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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Elle me hante toujours, la pauvresse qui, de Battambangh à Calcutta, étire sa silhouette à la Giacometti le long des bords du Gange, en appelant son enfant mort.

Le Vice-Consul, c'est pour moi l'histoire d'une passion et d'un remords.

Une passion pour Duras, depuis ma découverte du Vice-Consul, à 20 ans, jusqu'à... Emilie L. qui signa le debut du désamour.

Et un remords...parce que je n'ai jamais rendu le livre à l'ami, aujourd'hui disparu, qui me l'avait prêté en me recommandant vigoureusement de le lui rendre...

De cette lecture date aussi mon amour fasciné et horrifié pour l'Inde, ma tendresse pour les personnages frappés de déraison ou de désespoir- quand ce ne sont pas les deux- auxquels Duras se plaît à fredonner sa petite mélodie "Chanson, toi qui ne veux rien dire..."et qu'elle happe insidieusement, comme le serpent Kaa le petit Mowgli, dans ses anneaux romanesques d'où ils ressortent de loin en loin, de roman en film, et de film en pièce de théâtre : la beĺle Anne-Marie Stretter, la folle du Gange, le Vice-Consul de Lahore...silhouettes à la fois familières et mystérieuses.

Un beau roman, plein d'odeurs pestilentielles et suaves, plein de torpeur et de désir , plein d'images.

Que je n'ose rouvrir, de peur d'y voir un nom qui n'est pas le mien sur la page de garde mais surtout de peur que s'évapore et se dissolve, dans nos nuits trop froides, la chaude magie de ce nocturne indien..

A J.P. B. . dans l'espoir qu'il me pardonne mon larcin...promis, je m'engage à me faire subtiliser ce livre à mon tour, pour lui faire un nouvel adepte!
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Ce roman de Duras ne peut laisser indifférent. de premier abord, très abscons. On suit l'errance de cette pauvre fille, enceinte, chassée de chez elle. Peu à peu, le récit se construit. La rencontre entre deux mondes. La misère d'un côté et le petit monde très circonscrit de la diplomatie. Comme un îlot incongru, inconvenant, dans cette misère ambiante. Ce monde miniature où chacun s'épie, se jauge, devient le symbole de la décadence occidentale, dont le vice-consul de France à Lahore est le catalyseur de tous les maux, de toutes les turpitudes. On ne saura jamais d'ailleurs qui est vraiment ce personnage du vice-consul. Il est pourtant celui qui assume pleinement le malaise d'être plongé dans cet univers indien, de pauvreté. Il ne supporte pas de côtoyer cette misère, la mort sous ses fenêtres. Les autres, ses pairs, ne comprennent pas son acte, cette perte d'identité. Eux qui se complaisent dans les plaisirs illusoires que leur offrent leurs conditions de diplomates. L'Inde, pour eux, se limite aux réceptions à l'ambassade et à l'excursion au « Prince of Wales » dans le delta. Je me demande si le delta avec les marécages et la confusion entre les îles et l'eau du fleuve et de la mer, n'est pas une allégorie de leur perte de repères. Duras épingle, à travers ce roman, l'univers colonial, qu'elle connaît bien. L'angoisse est palpable, omniprésente. Toutes les actions de ce petit monde sont mues pour conjurer cette angoisse, la refouler. On ne veut pas voir la réalité.
Le texte de Duras est cependant réellement déroutant. Elle triture la syntaxe. Les phrases sont rarement abouties. le dialogue entre les personnages reste souvent en suspend. Pas toujours facile pour le lecteur de s'y retrouver. On se perd entre les personnages, souvent. Un mal-être certain s'installe, étouffant. La folie menace. Mais c'est à ce prix que Duras nous fait comprendre les discordances humaines.
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Ce roman, paru en janvier 1966 fut écrit laborieusement à partir de 1962. Plusieurs fois au point mort, il a été repris et modifié fortement par l'auteure, avant d'aboutir au résultat final. Il sera adapté au théâtre sous le titre d'India Song en 1973, puis toujours sous ce titre transformé en film en 1975. C'est peut-être le film de Duras le plus connu, grâce sans doute à l'obsédante musique de Carlos D'Alessio. Nous retrouvons dans ce roman des personnages entrevus dans le ravissement de Lol V. Stein, Anne-Marie Stretter et Michael Richard (dont le nom se transforme légèrement du Richardson d'origine).

