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Un cri, une parole brute, arrachée à la mémoire, hors de toute conscience.

Marguerite attend son compagnon, Robert Antelme, que "Morland" alias François Mitterrand - à qui elle vouera, dès lors, une reconnaissance indéfectible- est allé chercher dans l'enfer des camps, usant de son impact pour faire sortir Antelme de l'infirmerie où il était retenu en quarantaine, condamné à une mort certaine.

Après celui d'une attente fiévreuse, la sienne, Duras fait le récit d'un corps qui se vide de sa mort et tente de se rouvrir à la vie: celui de Robert Antelme , l'auteur magnifique de L'Espèce Humaine.

Elle dit la dysenterie, la maigreur, la nourriture devenant menace de mort.

Elle dit le dialogue impossible entre celle qui a attendu et celui qui est revenu.

Elle dit les mots qui n'existent pas pour parler des camps.

Elle dit les ravages d'une présence vidée de toute énergie, d'une énergie réfugiée dans son silence.

Elle dit La Douleur.

Un grand texte. Unique. Foudroyant. Viscéral.
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De Marguerite Duras, je n'avais lu que "l'Amant" (Prix Goncourt 1984). Qu'on aime ou pas, elle ne laisse en aucun cas indifférente...

A la lecture de ce recueil, écrit à partir d'un journal tenu par Marguerite D. à l'arrestation de son mari en 44, je suis restée … soufflée, sidérée et sous le choc.

Ces livres que l'on referme mais qui vous reste en tête et dans le coeur des jours, des années… Un chef d'oeuvre en somme. Ce livre je ne pouvais pas le chroniquer ni à chaud, ni après… ce fut long, très long à assimiler. Toute cette horreur, l'indicible...

Même si des polémiques se sont élevées à l'époque de sa parution (doute sur la véracité du récit) il n'en reste pas moins que ces choses ont existé et peu importe si Duras l'a romancé après coup. D'ailleurs peut-on parler de « romance » ???!!!

Même si elle a retranscrit le réel en le modifiant, et quand bien même ? Elle nous dit bien qu'il s'agit un livre écrit « à partir » d'un journal écrit « à l'époque » et dont elle ne se souviens pas l'avoir écrit ? Donc il y a fatalement, réinterprétation… je le répète: et quand bien même … cela reste un témoignage fort, dénué de sensibilité certes, mais saisissant, ce qui donne une profondeur particulière au récit.

Les phrases succinctes, brèves, brusques, syncopées et sans apparat contribue à l'effet « choc ». Elle nous balance l'horreur en pleine figure. C'est un récit de l'attente, d'une longue attente. Les trajets, les va-et-vient de son appartement à la Gare d'Orsay et de son appartement à l'hôtel Lutétia aussi.

J'ai reçu les mots comme des coups de poings. Ces mots qui claquent comme des coups de fusil marquent votre esprit, durablement. Un condensé brut d'émotions qu'elle n'exprime pourtant pas. Parce que la « douleur » est au-delà des mots.

J'ai attendu de prendre de la distance. de laisser les émotions fortes retomber un peu. J'ai attendu 12 ans… eh, oui, 12 années pour réussir à avoir la tête à peu près froide et pour être capable de parler de cet écrit. Livre peut être lu trop jeune… et qui m'a fait l'effet d'une déflagration.

Oui, ce livre m'a terrassée, me laissant horrifiée. La force du propos vous gifle et vous laisse K.O. scotchée et même pire.

C'est une oeuvre féroce et terriblement « humaine » dans la déshumanisation ». Souffrances physiques, souffrances morales et la redondance des termes scatologiques entre pour beaucoup dans la violence que produit le texte.

La minutie des descriptions de toutes les étapes endurées par son mari (la nourriture, les excréments) et par elle par contre-coup est éprouvante. C'est un lent et difficile chemin vers la « résurrection » où rien ne nous est épargné à la limite du tolérable parfois. C'est déchirant d'impuissance.

S'agit-il d'exorciser la douleur en la couchant sur du papier, en la nommant dans toute son ignominie avec la plus grande impudeur. Transformer la douleur en spectacle pour en déplacer la source puis l'oublier (c'est la raison pour laquelle elle ne se souvient pas de ce journal ?).

