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sur 702 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Marguerite Duras a l'écriture courante, « pressée d'attraper les choses » car quand on écrit, on oublie, disait-elle. Et c'est vrai. On atterrit pas avec ce livre. Jamais on se plonge. C'est ça qui rend magnétique, hypnotique son écriture. Elle écrit comme elle parle. Avec ce débit-là. On l'entend lire dans la tête.

Le style de Duras me fait penser aux propos de Roland Barthes dans le Plaisir du Texte. Il compare la littérature classique au roman moderne. Dans la littérature classique nous sommes distraits parfois, les descriptions, le décor prenant une place telle que nous avons une lecture pressée d'ôter les vêtements du texte pour arriver à la « satisfaction romanesque », alors que dans le roman moderne on ne peut pas faire l'économie de cette lecture totale du texte, autrement nous n'y trouvons pas le plaisir.
Chez Duras il n'y a que la moelle.
Les phrases sont courtes, se répètent, le propos tantôt est définitif (péremptoire pourraient dire quelques critiques), tantôt très incertain, comme la mémoire qui trahit son doute, qui réécrit sans cesse, qui invente pour combler les trous de gruyère des souvenirs d'Asie.

Le monologue intérieur, nous dit à nouveau Roland Barthes, est en dehors de la phrase, il est comme un bruit de fond dans un café, jamais il ne fera phrase, c'est ainsi pour Duras qui confessait : « des mots d'abord » et la phrase s'attache aux mots « comme elle le peut ».
Sa syntaxe même est impayable, plusieurs fois on se prend à relire une phrase : « ce n'est pas français » se dit-on.
Elle joue avec le sens, se contredit, fait sienne la langue, c'est en cela qu'elle est une (grande) écrivaine.

L'histoire de l'Amant de la Mandchourie est une réécriture « en cas de film » de l'Amant, prix Goncourt 7 ans plus tôt, en réaction à l'adaptation cinématographique que l'auteure jugea insatisfaisante.

C'est une oeuvre scénaristique autant que littéraire. Les descriptions sont sommaires et la place est toute faite à l'image et au dialogue. On sait plus bien si c'est le jour ou la nuit, s'il lui a dit cela ou si c'est elle qui l'a dit. Parce que peu importe. C'est ça qui importe. Il y a tout un jeu entre la certitude et l'incertitude qui déstabilise opportunément le lecteur.

« Je ne suis pas allée au Lycée aujourd'hui. Je préfère rester avec toi. Hier non plus je n'y suis pas allée. Je préfère rester avec toi pour parler ensemble. » Ça commence en Indochine française, avec l'enfant au chapeau d'homme, le bac sur le Mékong, la Léon Bollée avec chauffeur.
C'est une oeuvre initiatique, la première fois. Elle rit de ça ; de ce scandale-là. Ce rire est comme un exutoire, un anticyclone, après la mousson des pleurs et des piastres et avant un autre scandale, familial. Duras aborde son entrée dans l'adolescence sous l'empire des sens.

C'était les corps communicants. Les « mains miraculeuses » du chinois. Hélène Lagonelle. Les frères. Sadec. La garçonnière. Ce sera la jouissance. Pas d'hédonisme joyeux. Une jouissance qui nait sur un sol moite et infertile, un cri dans la nuit. Duras raconte « le désespoir du bonheur de la chair. »
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A tous ceux qui ont aimés « un barrage contre le Pacifique » ( 1950) et « l'Amant » (1984), je n'ai qu'un mot à dire LISEZ ce dernier opus paru en 1991, cinq ans avant le décès de son auteure.
Quel livre émouvant, le plus beau pour moi, épuré, allant à l'essentiel de cet amour qui a marqué à jamais Marguerite Duras. Quelle émotion de la lire, celle qui au soeuil de sa vie nous livre sa vision presque cinématographique , faisant référence au fait que l'enfant sait déjà qu'elle écrira cette histoire, car « même après la mort, il y aura des livres pour raconter, car ce n'est pas possible autrement ».
On sent dans ce denier ouvrage, la réconciliation avec la mère, si éprouvée, ruinée par les gens du cadastre, qui lui ont vendus un terrain entre « montagne et mer » qui sera sa perte. L'enfant comprend tout d'elle, son combat perdu et la souffrance d'avoir entraîné ses enfants dans ce désastre. On ressent l'amour trouble pour le petit frère, pour Thanh et Hélène Lagonelle son amie de la pension Lyautey. On revoit les lieux, la maison de la mère, le lycée à Saigon, la garçonnière de l'amant chinois et sa Léon Bollée noire.
Et surtout on est pris d'émotion par cette écriture épurée, qui va à l'essentiel , pour nous décrire, ce lien si particulier et si fort entre le chinois et l'enfant.
« Ils se regardent, se regardent jusqu‘aux larmes. Et pour la première fois de sa vie elle dit les mots convenus pour le dire -les mots des livres, du cinéma, de la vie, de tous les amants.
-Je vous aime. 
Le chinois se cache le visage, foudroyé par la souveraine banalité des mots dits par l‘enfant. Il dit que oui, que c‘est vrai. Il ferme les yeux. Il dit tout bas : je crois que c‘est ça qui nous sera arrivé.».

