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Critique de 5Arabella


Ce court roman paraît en janvier 1962, il sera rapidement adapté en pièce radiophonique, par la BBC d'abord, puis par l'ORTF. Marguerite Duras a d'ailleurs hésité sur la forme du texte : pendant les phases de conception, elle a fait des ébauches sous forme de pièce de théâtre, elle a aussi commencé des versions de scénarii cinématographiques.

Le sujet lui aurait été inspiré par un lieu, une maison au-dessus de Saint-Tropez, et c'est à partir de ce lieu qu'elle imagine le récit. Un vieil homme, M. Andesmas, attend devant la maison, qu'il a acheté pour sa fille, Valérie, un entrepreneur qu'il doit voir pour faire construire une terrasse devant la maison. Michel Arc, l'entrepreneur est en retard. M. Andesmas, pendant son attente, voit successivement trois êtres : un chien, la petite fille de Michel Arc annonçant la venue prochaine de son père, puis sa femme, venue lui parler de son mari et aussi de Valérie.

C'est un livre très simple et très complexe à la fois. Très simple, car il ne dure qu'une après-midi, qu'il ne s'y passe rien, ou presque en apparence, nous avons une unité de temps, de lieu, et d'action (si on peut dire) parfaite, ce qui nous renvoie quelque part à une forme d'esthétique classique, une épure. Mais comme dans le théâtre classique, à partir de peu, les destins et les vies des hommes et des femmes se jouent, et toutes les passions, les joies et souffrances, sont présentes dans un espace et un temps ramassés, ce qui ne fait que les exacerber, les porter à l'incandescence.

Le texte est elliptique, incertain, nous ne pouvons que faire des hypothèses. M. Andesmas aime sa fille d'un amour extrême, presque trop fort pour un amour paternel. Il accède à tous ses désirs, ou caprices, comme l'achat de cette maison. Elle est en train de s'éloigner de lui, de grandir, de peut-être le quitter. La femme de Michel Arc laisse entendre qu'une histoire d'amour est en train de naître entre son mari et Valérie. Toute la vie de M. Andesmas se résume dans cet après-midi, toute sa vie, jusqu'à l'inévitable mort, dont l'abandon est une des prémices.

Tout cela dans le style si particulier de Marguerite Duras, entre répétitions, ressassements, dans un rythme, une musique si particulières, au plus près de la voix intérieure des personnages. C'est vraiment un art, où avec presque rien en apparence, toute une vie, et au-delà, toute la condition humaine paraissent révélée dans une sorte de condensation allusive. le récit est nimbé d'une poésie, d'une sensualité, mais aussi d'une mélancolie voire d'une possible tristesse.

Fascinant et magique, ce livre est une des grandes réussites de Marguerite Duras.
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