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EAN : 9782732483542
528 pages
Editions de la Martinière (17/08/2017)
4.02/5   440 notes
Résumé :
Après la Révolution. Pour échapper à son affreuse mère et séduire la ravissante Angélique, Victor Renard, jeune homme au physique disgracieux, apprend le métier d'embaumeur aux côtés d'un maître bienveillant.
Il découvre le commerce des organes, l'art de momifier le cœur des défunt que les artistes peintres s'arrachent pour en faire des pigments.
Où l'on découvre que certains tableaux de nos musées nationaux, ont été peints avec le sang des rois de Fra... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (123) Voir plus Ajouter une critique
4,02

sur 440 notes
Victor est condamné.
Avant son exécution, il relate son histoire façon Contes des mille et une nuits devant ses futurs bourreaux et un public toujours avide de voir la déchéance des autres.
Certaines tricotent même. Un peu comme avec un audio-book, sauf qu'elles ont l'image aussi.

Victor commence par relater la mort de son père, alors qu'il avait tout juste 15 ans. Celui-ci jouait du serpent dans les églises, pour accompagner les choeurs quand l'orgue manquait.
Il était aussi mandé par des particuliers pour certaines cérémonies.
Bref, il est mort, on va pas passer le réveillon là-dessus.

Il laisse une femme éplorée, dont la douleur est plus que touchante et ne peut laisser personne indifférent.
Mais non ! Je plaisante, rangez vos Kleenex !

Le seul qui aimait et regrette son père, c'est Victor.
Il l'aimait autant qu'il le craignait, du reste, parce que le vieux n'était pas tendre. Les coups pleuvaient, les insultes aussi, la culpabilisation surtout pour les choses dont le gosse n'était pas responsable.

Vous allez me dire : heureusement qu'il pouvait se consoler dans les bras de sa maman...
Non plus. Une teigne, un monstre, cette Pâqueline.

Pour ses parents, Victor avait tué son frère jumeau, le préféré, bien que mort-né, en l'étranglant avec le cordon ombilical.
Mais il en a été bien puni puisque affecté par un torticolis congénital, ce qui lui vaut tout un tas de petits surnoms par sa chère "maman".

Victordu, Victorgnole, Victorieux trou du cul, Victorchon, Victortillon, Victordant, Victorticolis, Victornade, Victord-boyau, Victorve...
Tous plus affectueux les uns que les autres.
Retenez-les, y aura interro.

Je ne vais pas vous décrire toutes les épreuves par lesquelles le gamin passe, mais entre les mains de l'horrible marâtre, c'était pas folichon tous les jours.

Ses moments de joie, quand il allait chez son oncle et sa tante. Ledit oncle était pâtissier.
Enfin à l'époque, c'est pas du tout un marchand de gâteaux, mais un fabriquant de pâtés, viande et tout le toutim.

Le mec qui rend service par exemple à la confectionneuse de crucifix et chapelets en lui donnant des os.
Non mais franchement, il faut le lire, c'est très intéressant.

C'est d'ailleurs chez son oncle, un jour où celui-ci s'est absenté, que Victor tombe amoureux de la magnifique Angélique (laquelle venait voir le pâtissier pour faire réparer le talon de sa chaussure).

Question études, le gosse va dans un pensionnat à un moment. Pas non plus un long fleuve tranquille.
Parce que voyez-vous, les vêtements, l'apparence en général, le comportement, sont très visibles entre les pauvres et les riches, et curieusement, il n'est pas de bon ton d'être pauvre.
Partout, d'ailleurs, pas juste au pensionnat. Alors les regards moqueurs et dédaigneux, les remarques blessantes... nul besoin de dessin.

Victor survit à tous les coups du sort et de sa mère, une existence rythmée par les coups de son pied sur le plancher quand celle-ci est assise, occupée par la confection de poupées.
Alors là, vous vous dites qu'elle a la Danse de Saint-Guy (appelée aussi Chorée de Sydenham par les plus calés d'entre nous), la charmante femme..
Eh bien vous avez raison, et j'ai à peine soufflé.