Marguerite Duras fait partie du courant néo-réaliste avec un style d'écriture bien particulière. Ses phrases déstructurées, épileptiques, spasmodiques, saccadées nous fait penser à du langage vernaculaire (langage parlé par une communauté - qu'elle seule connaitrait...), où l'espoir est martelé comme un mantra puis succède au désespoir ou entre désespérance et espoir dans la même phrase. Parfois même il n'y a pas d'alternance, c'est les deux à la fois simultanément.

Ceci relève d'un très grand modernisme pour l'époque où les romans « classiques » ne marquent pas de discontinuité dans le temps, entre autres.

Ce style révolutionnaire (révolution du style dit classique) n'est pas compris par tous (et jusqu'à maintenant). de même que ses prises de position ultérieures feront débat. Son alcoolisme avéré n'aidera pas non plus. Elle reste cependant une grande femme de lettres contemporaine complètement avant-gardiste et novatrice.

Ce récit est suivi de cinq autres nouvelles sur les réseaux de résistance, l'épurement forcené et aveugle (tuer tous au moindre soupçon – comme en 1789 !) exprime le besoin de vengeance. Ces nouvelles parlent des persécutés et des délaissés. Un condensé des différentes facettes de la guerre, un panel de situations aussi bien du côté des « vainqueurs » que des « vaincus ».

Fiction ou non, ou en partie, ça reste et restera une oeuvre majeure à mon sens.
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Ce livre est un choc. D'une écriture de prime abord difficile, mais qui colle au plus près du ressenti. Il faut un peu s'accrocher pour le premier texte "La douleur". le lecteur est dans l'attente anxieuse, de même que la narratrice, du retour de Robert L. Les autres textes procurent la même émotion. On n'en ressort pas indemne. Ce collaborateur qui se fait frapper jusqu'à ce qu'il avoue, ce milicien qui ne veut vivre que dans la jouissance que lui offre la milice...
Mais ce qui m'a le plus surpris, c'est le décalage avec notre époque. Je sais ce que cette remarque peut avoir de naïf et d'un peu ridicule. Mais J'ai été bercé dans mon enfance par ce genre de récits et je ne peux que comparer, avec l'époque actuelle. Notre manière de vivre bien sûr, mais également les valeurs. Cette période de "l'occupation" me parait à la fois si proche et si lointaine ! Je ne sais pas trop quoi retenir de ce constat mais il me saute aux yeux. Il ne s'agit pas non plus de juger. Pendant toute la journée où j'ai lu ce livre, je ne pouvais m'empêcher de comparer avec ce que je vivais. Et même repenser aux émeutes d' y a quelques semaines. le sentiment de ne pas vivre sur la même planète. Quelque chose d'incroyable ! Je me souviens de ma visite du camp de Dachau il y a quelques années, d'où revient Robert L. Il y a comme un télescopage qui me déroute.
J'aime également les réflexions de l'auteure sur l'existence après les camps. Avec le nazisme, l'humanité a touché le fond.
Je ne suis pas prêt d'oublier ce livre.
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De courtes phrases, de petits mots, simples et profonds, ils nous font vivre l'instant de la douleur. Sans enthousiasme, on lit le livre calmement comme si on entendait un petit vent siffler à nos oreilles. On se laisse emporter par le bruit silencieux des mots, on se rapproche tout doucement de la douleur...de celle qui attend l'être aimé, revenu des camps de concentration...de celle qui se sent persécutée par un agent de la Gestapo...
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Bouleversant!
« La douleur » de Marguerite Duras est un recueil de six textes publiés en avril 1985 et dont le titre reprend celui du premier récit qui est aussi le plus long et sans conteste le plus frappant. Il traduit l'angoisse intolérable et le déchirement intérieur.
Dans ce texte, Marguerite Duras raconte l'insupportable attente du retour de déportation de son mari, Robert Antelme (Robert L. dans le texte), à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Ce récit autobiographique de Duras évoque ses souffrances et sa peur de ne pas le voir revenir. Toute l'intrigue du livre est basée sur cette attente.
Marguerite Duras parle donc à la première personne. Pour ne pas sombrer, elle va aussi participer à L Histoire, à la Seconde Guerre mondiale, d'une autre manière : en travaillant au Service des Recherches du journal Libres afin de communiquer aux familles des nouvelles des prisonniers. « Je travaille sans lever le nez, je ne pense à rien d'autre qu'à bien orthographier les noms ».
Concernant ce travail, Marguerite Duras a repris, à l'automne 1944, la gérance du journal Libres dont François Mitterrand est le directeur (Morland dans le texte). Elle y crée « un service de recherches très actif qui centralise le maximum d'informations sur les convois et les évacuations, fournies pour la plupart par les prisonniers évadés lors des transferts de camp à camp ». A la libération, elle interrogea aussi les libérés au centre d'Orsay afin de communiquer via le journal des informations à leurs familles.
Robert L. reviendra du camp de Dachau dans un corps où la vie n'a plus de poids : « il devait peser entre trente-sept et trente-huit kilos : l'os, la peau, le foie, les intestins, la cervelle, le poumon, tout compris : trente-huit kilos répartis sur un corps d'un mètre soixante-dix-huit ».
Elle va le soigner. Pourtant, dans la vie de Marguerite Duras, il y a Dionys Mascolo (D. dans le texte) qui va l'accompagnée durant l'attente du retour de Robert, son ami. Il y a plus qu'une simple complicité entre eux, même si D. est resté en retrait car il respectait les sentiments de Marguerite pour son mari.
Ce texte poignant m'a profondément marquée.
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D'abord, je dois confesser ma méprise. "La douleur" est le texte qui donne au livre son titre, mais il ne constitue pas le livre en soi, même s'il est certainement le plus fort de tous. Car il s'agit en fait d'un recueil de textes.
Certains, vécus et romancés, d'autres, inventés.

