prêts à n'importe quel sacrifice pour intégrer leur monde et se faire aimer d'Arty, que les « normos » sont peut-être plus « anormaux » que les « monstres » de la famille Binewski.

Le style de Katherine Dunn est souvent cru, parfois poétique (comme ces titres de chapitre souvent à double sens). Prenant des accents parfois lyriques ou surréalistes, elle dresse le portrait d'une famille monstre (et non pas monstrueuse) par la taille de l'amour qui les soude et par la puissance des sentiments qui va les briser. Par là-même c'est une humanité mise à nu qui instille au sein du lecteur un trouble parfois dérangeant. Et finalement, au-delà du regard que nous posons sur ces « monstres » n'est-ce pas celui que nous posons sur le handicap dans notre société qui est questionné ?

Si la troisième m'a semblé trainer un peu en longueur et que j'ai regretté qu'il n'y ait pas plus de « notes pour l'instant présent », lesquelles donnent au roman un petit goût de polar, j'ai été touchée, parfois bouleversé, parfois horrifiée, par ces destins incroyables, hallucinants, tout en étant émue par un final où culmine l'amour qui a présidé à la naissance de la fratrie des Binewski.

Bref, une lecture aussi hors norme que les personnages qui y sont évoqués, qui me laisse une forte impression et des sentiments mitigés, mais que je recommande fortement. Sans oublier le plaisir de l'avoir partagée avec @Cricri08, @Zazaboum @Valentynem et @Sharon

NB : Extrait de Wikipédia :
« Un monstre humain désigne, dans le langage courant, un être humain atteint de malformation congénitale, ou d'un désordre génétique, du développement, ou une maladie causant des formes extrêmes de difformité ; Joseph Merrick, dit « l'homme éléphant » étant un exemple représentatif de ce dernier cas. Les « monstres » ont été présentés ou se sont produits dans des spectacles forains, des cirques ou des zoos humains en tant que phénomène de foire ou curiosités médicales. Jugées dégradantes, ces exhibitions ont été interdites en Europe, à la fin du XIXe siècle, elles perdurent aux États-Unis sous le terme de freak show. L'étude des différents cas de monstruosité humaine entre dans le cadre de la tératologie."
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Je viens tout juste de terminer ce pavé et je flotte encore... Une plongée dans l'univers intime d'une famille qui sillonne l'Amérique avec leur cabinet des curiosités. C'est que les parents Binewski ont fait bien des expériences avec diverses substances, afin de s'assurer d'avoir les enfants les plus étranges. Il y a d'abord l'aîné, Arty, qui est muni de nageoires et qui se donne en spectacle dans un grand bassin d'eau. La narratrice, Oly, naine chauve albinos. Et puis les siamoises, deux têtes, deux bras, deux jambes, collées à jamais par le bassin... Et puis le p'tit dernier, Chuck, qui lui a la capacité de déplacer les objets... Une drôle de famille, mais aussi une drôle de dynamique. Un père qui pense aux entrées, une mère qui décline jusqu'à la folie, le plus vieux, un brin tyrannique et qui, par la force des choses, deviendra le symbole de la diversité, des laissers pour compte... Mais ce livre est une ode à la particularité, peu importe de quelle façon elle se manifeste... Et nous parle d'une très belle façon de l'acceptation de soi et du laisser aller face aux préjugés et regards des autres... Encore un très bon Gallmeister...
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Laissez-moi vous présenter une famille américaine hors du commun : les Binewski. Pourtant, si l'on se contente de dresser leur état civil, ils peuvent passer pour une affaire ordinaire : le père, la mère et les cinq enfants, deux garçons et trois filles. La maman a pris de nombreux traitements pour avoir ses enfants, et c'est là que l'on commence à sortir de la norme de l'american way of life. En effet, elle a absorbé tout ce qui était absorbable pour avoir des enfants hors du commun, monstrueux pour reprendre le titre : un fils sans membres mais avec nageoires, des siamoises, une naine bossue et albinos... Un seul garçon paraît normal, heureusement pour lui, il ne l'est pas : ses parents ont un souci avec la norme. Dernier point : ils sont des artistes de cirque et leurs enfants sont, en quelque sorte, les membres les plus fameux de leur troupe.
Nous les suivons, entre passé et présent. C'est Oly, naine et bossue, qui nous conte l'histoire de sa famille, nous fait rentrer dans leur intimité, sans rien nous cacher. Pour certains passages, il faut être bien accroché, ne pas être (trop) sensible. Chick, le petit dernier, l'est. Il est très attachant, je tiens à le dire. J'ai souvent eu l'impression qu'il était négligé, incompris, lui qui semble, extérieurement, si ordinaire.
Le présent, c'est Oly, toujours. Oly rencontre une femme qui est elle aussi un pur produit de l'Amérique. Miss Lick est riche, très riche, grâce à l'entreprise de son père, et elle s'est mis en tête de faire le bonheur d'autres femmes. Féministe ? Je vous laisserai juge, si vous avez le courage de lire ce livre : dans ma PAL depuis sa sortie (soit 2016), il m'a fallu deux faux départs puis une lecture commune qui s'est avérée salvatrice pour réussir à le terminer !
Amour monstre, un livre qui porte très bien son titre.
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