Où j'en étais moi ?
Ah oui !
Comme le titre l'indique un peu, Victor trouve du travail chez un embaumeur.

L'homme est très gentil, patient, et prend Victor sous son aile. Un peu comme un fils.
Et notre héros reçoit enfin l'affection dont il avait tellement besoin.
Monsieur... je sais plus son nom... lui fait bientôt confiance et lui enseigne toutes les ficelles du métier, ainsi que ses secrets pour se faire de l'argent.

Je vais arrêter de raconter, ça va vous lasser et puis vous devez lire ce livre.

Isabelle Duquesnoy m'a encore embarquée dans son récit palpitant, malgré le nombre de pages.
Un roman historique qui se passe au début de la Révolution. Les grosses têtes tombent, les plus petites aussi. (je sais, c'est pas drôle, mais Victor me manque déjà).

Ne passez pas à côté de ce livre passionnant, instructif, et magnifiquement écrit.
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" Je sais que ma condamnation est décidée, le récit des circonstances de mon forfait n'est, à vos oreilles, qu'un divertissement puisque vous en connaissez la fin ; vos gens m'ont surpris en flagrant délit. L'histoire de ma vie, ce sentier qui m'a conduit à commettre ma faute, ne servira qu'à persuader les foules de ma monstruosité. de quoi vous combler, vous divertir, car les affaires comme les miennes se raréfient."

Dès les premières lignes, le lecteur plonge dans les confessions impudiques de Victor Renard qui dévoile tout de sa vie aux juges dans l'espoir d'éviter la guillotine en plein Paris révolutionnaire. Suspense oblige, ce n'est qu'à la fin que l'on découvre la nature de l'accusation.

Le démarrage de ce roman historique est assez formidable, totalement immersif, mais j'ai trouvé que l'intrigue en elle-même s'étirait trop, la faute sans doute au manque d'empathie que j'ai ressenti pour notre accusé – narrateur ( c'est finalement le personnage d'Angélique, son amoureuse prostituée qui m'a le plus convaincue et intéressée ). J'aurais du pourtant m'attacher à ce héros martyrisé par une mère complètement hystérique et mauvaise, malmené par la vie, la subissant pendant très longtemps avant de la prendre en main. J'ai parfois un peu décroché ou du moins je n'ai pas été captivée autant que j'aurais du l'être, pas si curieuse de cela de savoir ce qu'avait fait Victor.

Mais je me suis régalée de tout l'arrière-fond historique, de la peinture des moeurs en cette fin XVIIIème : au coeur de la folie révolutionnaire. Paris perd ses lumières et sa raison. Surtout, j'ai été estomaquée de découvrir les usages mortuaires pour le moins étonnants de l'époque autour de la pratique millénaire de la médecine des morts. Trafic de dépouilles, commerces d'organes et notamment des coeurs embaumés des rois et reines de France lorsque leurs tombeaux ont été profanés et pillés en 1793. Incroyable, de nombreux tableaux de nos gentils musées ont été peints en partie à partir de pigments bruns obtenus par broyage de ces organes embaumés appelés « mumies », sans qu'aucune mention n'en informe le visiteur. Par exemple, l'oeuvre Intérieur d'une cuisine de Martin Drölling a utilisé des fragments des coeurs de Louis XIII, d'Anne d'Autriche et de Marie-Thérèse d'Autriche !

Isabelle Duquesnoy est diplomée d'histoire des arts et de restauration du patrimoine, elle s'est parfaitement documentée. Avec sa plume très travaillée, très dix-huitièmiste, elle retranscrit parfaitement cette époque et sait mettre son savoir à la portée de tous. C'est souvent très cru voire glauque mais toujours truculent.
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Nous sommes sous le Directoire, juste après la Terreur. Victor a une vingtaine d'années : il est embaumeur à Paris et nous relate sa vie et les évènements qui l'ont amené devant la Justice, dans ce procès dont nous sommes le public et dont nous savons juste qu'il doit aboutir à son exécution.