Celui intitulé "La douleur" est le récit du journal de Marguerite Duras alors qu'elle attend - d'une attente douloureuse, insupportable même - le retour de Robert Antelme, son mari, déporté en camp de concentration.
En même temps que l'attente se mêlent espoir et désespoir. Elle ne se nourrit plus, ne vit plus. Elle est une âme morte, une déportée par procuration.
Quand, enfin, enfin, l'inattendu ou plutôt le tant attendu qu'on n'attendait plus, se produit : son retour.
Il est dans un état de déchéance physique telle qu'il ne semble plus humain. C'est déchirant à lire. C'est puissant. J'aurais tant aimé en lire plus sur sa "reconstruction" tant physique que mentale. Nous reste "L'espèce humaine" où il se raconte et que je ne manquerai certainement pas de lire.

Un autre texte qui m'a marquée, est "Albert des Capitales". Marguerite Duras prend la peau d'un personnage, Thérèse, mais il est bien question d'elle. D'elle dans la Résistance. Elle qui prend part à l'interrogatoire et à la torture d'un donneur : celui qui a vendu un Juif, un Résistant,...
Ce qui est fort dans ce texte, outre qu'elle nous décrit les coups, le sang, les hurlements, c'est qu'il nous interroge. Est-ce que quoi que ce soit justifie de torturer un homme ? Même le pire des salauds ? Est-ce une forme de justice ou n'est-ce qu'une barbarie au même titre que celle des Nazis ? Et puis, finalement, les réponses seraient-elles les mêmes en temps de guerre si nous avions été à leur place ?

Pour le reste, j'ai trouvé les textes assez inégaux et ils ne m'ont pas captée. Ou plutôt, c'est moi qui n'ai pas su m'y accrocher.