Le livre est un objet complexe, plusieurs narrations, narrateurs potentiels, voix, se mêlent dans une sorte de polyphonie. Une jeune fille enceinte chassée de chez elle, qui marche, qui traverse des pays, qui vit le fond de la misère et du malheur, débute le récit, et reviendra encore, jusqu'à devenir une mendiante chauve, lançant une mélopée lancinante à Calcutta, à proximité de la résidence du consul de France. Mais il y a aussi les habitants et habitués de la résidence du consul, tous sous l'emprise, sous la fascination, sous le charme indicible d'Anne-Marie Stretter, la femme du consul. Femme fatale, sur laquelle circulent des histoires, presque des mythes se construisent, sorte de sphinge, qui garde ses mystères, elle attire et fait fantasmer les hommes. Et puis il y a le Vice-consul du titre, reprouvé qui aurait commis des choses terribles à Lahore, il est en attente que l'on décide de son sort, mis au ban de la société européenne. Anne-Marie Stretter l'invite à une de ses soirées, une communication étrange semble s'établir entre eux. Et il y a tous les hommes qui circulent autour de la femme du consul, dont Peter Morgan, qui écrit l'histoire de la mendiante, au point que l'on ne sait pas si ce que nous avons lu à son sujet est le récit du vécu de cette femme, où le récit inventé par Morgan à son sujet. Où peut-être un mélange des deux, sans qui nous puissions savoir où se situe la frontière entre les deux.

