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3,39

sur 79 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Nestor est énorme, mais délicat. « Il ménageait son corps lourd. Il ne lui demandait jamais d'effort superflu. Peut-être l'aimait-il quand même, cette masse de plis et de rebonds. Avec elle, Nestor se montrait charitable. » (p. 12) Nestor est une masse qui gravite sans satellite. « Mon corps m'éloigne de vous et il me tient chaud. En un mot, il m'isole. C'est un ami et un tyran. Il n'essaie pas de se rendre aimable. » (p. 22 & 23) Ses journées sont rythmées par des repas grandioses aux allures de cérémonies et par des visites mécaniques à l'hôpital. Dans une chambre anonyme, il retrouve Mélina, inconsciente et bardée de machines. Nestor n'a nulle part d'autre où aller. « Son horizon était accroché au mur. C'était une grande photo sous cadre. » (p. 13) La solitude de Nestor s'enroule autour de la photo d'un phare rouge et blanc.
Mais Nestor ne se bat pas. Il ne lutte pas contre la solitude. Il ne lutte pas contre la graisse qui l'envahit. Il ne lutte pas contre la disparition de son épouse. « Mélina meurt et je m'en fous. » (p. 24) Aveu d'impuissance, aveu de lassitude. Nestor rend les armes de la vie, de son couple et il se retire du monde. Incapable d'efforts infimes, il excelle dans un lâcher-prise extraordinaire. « Lui, c'était un homme d'excès. Un homme qui n'avait pas peur des outrances, prêt à vivre avec un corps et une mémoire démesurés. » (p. 81) Nestor voudrait fuir son passé, refouler les souvenirs et éteindre des douleurs incommensurables. Là encore il rend les armes et se laisse glisser vers le néant.
Il y a des peines que l'on voudrait muettes. En n'ouvrant pas les cahiers de Mélina, en ne triant pas les affaire de toute une vie, Nestor espère maintenir le statut quo, ne pas réveiller une conscience qui tend vers l'abrutissement. Mais auprès d'Alice, Nestor se livre, se vide. L'issue ? Il y en a trois : désormais, c'est l'auteure qui refuse de rendre les armes et qui les tend au lecteur pour qu'il continue le combat. Nestor, nous en ferons ce que nous voudrons.
Clara Dupont-Monod m'avait éblouie avec La passion selon Juette. Même effet avec son dernier roman. Nestor rend les armes est un hommage à la pudeur et à la délicatesse. La plume de l'auteure est faite d'un dénuement qui n'empêche pas une fabuleuse puissance d'évocation. On pourrait faire le tour de Nestor avec nos yeux, avec nos bras. On pourrait sentir son odeur grasse et fade. On pourrait lire dans ses yeux la douleur d'une bataille perdue. Nestor se dessine sur les pages, sa chair déborde des lignes et sa peine noie les mots. Mais son corps massif n'est pas écrasant : sa silhouette a l'allure d'une ombre chinoise, d'un dessin d'enfant. Un rien pourrait la souffler.
Ce que nous lisons, ce n'est pas un portrait, c'est une élégie. Poétique et bouleversant jusqu'au sublime, ce court roman ne se dévore pas : il se lit avec pondération, dans le respect d'une peine qui ne peut se dire que par touches.
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Avec une remarquable économie de moyens, Clara Dupont-Monod livre un portrait bouleversant sans tirer sur aucune corde du pathos. Nestor: un superman qui s'ignore.... Si elle aime les marginaux, c'est aussi pour ce qu'ils nous disent de nous, de notre regard réducteur qui ne voit pas plus loin que le bout d'une idée reçue. Trop peur de ce qu'il pourrait découvrir. «Souviens-toi de ça: nous sommes pareils», clame Nestor.

Un bien beau livre sensible et juste.

A lire absolument
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C'est donc l'histoire d'un homme, "un homme d'excès".
Cet homme obèse est de ceux qu'on peut croiser, gêné, en détournant le regard, par peur de montrer de la pitié ou de l'incompréhension face à ce qui semble être un laisser-aller. Mais cet homme-là se réfugie dans son obésité, elle lui sert de rempart face à l'adversité de la vie, comme cette photo de phare, seul élément de décoration de sa maison, à laquelle il s'accroche. (pourquoi ?)
" Son horizon était accroché au mur. C'était une grande photo sous cadre. (...) Aucun mur de la maison n'était décoré, sauf dans cette cuisine. le phare avait sa place. Nestor regardait intensément cette photo."
Cet homme-là est en fait un homme de caractère, et il a une histoire, originale, difficile. Argentin chassé de son pays par la dictature, exilé en France, il y a retrouvé et épousé une jeune femme rencontrée lorsqu'il était étudiant. Il était médecin, elle vendait des vêtements. On sent que leur vie était douce, ensemble.
"Jusqu'au drame qui inexorablement les a éloignés l'un de l'autre, au point qu'il finisse enfermé dans la rassurante forteresse de sa propre chair."
Ce drame qu'on pressent mais qui n'est révélé que dans la seconde moitié du livre les a coupés définitivement l'un de l'autre. Et pour se rassurer, se consoler, se protéger de la souffrance et du monde des vivants qu'il ne supporte plus, Nestor s'est donc mis à manger, grossir et va parvenir à son but : se couper du monde.
" Nestor s'était résigné à cet ensemble de règles qui verdit les feuilles, dicte les rencontres, massacre des vies pour en épargner d'autres (....) Il fallait s'y plier. Il n'y avait là rien à chercher, rien à comprendre, et la meilleure parade était encore d'ouvrir un réfrigérateur".
Et tandis que sa femme, Melina, se meurt à l'hôpital, maintenue en vie artificiellement tandis que Nestor semble a priori indifférent, ce dernier redécouvre leur passé par le biais des dossiers, factures, notes qu'il a entrepris de trier.
Il tombe alors sur des cahiers, écrits par Mélina, qui racontent leur vie. Et leur drame. Mais il n'ose les ouvrir...
Un jeune médecin, Alice, touchée par la détresse de Nestor, va se mettre en tête de l'aider contre l'avis de son entourage qui a du mal à la comprendre : “Pourquoi tu t'intéresses autant, à ce gros père ?” avait souri un confrère en se lavant les mains. Alice avait haussé les épaules. Il aurait fallu expliquer qu'à certains moments, une personne valide peut porter en elle l'infirmité de son conjoint. Alors, les soins prodigués à celui qui reste sont ceux qu'on donnerait à sa moitié alitée. Mais elle ne dit rien, et le confrère lui lança un clin d'oeil."
Alice va peu à peu s'immiscer doucement dans la vie de Nestor , "avec tendresse et patience", silencieuse, réalisant qu'il est en train de "rendre les armes".
Jusqu'à ce qu'une nuit...