Mais qu'importe, pour ces deux seuls textes, "La douleur" valait le détour.
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Le texte qui porte le titre de la douleur, est un très grand texte. Il ma bouleversé, tellement c'est très bien écrit c'est remarquable de justesse, d'émotion, de ressenti. Je l'ai lu deux fois en peu de temps. Elle raconte le retour de Robert Antelme. Il avait été déporté à Buchenwald puis à Dachaud. Elle l'épouse avant la guerre en 1939. Ils ont un garçon, il meurt en 1942. La même année elle fait la connaissance de Dionys Mascolo. Il est dans le comité de lecture chez Gallimard. Marguerite Duras et Robert Antelme entrent dans la résistance. Leur groupe tombe dans un guet-apens. Ils seront aidés par François Mitterand, mais Robert Antelme est arrêté et envoyé dans un camps le 1er juin 19944. Il a été déporté à Buchenwald puis à Dachaud . A son retour elle le soigne. Puis, ils divorcent en 1946 ne pouvant plus rester ensemble. Elle décrit admirablement bien dans ce récit l'attente, l'angoisse de savoir si la personne est vivante ou morte. Dans ce livre, d'autre texte sur cette période extrêmement trouble et complexe entre les vrais et les faux résistant. Elle nous raconte aussi de sa liaison avec l'homme qui a arrêté Robert Antelme dans la nouvelle intitulée « Monsieur X. dit ici Pierre Rabier », elle doit , il faut qu'il lui donne des informations utiles pour le réseau de la résistance.
Grand Texte surtout celui qui s'intitule : "La Douleur". Ce livre est l'écho du climat qui régnait après guerre en France, trouble règlement de compte entre les vrais et les faux résistants
Lien : http://livresdemalice.blogsp..
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En 1945, une femme attendait son mari Robert L., arrêté par la Gestapo et envoyé en camp de concentration. Elle s'occupait comme elle pouvait, essayait d'être utile même si je n'ai pas très bien compris comment. En revanche, je crois avoir saisi que son état mental laissait à désirer, sans doute parce qu'elle était au-delà de la souffrance.

Il y a deux parties dans cette nouvelle, l'attente (qui témoigne de ce qui se passait en France au fur et à mesure que les Américains ou les Russes libéraient les camps) et puis le retour de Robert L.

Robert L., c'est Robert Anthelme, l'époux de Marguerite Duras dont elle s'est séparée à la fin de la guerre. Il a peu apprécié qu'elle ait raconté son histoire : « Elle a osé ! » s'écria-t-il en l'apprenant. En 1947, il avait publié un ouvrage sur son expérience en camp de concentration : L'espèce humaine. On peut toujours le trouver en librairie.

Mais, c'est le livre de Marguerite Duras qui est le plus connu et peut-être est-ce pour cela que les écrivains ont le droit d'écrire sur tout : parce que certaines de leurs oeuvres survivront au temps et continueront de témoigner.

Recueil de nouvelles en partie autobiographiques qui est davantage un livre-témoignage qu'une oeuvre littéraire, du moins est-ce comme cela que je l'ai perçue. Mais ce livre ne me donne pas envie de plonger plus loin dans l'oeuvre de Marguerite Duras, ne serait-ce que parce que j'ai peu éprouvé de sympathie envers son héroïne, Thérèse.

Lien : https://dequoilire.com/la-do..
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Ce recueil de Marguerite Duras, une de mes autrices et auteurs préféré.e.s a été publié en 1985, alors qu'elle venait d'avoir l'année précédente la consécration du Goncourt pour l'Amant.

Ce recueil rassemble 6 nouvelles, dont la plus importante en taille et en source de réflexions donne le titre au livre. Tous ces textes ont une relation avec la période de la Libération à la fin de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle Duras fit partie de la Résistance. de ces nouvelles, les 4 premières ont un contenu autobiographique, les deux autres sont de courtes fictions. Toutes ont été écrites à quarante ans de distance des événements, et même si Duras dit de la première, La douleur, qu'elle a pour base un journal retrouvé, et dont elle ne se souvient pas, sa forme, et les procédés employés dont Duras a le secret, est celle d'un récit recomposé.

Avant de commenter un peu plus en détails le récit principal « La douleur », je voudrais insister sur la structure de l'ouvrage, que j'ai trouvée subtile.
En effet, Duras nous fait passer progressivement du récit réaliste au récit imaginaire en évoquant différentes facettes de l'être humain face à la guerre, avec cette science du non-dit qui lui est si particulière.
Et puis de la « honte de la littérature » qu'elle nomme pour le premier récit, au dernier où « tout est inventé ».