Enfant détesté de ses parents, en particulier de son épouvantable mère qui le poursuivra toute sa vie de ses méchancetés, Victor rencontre enfin la bonté en la personne de Monsieur Joulia, son maître d'apprentissage, qui lui transmet avec patience les rudiments de son métier : l'embaumement des morts. Pour Victor, c'est le début d'une bonne fortune, qui finira pourtant par se retourner.


Tout au long de sa narration, Victor interpelle directement le lecteur, qui se retrouve assis au milieu du public venu assister aux audiences. Sur un ton truculent débordant d'humour noir, il nous relate son métier et, au travers des mille anecdotes et détails de sa vie, parfois très glauques, ce sont toutes les moeurs de la société de son époque qui se dessinent peu à peu, dans un récit piquant et pittoresque, souvent drôle et étonnant. Victor est un véritable conteur qui sait tenir son public en haleine : jamais l'intérêt ne se relâche et le rire est souvent au rendez-vous.


Ce livre admirablement documenté, au style ciselé qui parvient à merveille à évoquer le langage de l'époque, se lit avec délectation. Il nous fait revivre l'Histoire au travers des mille détails de la vie quotidienne, parfois triviaux, mais tous constitutifs d'une réalité et d'une certaine conception de la vie et de la mort. Alors, oubliez vite vos repères contemporains et laissez vous entraîner dans cette plongée captivante dans l'ordinaire de la fin du 18e siècle : un ordinaire qui ne manquera pas de vous estomaquer.
Au delà du coup de coeur.


Petite prolongation sur l'embaumement des rois et le brun de momie utilisé en peinture, avec ma rubrique le coin des curieux, à la fin de ma chronique de L'embaumeur sur mon blog :
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com/2019/05/duquesnoy-isabelle-lembaumeur.html

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Victor renard, une vie... Une vie qui aurait pu ne présenter aucun intérêt aux yeux du lecteur, pauvre Victor, qui commença sa vie en se voyant accusé d'avoir tué son jumeau, Isidore… Victor, qui devait naître et vivre malgré tout, c'était le destin que sa Paqueline de mère avait bien tenté de réduire à peau de chagrin, en vain, il était accroché à la vie le victo-rieux. Son sonneur de serpent de père mourant d'un fâcheux accident de labour qui donne le ton et promet un humour noir bien décapant, Victor passe son enfance à esquiver les coups et entendre les insultes de sa génitrice pour qui ce pauvre enfançon n'est qu'une bouche à nourrir.

Et Victor emprisonné dans un lugubre cachot, se confesse, autant à ses juges qu'au lecteur… mais quel crime a -t-il donc commis ? On le saura… à la toute fin du récit, ce qui ne manquera pas de faire trépigner d'impatience face à ce récit d'une vie semée d'embûches, on lira en se demandant : mais que diable a-t-il fait ??? Question qui m'a hantée tout au long de ma lecture, hantise atténuée par le récit lui-même, fort sympathique et porteur d'une bonne culture historique que l'on doit à cette autrice qui n'a pas ménagé sa peine pour produire un roman si bien documenté.

On y côtoiera la Paqueline, sujet du tome suivant à elle seule, personnage cruel et sans finesse, capable des pires méchancetés (j'ai hâte de lire la suite !),

Angélique, la « vertueuse » jeune fille qui ne montre de vertu que lorsqu'elle est accompagnée par maman, et qui jouera un rôle certain dans la vie de Victor,

Franz, ami de Victor...Peut-être… et l'embaumeur... qui enseignera à Victor, l'art de pomponner un défunt.