A emporter sur mon île déserte.
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Bien qu'il faille se garder de chercher dans la vie d'une écrivaine, ou d'un écrivain, la source de son oeuvre romanesque (Proust l'écrit si bien dans son Contre Sainte-Beuve), il est parfois utile de comprendre les circonstances de son écriture.
C'est le cas, me semble-t-il, ici. Marguerite Duras, après avoir connu, en 1984, avec l'Amant, le succès, la reconnaissance, certes tardive, par le Prix Goncourt, n'a pas pu suivre, en raison d'une maladie grave, l'adaptation cinématographique du livre faite par Jean-Jacques Annaud. Elle n'appréciera pas celle-ci (il est vrai qu'Annaud n'est pas un cinéaste connu pour sa finesse psychologique), et réécrira fiévreusement l'histoire en 1991 (poussée aussi par la nouvelle de la mort de son amant chinois en 1990), dans un style propre à une adaptation cinématographique, avec des notes en ce sens et même à la fin du livre, une trame pour un scénario.

J'ai lu L'Amant il y a longtemps et je ne peux pas, il faudrait que je le relise, comparer en toute objectivité ce dernier avec L'Amant de la Chine du Nord.

Celui-ci m'est apparu comme une remémoration bouleversante d'une première passion, dans sa crudité et aussi son ambiguïté, j'y reviendrai.

Duras, avec une écriture simple, une abondance de dialogues et de détails, m'a donné l'impression de vouloir revivre ce moment unique de son existence, pour que tout ne soit pas perdu, de nous faire ressentir le coup de foudre entre cette adolescente de 15 ans et ce chinois de 27 ans, le déchirement du jeune chinois contraint aux règles de sa société, de sa famille très riche qui a d'avance programmé avec qui et quand il va se marier.
L'éveil de la sensualité débordante de « l'enfant » ( c'est ainsi que se nomme Marguerite Duras), qui s'exprime surtout avec son amant si délicat et sensible, mais aussi avec son amie Hélène, le serviteur Thanh, et même son frère Paulo, est décrit par ces petites touches si spécifiques du style durassien, mais avec tant de sincérité parfois crue qui peut déconcerter, Duras ne juge pas.

Et puis il y a cette famille, la mère désemparée devant ces enfants, surtout l'ainé, Pierre, violent et opiomane, qu'elle se résout à éloigner de son autre fils Paul dit Paulo, la mère ruinée par l'escroquerie de l'achat de terres incultivables, mais qui lutte avec énergie. La mère qui voudrait que sa fille épouse un homme riche pour soulager la charge de sa famille, et Duras nous laisse dans l'incertitude de savoir si la liaison de « l'enfant » avec le jeune Chinois très riche, n'est pas, au départ, intéressée. Cette ambiguïté des sentiments touche d'ailleurs beaucoup de protagonistes de l'histoire, le chinois, la mère.

C'est un récit magique, très visuel, centré sur les personnages, leurs sentiments, dans une atmosphère de chaleur et de mousson, mais peu de description des lieux.
Ce sont l'éveil des sens et la passion, avec ses rires et ses pleurs, qui l'animent de bout en bout, et c'est magnifique.

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Ah Duras, on aime ou on déteste, je pense. Moi j'adore. Et ce livre-ci particulièrement. Il y a cette écriture si spéciale, cette sensualité, les gestes écrits qu'on imagine tout aussi bien sous l'angle d'une caméra, cette moiteur asiatique.

