Il est de grands magistrats, c’est le troupeau qui est petit.
Le fossé entre les magistrats et les avocats s'élargit, ces derniers temps, dans des proportions inquiétantes. J'en veux pour preuve un rapport hallucinant remis, le 28 juin 2016, au garde des Sceaux, Jean-Jacques URVOAS, rédigé par un "groupe de travail relatif à la protection des magistrats"
Page 12 :
Les faits divers successifs modèlent et remodèlent la hiérarchie des crimes : du temps où André Gide siégeait comme juré à la cour d'assises de la Seine-Inférieure, il était plus grave d'incendier une grange que de violer une fille de ferme.
''Justice :
ne jamais s'en inquiéter.''
Gustave Flaubert,
Dictionnaire des idées reçues
Aux assises, l’oralité des débats est un principe sacré: c’est le seul endroit du monde où la parole vaut plus que les écrits.
Il faut écouter et compter les silences d?une plaidoirie pour en mesurer la qualité. Les plus grands avocats sont ceux qui coupent le son au bon moment, au lieu d?ajouter un bon mot ou une pique à destination de l?accusation. Le silence dit sans juger ce qu?un
seul mot, leste du sens imposé par les bonnes moeurs du moment, flétrirait.
La cour d'assises est une arène, un théâtre violent, un âpre lieu de parole au sein duquel un balbutiement peut faire basculer le verdict d'un côté ou de l'autre.
La justice se fourvoie quand elle perd de vue ce pourquoi elle a été organisée : faire du droit, pas de la morale.
Si, comme l'a dit Robert Badinter, le crime est "le lieu géométrique du malheur humain", la cour d'assises, qui juge les criminels, est un lieu de combat autant que de douleur. La machine à juger, telle qu'elle a été conçue au fil des siècles, oblige la défense, si elle veut se faire entendre, à imposer un rapport de force - le sien.
Je ne vais pas faire semblant de chanter les louanges de la magistrature : je me méfie de son corporatisme, de sa frilosité, de la détestation qu'elle voue au Barreau. Pourtant, il existe de grands juges; c'est le troupeau qui est petit.