Si comme moi, vous aimez l'histoire, période Directoire on l'on croise quelques Incroyables et Merveilleuses, si vous avez soif d'humour noir, si vous aimez le suspens, jetez-vous sur l'embaumeur, vous ne le regretterez pas !
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Voulant absolument lire « La Pâqueline ou les mémoires d'une mère monstrueuse » d'Isabelle Duquesnoy, je me suis plongée avec délectation dans le premier tome, celui de « L'embaumeur ».
Au final, j'en ressors enchantée. L'auteure a consacré près de dix ans à écrire un roman riche, truculent, admirablement bien écrit.
*
Victor Renard a commis un acte odieux pour lequel il est jugé, un délit dont le lecteur n'a pas connaissance, mais assez grave pour risquer la guillotine ou la pendaison.
« Je sais que ma condamnation est décidée, le récit des circonstances de mon forfait n'est, à vos oreilles, qu'un divertissement puisque vous en connaissez la fin ; vos gens m'ont surpris en flagrant délit. L'histoire de ma vie, ce sentier qui m'a conduit à commettre ma faute, ne servira qu'à persuader les foules de ma monstruosité. »
*
Ce roman retrace les onze jours de son procès.
Le public se bouscule pour assister à l'audience, le lecteur étant aux premières loges pour profiter du spectacle.
Souhaitant obtenir de ses juges un peu de compassion, souhaitant peut-être aussi reculer le moment de son trépas, on ne peut que le comprendre, Victor ne ménage pas ces efforts pour expliquer ce qui l'a amené à cet acte horrible. Il retrace avec beaucoup de détails son parcours, depuis sa naissance jusqu'à cette affaire pour laquelle il est jugé. Voyeurisme, curiosité malsaine, fascination morbide. Son récit est addictif et instructif.
Durant tout le récit, je me suis demandée quel crime il avait pu commettre pour penser mériter une condamnation à mort. Et durant tout le récit, les hypothèses s'accumulent, distillant le suspens jusqu'au bout, pour le plus grand plaisir du lecteur.
*
L'auteure a mis tout son talent pour composer des portraits originaux, particulièrement bien dépeints.
Affublé de nombreux surnoms ridicules, Victordu, Victorgnole, Victorve, Victorchon pour n'en citer que quelques-uns, Victor, le narrateur, se décrit tel que ses parents l'estiment. Ces déplaisants sobriquets dépeignent l'attitude malfaisante, haineuse et cruelle de ses parents.
« Assassin, fratricide, coucou, imbécile, voleur, tordu, vermine, j'étais tout cela depuis ma naissance. »

J'ai eu envie de m'attacher à Victor, vraiment, mais je ne sais pourquoi, je n'ai pas pu complètement.
Sa vie n'a pas été tendre, et malgré tout, il a de vraies valeurs. A certains moments, j'ai ressenti de l'empathie pour lui, mais les horreurs qu'il décrit avec froideur et détachement n'en font pas un personnage aimable, avenant.