A partir de là, l'auteure propose trois issues au roman, très différentes mais toutes les trois très belles, "comme s'il était impossible qu'une histoire aussi improbable et bouleversante finisse mal".
J'avoue que ma préférence va à la première, qui se termine sur un très beau paragraphe, et une (mini) chute...


Coup de coeur donc : un très très beau roman, une écriture ciselée et maîtrisée, profonde. Un vrai bijou que cette écriture, poétique par instants, un vocabulaire riche et humain : des phrases qui marquent l'esprit. Et une belle leçon de courage, de tolérance, d'humanité aussi : la pitié laisse place à l'empathie pour Nestor.

" Nestor voulait respirer. Ce souhait minuscule, élémentaire, buttait contre un geste simple que des milliers de gens effectuaient chaque jour. Lasser une paire de chaussures s'ajoutait à une longue liste d'inscousciances interdites. Nestor connaissait ces petites paix auxquelles il n'avait plus accès. (...) Il fallait croire qu'il y avait des élus."
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Bouleversante histoire, bouleversant personnage ...

Pas seulement l'histoire d'un homme obèse mais l'histoire d'un homme blessé par la vie . Un exilé argentin , un père... , un conjoint au chevet de sa femme dans le coma .... une rencontre avec une femme médecin ... Au fur et à mesure, on comprend pourquoi "Nestor rend les armes" .
Difficile d'en parler sans dévoiler l'histoire .
Dès qu'on ouvre le livre , on le referme qu'à la fin .
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Nestor est obèse. Enveloppé dans sa carapace de chair, il se protège du monde. Dans son cercle magique créé par sa silhouette, il veut que rien ou personne ne puisse le faire encore souffrir.
Je le dis d'emblée, ce livre est un gros coup de coeur ! L'écriture de Clara Dupont-Monod concise, empreinte de poésie, d'une finesse rare et intense m'a conquise ! Non, ce n'est pas une distribution de bons points mais ce livre est un petit bijou ! le corps de Nestor a commencé à grossir et à enfler car Nestor mange pour oublier sa souffrance. Son corps est une armure, une barrière visible qui le sépare du monde.

La suite sur :http://fibromaman.blogspot.com/2011/08/clara-dupont-monod-nestor-rend-les.html
Lien : http://fibromaman.blogspot.c..
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Clara Dupont Monod rejoint clairement le cercle de mes auteurices préférées.
Une belle écriture poétique pour décrire la lumière des personnes, des lieux et des situations qui sinon seraient seulement sordides.
Cerise sur le gâteau, ce court roman offre 3 fins possibles et tellement différentes.
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Nestor est obèse. Un gros père qui mange, pour se rassurer, se protéger, s'effacer, se sentir vivre, se punir peut être même, allez savoir. Tous les jours, il se rend à l'hôpital. Sa femme Mélina est dans le coma. Peut être va-t-elle bientôt rendre les armes. Alors Nestor se replonge dans les papiers, toutes ses "preuves" de leur existence. Leur histoire commune, leurs origines argentines, la dictature, l'exil, la rencontre, la reconstruction, le quotidien, les souvenirs, l'éloignement. Les carnets de Mélina, des lettres écrites, des envies, des regrets, de l'espoir, de la tristesse, de la colère.
Nestor est submergé, par la colère ou le doute, qu'importe, la nourriture est là. Il s'enfonce encore un peu plus dans la solitude et le repli.
Alice, médecin à l'hôpital, s'interroge sur ce couple si particulier, et s'aventure dans la vie de Nestor, et s'attache à cet homme si distant et particulier.
Cette rencontre aura bien sûr des conséquences, lesquelles, à vous de voir. L'auteure vous donne le choix.

En déroulant doucement les fils, Clara Dupont-Monod nous invite dans l'histoire de cet être en marge avec qui nous faisons véritablement connaissance. Une écriture lourde et délicate à la fois, un texte dans lequel on se blottit, où l'on apprécie chaque mot, chaque phrase, pour en saisir toute la subtilité.
C'est très fin, poétique, mais à la fois très violent et marquant.

Je n'ai pas vraiment l'habitude de lire ce genre de roman. Et ça a sans doute eu pour conséquence de m'envahir totalement. Un beau souvenir.
Lien : http://casentlebook.blogspot..
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Je choisis après quelques hésitations quand même la deuxième issue
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