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Critique de ODP31


Dans sa fosse commune, Mozart doit vanter les mérites de sa veuve auprès de son orchestre de dépouilles anonymes durant cet interminable entracte.
Alors qu'elle n'occupait qu'un second rôle dans le film de Milos Forman, Constance Mozart vole la vedette à son génie de mari dans cette biographie, récit érudit de réhabilitation.
Génie de la musique mais pas des affaires, Wolfgang laisse derrière lui une oeuvre et des dettes. Sa veuve doit écouter la partition des huissiers, de la musique de chambre…vide, et les sifflets de sa belle-famille, avec la charge de deux enfants en bas âge.
Bien qu'anéantie par le chagrin, couchant avec le masque mortuaire de son défunt, la jeune femme va sortir de l'ombre et consacrer le reste de sa vie à rendre Mozart immortel. Cela relève presque de la mythologie grecque.
Obsédée par la postérité et la reconnaissance, elle n'aura de cesse de faire connaître le répertoire de Wolfi de façon obsessionnelle en multipliant les concerts et en montant elle-même sur scène pour chanter ses oeuvres les plus fameuses. Elle fera bâtir un musée, obtiendra de Franz Xaver Sübmayr la composition du dernier tiers du célèbre requiem inachevé pour honorer une commande et elle saura jouer quelques airs de flûte désenchantée, ou plutôt de pipeau, pour obtenir une rente impériale.
Chienne de garde enragée dès que quelqu'un écorne le mythe où la freine dans ses projets à la gloire de son Amadeus, elle imposera à l'un de ses fils, qu'elle rebaptisera Wolfgang II, une destinée de musicien pour que la dynastie perdure.
Dans son combat, elle pourra compter sur un compositeur ami, Joseph Haydn et sur son second mari, Georg Nikolaus von Nissen, diplomate et écrivain danois qui l'aidera davantage à écrire la biographie de Mozart qu'à réchauffer sa couche. Rien ne doit être laissé au hasard et au diable l'objectivité.
Sur la forme, Isabelle Duquesnoy imagine avec habileté un courrier « testament » que Constance adresse à l'un de ses fils pour lui faire le récit de sa vie. Elle ne demande aucun pardon à un enfant qui n'a eu droit qu'à des abats d'amour et restes d'affection mais elle s'efforce de donner du sens à l'oeuvre de sa vie de sacrifice.
Plus qu'une biographie labellisée par la prestigieuse Fondation internationale Mozarteum, qui souligne le sérieux du propos et du travail de recherche d'Isabelle Duquesnoy, ce récit est un plaidoyer en faveur de cette veuve à poigne, habile et courageuse.
Si le sujet peut paraître austère, réservé aux intellectuels amateurs de poussière, le talent de conteuse de l'auteure, la richesse des anecdotes et la force du personnage rendent la lecture passionnante.
Les faits décrits sont réels mais le récit est romancé car Isabelle Duquesnoy, restauratrice d'art et ici de mémoire, présente sous le meilleur jour Constance et lui pardonne un peu trop aveuglement ses défauts et ses rancunes tenaces. Salieri rase les murs et Beethoven a les oreilles qui sifflent.
Est-ce que derrière ce dévouement exemplaire ne se cachait pas non plus un peu de vanité et la volonté d'étancher sa propre soif de gloire ?
Au final, Isabelle Duquesnoy reproduit avec talent pour Constance Mozart, ce que cette dernière fit pour que jamais ne s'éteigne feu son génie de mari.
La veuve de la veuve Mozart.
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