Dans une Inde rêvée, dans une chaleur moite, qui provoque une sorte d'état second, Marguerite Duras construit un labyrinthe fascinant, dans lequel on croise des personnages incertains, qui livrent par bribes, des morceaux de leur être le plus profond, presque malgré eux. Des correspondances étranges, jamais explicitées surgissent, comme entre la mendiantes et Anne-Marie, ou entre Anne-Marie et le Vice-consul. L'insupportable douleur du monde, l'impossible acceptation du malheur, mais aussi la force déchirante du désir, la séparation irrémédiable d'avec les autres, l'enfermement dans des conventions auxquelles on ne peut échapper, les thèmes, les trames s'entremêlent, au point qu'il est difficile de les identifier. Comme dans un morceau de musique où les notes se mêlent pour former un motif qui est un tout. Il faut se laisser porter, sans essayer de tout comprendre, s'abandonner au charme, à la magie des mots, pour faire ce voyage dans un lieu, qui est nulle part et partout, dans l'imaginaire, et au fond de chacun. Si on y arrive, ce sera un moment inoubliable.
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Un texte d'une grande force.
"Le Vice-Consul" de Marguerite Duras, c'est l'histoire d'un homme, Jean-Marc de H., rapatrié de Lahore d'où il a commis un acte de folie : tirer au pistolet sur des lépreux et les chiens des jardins de Shalimar. Mais pas seulement, c'est aussi l'histoire de personnages qui se croisent, des silhouettes familières dans l'oeuvre de Duras qui interrogent sur l'identité, la misère, le bonheur, la folie…
Le décor est l'ambassade de France à Calcutta où nous retrouvons Anne-Marie Stretter, la femme de l'ambassadeur qui hypnotise tous les Européens en poste à Calcutta et, à l'opposé sur l'échelle sociale, la petite mendiante chassée par sa mère de Savannakhet, au Laos, silhouette squelettique malgré son gros ventre et sa honte, qui marche jusqu'à Calcutta et sème un peu de sa raison à chacun de ses pas. La silhouette de la mendiante décharnée par la faim, dépouillée de son identité, de sa mémoire et même de son langage, hante l'oeuvre de Marguerite Duras.
Ce roman fait partie de ce que l'on désigne souvent comme le « cycle indien » de Marguerite Duras, ensemble de trois romans (Le ravissement de Lol V. Stein 1964, le Vice-Consul 1966, l'amour 1971) et trois films (La femme du Gange 1974, India song 1975, Son nom de Venise dans Calcutta désert 1976).
Dans "Le Vice-Consul", les personnages sont en perdition. Et Marguerite Duras excelle dans ce roman bouleversant qu'elle a écrit à un moment de sa vie où elle-même était en souffrance. Sa prose est fracturée et le rythme lancinant mène l'émotion à son comble.
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On entre dans ce livre par la petite porte,celle des bannis.Celle d'une pauvresse qui marche sans fin, l'estomac vide et le ventre plein d'une vie déjà abhorrée.Elle voudrait le vomir cet enfant du Mékong avec l'acidité des mangues grapillées de ci de là, mais il s'accroche à sa faim et lui vole son du alors qu'elle mendie une piastre. La "crasse pénètre sa peau".Elle s'arrache des touffes de cheveux et se donne pour quelques grains de riz.C'est la mort en marche, sans trêve entre deux hallucinations, entre deux couplets du même chant qui ricoche à l'infini, celui de Savannakhet,celui d'avant,celui qui la relie encore au monde des paroles mais pas des sentiments,celui d'une morte vivante qui se débarrasse de son fardeau face aux grilles de l'ambassade de France à Calcutta.
Et nous lecteurs, on marche le long des pages, on marche et on s'épuise, se lamente,on dérive tour à tour en se questionnant sous ce ciel bas zébré de rares éclairs de lucidité: c'est quoi ce titre de Vice-consul?
Et lorsque les grilles somptueuses s'ouvrent sur le faste et les médisances de l'Inde blanche, alors que dans ses jardins croupissent les lépreux et que plane l'odeur pestilentielle de la vase, et qu'on le voit, LUI,cynique, capable du pire, pénétrer dans ces lieux avec son regard vide on se dit: Non, pas ça,plus jamais ça!
Un roman dur et sublime, du vrai Marguerite Duras!
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Toujours dans mon obsession de Duras, ce livre était le prochain gros ouvrage de ma visée. J'en avais bien entendu parler de multiples fois, mais toujours sous un signe d'étrangeté, et je voyais bien la récurrence qu'il avait dans l'Oeuvre de son auteure, et donc son importance. Je le possède depuis de très nombreux mois, mais j'ai toujours été quelque peu effrayé pour me lancer à sa découverte. Je me suis décidé car je compte l'étudier pour un mémoire de recherche (entouré d'autres oeuvres de l'auteure), il fallait donc bien que je m'y mette un jour où un autre, presque dos au mur. Je me suis alors lancé dans une aventure absolument étouffante de dénonciations et de prises de position. D'un côté, le monde de la mendiante de Calcutta, de la lèpre, de la faim et de la chaleur ; de l'autre côté, le monde des diplomates, dans le désir, l'oisiveté, la mondanité et le rafraichissement. Il y a en ce livre des figures récurrentes dans l'oeuvre de Marguerite Duras, tant immatérielles qu'humaines : le désir, Anne-Marie Stretter, Michael Richard, le Gange… Il y a en ce roman bon nombre de choses très intéressantes à analyser : il y a des digressions linguistiques, de ponctuation, narratives… le but de ce livre est de clairement déjouer les attentes des lecteurs et lectrices, car s'il y a bien un sens de lecture et de compréhension, rien n'a de fin, et tout est statuaire, comme figé, on assiste à des scènes qui servent à donner un mot d'ordre à l'ensemble, mais il ne faut pas comprendre cette oeuvre comme quelque chose avec un début et une fin. C'est un livre presque sociologique, où les personnages de différents milieux sociaux et différentes classes ne font que s'observer et se poser des questions par rapport à l'autre. Qui sont les gens qu'on observe en question ? Pourquoi la mendiante à l'air si heureuse, dans la chaleur étouffante de la nuit, à même le sol des fleurs, dans la lèpre, à chanter dans le Gange ? se demandent les diplomates qui l'observent depuis leur fenêtre à l'ambassade. Pourquoi leur vie si flamboyante semble si solitaire, dans une réception festive et mondaine, à l'ambassade de France à Calcutta ? se demande la mendiante qui les observe depuis la rue. Tout est une question de classe, comme cela n'est qu'un prétexte pour conter les destins. Ces destins n'ont d'ailleurs rien de spécial, c'est une confrontation entre la pauvreté qui frôle le bonheur d'absence et la convenance du statut qui complique tout. Il y a également beaucoup de désirs, dans ce livre, et j'ai trouvé très forte cette figure d'Anne-Marie Stretter, qui reste si mystérieuse alors qu'on connait toute sa vie, et qui représente tout ce qu'il y a de plus charnel mais en même temps de réservé. Tout gravite autour d'elle, même la mendiante de Calcutta, elles se connaissent, et en même temps non. La mendiante reste sur le côté, mais elle est importante également ; elles sont les deux pôles de cette histoire qui n'a ni début ni fin. C'est, je pense, pour cela que je n'ai pas réussi – en haut de cet article – à disposer de sous-genres convenables pour ce roman, car il n'en a pas. Et je n'ai su écrire de mise en situation, j'ai dû disposer de la quatrième de couverture puisque je ne saurais absolument pas résumer ce texte, et je ne saurais pas dire de quoi il parle. Parce que tout est déjoué, toutes les attentes des lecteurs sont fichées et disparues : de l'amour qui reste statuaire, des désirs qui ne sont que très rarement exaucés, des personnages qui restent inactifs, des horreurs faites par le vice-consul de France à Lahore qui ne seront résolus, des destins immobiles.

Au gré de ce roman qui n'a ni début ni fin, les caractères se dévoilent. Anne-Marie Stretter qui représente le désir, la mendiante qui statue dans le délire : voici les deux pôles de lecture du roman. C'est une confrontation entre les classes et milieux, mais en même temps… ce n'est rien de tout cela. C'est au fil des actions que l'on se rend compte que c'est un portrait immobile que nous dresse l'auteure. {19}
Lien : https://clemslibrary.wordpre..
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