Enfin, tous les ingrédients pour un grand Duras. Cela l'est.
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J'ai lu ce livre lorsque j'étais jeune étudiante ..il m'a marqué .Il peut paraitre banal ..mais pour moi il m'a fait découvrir cette vie dans une colonie française d'Asie ..dans cette ville Saigon .
C'est l'autobiographie de Marguerite Duras.elle nous livrera tout .
Son histoire d'amour impossible alors qu'elle est âgée de 15 ans avec un richissime Chinois ....c'est son "amant de Cholen".Lui il n'a pas le droit de l'aimer car de part sa tradition il devra se marier avec un Chinoise et suivre la tradition.
Marguerite découvrira la sexualité jeune, ainsi que les transformations de son corps alors qu'elle n'est seulement âgée de 15 ans.Elle ne recollera jamais et ira jusqu'au bout comme si elle avait toujours besoin de plus ..comme si l'addiction au sexe provenait d'une carence affective .
C'est une jeune fille assez solitaire qui se met à l'écart de sa famille .Elle a une bonne amie au pensionnat où elle réside la semaine.
La famille de marguerite , est très modeste .Le père est absent , la mère est débordée .Elle a un frère ainé , le préféré de sa mère qui est accroc à l'opium ..il ruinera sa mère et volera la famille.Son frère cadet qui est très proche de Marguerite est fragile, Marguerite aime danser avec lui et le protège car elle connait le contexte familial.
C'est comme s Marguerite retrouvait une sérénité , une image paternel avec ce Chinois.
Ce livre m'a touché car je l'ai lu jeune ...
C'est une belle autobiographie selon moi , même si l'enfance et l'adolescence de Marguerite n'a pas été des plus joyeuse....
Elle a trouvé des mécanismes de défense pour se protéger d'un frère violent et d'une mère non aimante .
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Marguerite Duras écrivit l'Amant de la Chine du Nord après la sortie de l'adaptation cinématographique de l'Amant, par Jean-Jacques Annaud.
Ce second texte sur l'amour entre une adolescente pour un homme de 12 ans son aîné, entre une fille de colons blancs et un chinois, est encore plus beau que la version initiale. Fâchée du succès du film, qu'elle juge hollywoodien et vulgaire dans son esthétisme éthéré, peut-être fâchée aussi des raisons du succès du livre, elle le réécrit, pour prouver au monde entier qu'elle est l'auteure et Annaud un pâle imitateur. Cette version, épurée, nettoyée de certains effets de style, surpasse en effet la première mouture. Cet ouvrage est dans mon sac pour une île déserte.
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A la base, j'avais envie de lire L'Amant du même auteur, mais il n'était pas à la bibliothèque ce jour là… Par contre j'ai trouvé ce livre ci, qui m'a vraiment intrigué pour le coup, je n'en connaissais pas l'existence. Pour la petite histoire, Marguerite Duras, n'ayant pas apprécié le parti-pris trop esthétique selon elle de l'adaptation cinématographique de son roman, a décidé de le réécrire. Ce roman est donc la seconde version de L'Amant, avec certaines modifications. Pour ma part, je me souvenais seulement de quelques images du film (vu il y a si longtemps) et vaguement de l'intrigue, ce fut donc une complète redécouverte.
L'effet est un peu déstabilisant au début car l'auteur évoque sa première version du livre en la nommant simplement « le livre » et idem pour « le film » dont elle parle également. du coup le style est plutôt spécial, on a l'impression de lire les directives destinées à un éventuel réalisateur sur un plateau de cinéma.
Amplifiant encore cet esprit cinématographique, les personnages ne sont presque jamais désignés par leurs noms (pour certains : jamais) mais par leurs rôles : l'enfant, le chinois, la mère, le frère aîné, etc… Pareil, l'effet est assez curieux au début mais on s'y fait et cela n'empêche pas de plonger dans l'histoire. Les dialogues sont plutôt chaotiques, mais l'écriture très épurée, efficace, va à l'essentiel et sert ce récit direct et sensuel en permettant au lecteur de saisir ce lien particulier, si fort et douloureux à la fois, entre le chinois et l'enfant.
Au final, on se retrouve complètement transporté dans l'Indochine des années 20, sur les rives du Mékong ou dans les rues de Saigon, et on achève sa lecture un peu troublé, un peu nostalgique aussi… C'est beau, tout simplement.
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Magnifique !
Dès la première page.
J'avais aimé L'amant. Cette version diffère, elle est encore plus imprégnée de cette expérience exceptionnelle vécue par ces deux personnes.

Ayant séjourné au VNam (quelques années après la fin de la guerre), je retrouve certaines ambiances, certains lieux.
Mais ce n'est que le décor ; ce qui arrive à ces deux personnes, dans leur âme, leur être, est superbement décrit, des décennies plus tard.
Magnifique.
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Je me rappelle L'Amant, de Marguerite Duras, rangé soigneusement parmi la pile de livres dans la bibliothèque de ma mère, un grand livre, pas le format de poche, l'enfant du film en guise de couverture, une couverture lisse. Je le touchais à chaque fois que mes yeux se posaient sur lui .. Et un jour, il a disparu de l'étagère !
Duras n'a aimé que moyennement l'adaptation cinématographique paraît-il ! Et elle a ecrit "L'Amant de la Chine du nord" en réponse à Annaud, on a plus l'impression de lire un scénario !
Sept ans séparent le deux livres, l'écriture à l'air plus aboutie, plus travaillée. Sublime ! Merveilleuse de beauté.
Roman autobiographique, une enfance agitée, les prémices d'une sexualité précoce, amour, passion entre l'enfant & un chinois élégant que tout oppose !
L'auteure relate aussi ses rapports avec sa mère, ses deux frères, sans jamais cité de noms, se voulant être froide & distante peut être !
Un récit assez décousu, nébuleux. Il s'agit ici plus de pensées & de souvenirs troubles que de faits .. Une solitude pesante se ressent dans le choix des mots.
Il y a ce goût de chagrin dans les livres de Mme Duras. C'est sûrement cela qui fait leur charme !
L'Amant de la Chine du nord est probablement l'un des plus beau livre jamais écrit !
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Après avoir appris la mort du Chinois en mai 90, Marguerite Duras a souhaité raconter une nouvelle fois le livre de l'Amant déjà publié en 1984 dont elle a eu le Goncourt.

Vous l'avez compris, l'Amant de la Chine du Nord est une republication. On n'y retrouve néanmoins une écriture de l'histoire de l'amant avec l'enfant qui n'était pas encore présent en 1984. Elle explique que le temps manquait autour d'eux.

L'Amant de la Chine du Nord à quant à lui été écrit en 1991
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