De « La douleur », le récit le plus terrible, qui décrit l'attente de son mari, Robert Antelme ici nommé Robert L., puis les conditions dramatiques de son retour des camps, un récit plein de vérité et d'humanité, on passe dans « X dit ici Pierre Rabier », à un récit plus anecdotique, mais que Duras évoque comme le souvenir d'une peur terrifiante, celle que lui a laissé un agent allemand ambigu se faisant passer pour un français, capable autant de cruauté que de clémence, aveugle à la situation de son pays et rêvant d'un avenir de bouquiniste; puis à « Albert des capitales », où Duras se revendique (« Thérèse c'est moi ») comme la résistante sans pitié lors de la torture d'un « collabo », en contradiction avec l'humanité et la pitié dont elle fait preuve dans La douleur.
Puis, Ter le milicien clôt la série des nouvelles « réalistes », par un étrange récit de l'attirance physique pour cet homme qui fit partie de la milice de Vichy.
Enfin, les deux derniers sont, selon Duras, des récits inventés, dans lesquels l'auteure excelle à nous rendre indécis le sens, mais c'est l'émotion qui nous bouleverse dans le dernier qui se veut raconter «l'amour fou pour la petite juive abandonnée ».

Tout ceci pour dire que, pour moi, le livre « La douleur » ne se résume pas au premier récit, mais que les autres contribuent à façonner un ensemble cohérent.

Et pourtant, ce premier récit est majeur, mais difficile à commenter. Duras nous dit qu'elle a retrouvé les pages d'un journal dont elle n'a aucun souvenir, et qu'elle s'est trouvée « devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n'ai pas oser toucher et au regard de quoi la littérature m'a fait honte ».
Mais la forme a sans nul doute été retravaillée (à la fin, d'ailleurs le récit n'est plus linéaire), pour nous livrer des pages d'une extraordinaire intensité, parfois insoutenable. D'abord, une attente du mari, Robert L., décrite comme une sorte de cauchemar éveillé, d'obnubilation de la pensée, d'une douleur psychique qui anéantit le corps. Puis, le chef du réseau, Morland (c'est François Mitterand) décide d'envoyer deux hommes chercher Robert L. en Allemagne; ils ramènent un être humain au bord de la mort, ne pesant plus que 35 kilos, qu'il va falloir ré-alimenter progressivement, atteint d'une terrifiante diarrhée, qui va céder au fil des jours. le récit raconte sans nous épargner les détails, toute l'horreur de l'état de Robert L.. Et puis, c'est un rétablissement très lent qui s'installe. Et enfin, tout en écrivant qu'elle s'est séparée de Robert L., Duras termine sa narration sur quelques pages lumineuses et pleines de tendresse.

J'ai aussi relevé qu'apparaissent dans ce texte des phrases très critiques, dans ce contexte de la Libération, d'un De Gaulle qui refuse « d'intégrer la douleur du peuple dans la victoire, de peur d'affaiblir son rôle à lui », mais j'en retiens surtout celles extraordinaires sur la découverte de l'extermination des juifs: « C'est en Europe que ça se passe. C'est là qu'on brûle les juifs, des millions. C'est là qu'on les pleure. » Mais plus encore, c'est cette idée singulière de la nécessité, pour dépasser cette horreur accomplie, d'assumer notre solidarité avec les bourreaux comme avec les victimes: « nous sommes aussi de la race des nazis ». Et ces phrases surprenantes mais pleines de sens: «La seule réponse à faire à ce crime est d'en faire un crime de tous. de le partager. de même que l'idée d'égalité, de fraternité. Pour le supporter, pour en tolérer l'idée, partager le crime. »

En conclusion, même si beaucoup de romans de Duras ont une part auto-biographique, celui-là est unique par la tension qui s'en dégage, et surtout par l'horreur, la souffrance mais aussi l'humanité qui émanent du premier récit.
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Je ne m'attendais pas à ce que ce livre soit un ensemble de textes épars, autobiographiques ou fictifs.

J'ai particulièrement aimé La douleur, qui donne son titre au recueil. C'est un texte qui prend véritablement aux tripes, qui vous bouleversent.... et m'a fait découvrir un pan de la vie de Marguerite Duras, que je ne connaissais pas.

L'histoire du soit-disant Pierre Rabier m'a bien plue également, avec ce flou dans la relation, ces sentiments qui ne se disent pas alors qu'il sait que Marguerite Duras l'utilise quelque part.

Puis, l'histoire du milicien Ter, qui s'installe aussi dans beaucoup de non-dit.

Mais tout est fin, souvent âpre, mais tout tourne autour de l'expérience de résistance ou pas de l'auteure, dans l'attente du retour de son mari, avec les amours autour et alentour.

Il y a d'autres livres qui devancent de loin celui-ci, mais j'ai bien aimé, assurément.

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