Sa mère, la Pâqueline, est une femme grossière et méchante comme une teigne, qui éprouve une forte répulsion pour son fils. Son père est un être envieux, irascible et violent qui le martyrise au moindre faux-pas.
Elevé sans affection, sans amour, Victor, le fils au physique fragile et ingrat, ne rêve que d'arracher le coeur sa mère et de l'embaumer.
« Oui, je l'admets : je rêvais fréquemment au trépas de la Pâqueline. Je ne détestais point l'idée d'embaumer ma propre mère ; avec une délectation honteuse et malsaine, je me voyais fort bien ôter son coeur, le peser et constater que, conformément aux écritures antiques, le boyau pesait moins qu'une demi-livre de grains à poules faute de s'être gonflé des vertus et des bonheurs que les bonnes personnes unissent et sentent battre très fort dans leur poitrine. »
Quelle charmante famille !
*
Pour échapper à sa misérable vie, Victor va devenir embaumeur. Son maître lui apprendra les bases de l'embaumement, des rites mortuaires et par la même occasion nous instruira des différentes techniques de conservation des viscères. Isabelle Duquesnoy, par ses descriptions sur l'embaumement des corps, m'a permis de découvrir le monde de la thanatopraxie et des soins apportés aux corps pour retarder provisoirement leur décomposition. Mélange d'obscénité, de répulsion et d'attirance, d'odeurs de putréfaction, mélange étrange de sensations.
*
Le fond historique est aussi passionnant. Ce roman est incroyablement bien documenté sur les croyances et les moeurs parisiennes au XVIIIème siècle. L'auteure, diplômée d'Histoire de l'Art, a si bien écrit ce premier roman que l'arrière-plan historique ne nuit pas à l'intrigue, mais au contraire, la rend captivante et savoureuse.
On se croirait plonger au lendemain de la Révolution française, dans cette ambiance orageuse, dans ce décor fait de ruelles sombres, sordides et malfamées dont les odeurs nauséabondes prennent à la gorge, soulèvent le coeur, donnent la nausée.
J'ai été très intéressée par un fait méconnu, celui des « mumies ».
*
Ce que je retiendrai aussi de ce roman, c'est cette écriture pleine d'humour. Un humour caustique, décapant, très noir, très ironique servi par des personnages hauts en couleur.
Les dialogues entre la mère et le fils sont souvent savoureux de cruauté, voire de sadisme. J'ai vraiment apprécié le détestable personnage de la Pâqueline. Dans son rôle de méchante, elle est vraiment extraordinaire. Elle est détestable, et plus rarement, elle est émouvante dans sa solitude et sa tristesse.
*
Vous l'aurez bien compris, j'ai passé un très bon moment à lire les confessions de Victor.
Le choix affirmé de l'auteure de traiter de sujets graves et sérieux sur le mode de l'esprit plein d'un humour grinçant est une grande réussite.
J'ai adoré le style de l'auteure, un peu précieux et suranné, ce mélange d'écriture recherchée, vulgaire, morbide. J'ai aimé ces sensations contradictoires, ce mélange de fascination et de répulsion, d'empathie et d'aversion.
Et je n'ai maintenant qu'une hâte, c'est lire la suite, centrée sur ce personnage charismatique et fortement désagréable qu'est « La Pâqueline ».
*
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critiques presse (1)
LaPresse
02 octobre 2017
Dans son roman historique, Isabelle Duquesnoy dépeint les moeurs du Paris de la Révolution à travers les yeux d'un jeune homme au banc des accusés.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (80) Voir plus Ajouter une citation
Catholiques, protestants, calvinistes et autres...
Que faire de vos défunts lorsque la Grande Faucheuse a frappé votre foyer ? Les nouvelles sciences nous enseignent que la proximité d'un corps nuit gravement à la santé des enfants et des biens portants. Les maladies augmentent par la chaleur selon les mois de l'année et par les chandelles de veillée, alors chacun s'empresse d'enterrer son mort. Hélas ! De nombreux cas d'enterrements de personnes vivantes se sont produits !
LE CABINET JOULIA-RENARD vous assure contre ce risque en conservant deux ou trois jours le défunt dans ses chambres mortuaires. Notre surveillance quotidienne est la seule garantie contre l'enterrement d'un vivant !
De nos jours qui ose se présenter à la porte d'un salon sans fard , mal fagoté, sans esprit ni réputation ?
Nous sommes nombreux à rectifier notre mise dans le miroir de l'antichambre avant toute présentation : une cravate mal nouée, un fard rance, et c'en est fini du bel effet que l'on escomptait produire.
LE CABINET JOULIA-RENARD prend soin de votre tournure pour réussir l'épreuve de passage des portes du Paradis : habillage, fardage, camouflage des plaies, vos défunts sont présentés coquets et gracieux devant l’Éternel !
