« Les hommes sont des oiseaux de passage. »
William Shakespeare
J'aime les oiseaux. C'est sûrement pour cette raison que ce roman m'a tout de suite attirée.
La critique de fbalestas a fini de me convaincre et je la remercie de m'avoir conseillé cette lecture.
Présent dans la liste des romans de la dernière masse critique, j'ai demandé à le lire et j'ai eu l'heureuse surprise de le recevoir. Un énorme merci à toute l'équipe de Babélio, aux éditions La Déviation pour leur envoi accompagné d'un petit mot manuscrit et à
Chantal Dupuy-Dunier pour cette lecture proche du coup de coeur.
*
La couverture est magnifique , mais son sens m'a échappé jusqu'à la toute fin, ne comprenant pas pourquoi le pic vert s'agrippait aux barreaux d'une grue, au lieu d'un tronc d'arbre.
*
Le titre m'a également interpellée, car sujet à de multiples interprétations. L'auteure aime jouer avec le sens des mots.
La langue des oiseaux n'a aucun rapport avec l'ornithologie. Elle est une façon très subtile de jouer avec les sonorités et le sens caché des mots pour en modifier l'interprétation.
« S'appeler Sylvain Breuil n'est pas sans risque. La double étymologie sylvestre - en vieux français breuil signifie bois - recèle bien des dangers. On passe facilement de forêt à foré. Un signe redoublé redoutable. »
Mais le titre fait également référence au pic vert qui possède une langue vraiment étonnante. En effet, elle s'enroule autour de son cerveau pour absorber les percussions lorsqu'il fore, tambourine les troncs d'arbres à coups de bec. Ainsi, sa langue le protègerait des commotions cérébrales.
Les thèmes de cette histoire s'articulent autour de questions existentielles : la vie, la mort, la maladie, le passage du temps.
*
Difficile de parler de cette histoire. Roman d'ambiance, roman psychologique, il m'a touchée.
Dès les premières lignes, on sent que l'auteure nous emmène dans un autre univers, mélange de réalité, de rêve et de folie. Je me suis abandonnée à sa poésie, à l'atmosphère qu'elle a su créer, et à toute une variation d'émotions et de sensations.
Les mots s'assemblent et s'associent avec élégance et doigté, déployant tout un nuancier de sonorités et d'images.
« Dans les racines de soi,
se trouvent déjà des vers.
Les mots cheminent
au milieu du souvenir des magnaneries.
Existe-t-il un souvenir de l'absence de mémoire ? »
*
Sylvain, le narrateur de cette histoire, se passionne pour les pics verts, suite à la visite de la Maison de la Ligue pour la protection des oiseaux. Instinctivement, le jeune homme solitaire et secret ressent un sentiment de proximité qui le lie aux oiseaux, et en particulier aux picidés.
« le pic vert enroule sa langue autour de son cerveau pour le protéger contre les trépidations quand il fore les arbres. »
Cette phrase va bouleverser sa vie. Sylvain va se réfugier dans leur monde, lui qui n'a jamais connu sa mère et qui voit son père, Julien, s'éloigner inexorablement de lui, sombrant dans les méandres de sa mémoire.
« Julien se trouve, lui, dans le lieu terminal de sa conscience, un environnement aquatique où sa mémoire n'est plus qu'une coque de noix à la merci du flot des neurones. Julien Breuil devient liquide. »
Julien s'isole de plus en plus, passant ses journées à étudier l'oiseau.
« Je me trouverai.
Pouvoir se trouver implique la recherche de soi,
à travers la plume, ou les plumes… »
*
Ce roman aurait pu être banal, mais c'est alors que le récit va se teinter d'un brin de fantastique. Les pics verts vont s'inviter chez Sylvain chaque soir, perforant le papier peint pour jaillir du mur du salon et voler à travers l'appartement. Rivalisant d'agilité et de vivacité, ils s'animent devant ses yeux, offrant un festival de couleurs et de grâce.
« Ce rendez-vous est devenu tellement essentiel dans sa vie qu'il ne peut imaginer ce qu'il deviendrait si, à son retour, les pics verts ne réitéraient plus leur fascinant carrousel. »
*
Attirée autant par la couverture du roman que par son titre, j'ai également été charmée par l'écriture lyrique de l'auteure et l'étrangeté de ce roman. En effet, j'ai été troublée durant cette lecture, ne sachant pas trop dans quel univers je me trouvais. Mais c'est ce trouble, ce mystère auréolé de poésie qui m'a séduite.
Chantal Dupuy-Dunier a réussi à m'emporter dans son monde, à la fois onirique et intrigant.
Un beau moment de lecture, une écriture à découvrir.