« Il prend souvent à nos yahous une fantaisie dont nous ne pouvons concevoir la cause. Gras, bien nourris, bien couchés, traités doucement par leurs maîtres, et pleins de santé et de force, ils tombent tout à coup dans un abattement, dans un dégoût, dans une humeur noire qui les rend mornes et stupides. En cet état, ils fuient leurs camarades, ils ne mangent point, ils ne sortent point ; ils paraissent rêver dans le coin de leurs loges et s’abîmer dans leurs pensées lugubres.
Pour les guérir de cette maladie, nous n’avons trouvé qu’un remède : c’est de les réveiller par un traitement un peu dur et de les employer à des travaux pénibles. L’occupation que nous leur donnons alors met en mouvement tous leurs esprits et rappelle leur vivacité naturelle. »
Ils [les Houyhnhnms] avaient pour maxime que dans une compagnie il est bon que le silence règne de temps en temps : et je crois qu’ils avaient raison. Dans cet intervalle et pendant cet espèce de trêve, l’esprit se remplit d’idées nouvelles, et la conversation en devient ensuite plus animée et plus vive