Pour vous familles aisées, souhaitant faire ôter le coeur de vos défunt pour les déposer dans une urne à l'intérieur de votre chapelle privée, ou dans l'oratoire de votre fief, LE CABINET JOULIA-RENARD se cahrge de cette opération et de l'acheminement des viscères momifiées?
Pour les plus modestes, nous proposons plusieurs choix de gardiennage, de fardage et de conservation.
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Angélique au visage de madone rajustait le foulard bleu pâle noué dans ses cheveux. Ses boucles soyeuses habillaient sa gorge blanche. A mon tour, je me sentis jaloux. Jaloux des petites mèches folles qui, agitées par une légère brise, frôlaient son front et faisaient battre ses paupières. Jaloux de sa main pâle qui les rejetait en arrière. Jaloux du bras de sa mère, qu'elle agrippait nerveusement, froissant l'étoffe de sa manche.
Et soudain, je me souvins que j'étais laid. Laid et, de surcroît tordu.
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J'allais donc périr, sans avoir jamais réalisé le moindre rêve. Tout le monde a des rêves, non ? Vous tous ici, vous êtes bien nourris d'espoirs extravagants qui paraissent dérisoires à d'autres, n'est ce pas ? S'élever dans la nacelle d'une montgolfière, par exemple, et contempler la ville par-dessus ses forêts de cheminées, ou porter une montre Lépine à la boutonnière de votre gilet... que sais-je ? Mes regrets et mes rêves étaient modestes, et cela me rendit encore plus triste car ils étaient parfaitement réalisables ; je m'étais juré de capturer un poisson à mains nues, de m'enfouir dans les cotillons d'une fille, traire une brebis, me torcher le cul de coton ou de mousse verte, pareil à Louis XIV, et ainsi boucher le cabinet de ma mère. J'ambitionnais de connaître les astres, lire l'avenir dans les étoiles, devenir riche ou célèbre en me distinguant par une brillante action, d'approcher la mer, dont on dit que les courants sont plus rapides qu'un étalon au galop, me saouler d'un vin rare et cher, puis goûter une curiosité laiteuse et puante que l'on nomme camembert...
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Autrefois, mon père se flattait d’acheter sa poudre à perruques et son fard aux bons faiseurs ; il ignorait qu’ils y fondaient des balayures de bois vermoulu. Plus tard, comme ce fard lui racornissait la peau et n’était plus guère utilisé que par les vieux coquets royalistes ou par quelques fous suicidaires, il l’avait abandoné et remisa ses postiches dans une boîte où grouillaient la vermine et les poux.
- Je ne vais pas risquer de me faire casser la gueule en passant pour un aristo ! avait-il déclaré en rangeant ces accessoires.
- Ah, bon ? avait répliqué ma mère. Mais sans perruque poudrée, on te prendra pour un révolutionnaire !
Mon père était prompt à l’agacement, surtout lorsque sa femme le contredisait.
- Pauv’fille ! assura-t-il. Tu n’as rien compris : il vaut toujours mieux se ranger aux côtés du plus fort. Je marche à pied et non en chaise à porteurs. Je suis musicien, ma veste est lustrée aux coudes, fermée par dix boutons dont un manquant, et je rase les murs lorsque je croise une bande de jeunes pourvus d’une canne ou d’un gourdin. Je n’expose nulle part mes croyances politiques et je n’ai qu’un maître : Dieu.
- Johann, je ne te reconnais plus ! s’était-elle écriée sur un ton de désespoir. Le peuple a pété les clôtures des grandes maisons pour s’en faire des armes et on jette encore les carrosses au feu ! Tes ouailles seront bientôt tellement ruinées qu’elles s’habilleront en peaux de souris. C’est cela, que tu appelles le côté du plus fort ?
- Jusqu’à nouvel ordre, oui. Ça bâfrait sur des tables en marqueterie, mais ça pignochait le prix de mes musiques. Je suis ravi, vois-tu, qu’on crève dans les salons après avoir dépensé trente-six millions de livres pour gaver cette bande de bras cassés !
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J'allais donc périr, sans avoir jamais réalisé le moindre rêve. Tout le monde a des rêves, non ? Vous tous ici, vous êtes bien nourris d'espoirs extravagants qui paraissent dérisoires à d'autres, n'est-ce pas ? S'élever dans la nacelle d'une montgolfière, par exemple, et contempler la ville par-dessus ses forêts de cheminées, ou porter une montre Lépine à la boutonnière de votre gilet...que sais-je ! Mes regrets et mes rêves étaient modestes, et cela me rendit encore plus triste car ils étaient parfaitement réalisables : je m'étais juré de capturer un poisson à mains nues, de m'enfouir dans les cotillons d'une fille, traire une brebis, me torcher le cul de coton ou de mousse verte, pareil à Louis XIV, et ainsi boucher le cabinet de ma mère.
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