AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782072927454
96 pages
Gallimard (04/03/2021)
3.71/5   42 notes
Résumé :
Ce texte est extrait du recueil "Des journées entières dans les arbres" (Folio).

Depuis sa loge ou avec son unique ami, Gaston, le balayeur du quartier, Madame Dodin, la concierge du numéro 5 de la rue Sainte-Eulalie, ne cesse de maugréer et de manifester son mécontentement aux locataires : «Pourquoi faut-il qu’il y en ait qu’une seule qui vide les chiures de cinquante autres ? »

Dans ce texte féroce, portrait intime et social, Margueri... >Voir plus
Que lire après Madame DodinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
3,71

sur 42 notes
5
2 avis
4
4 avis
3
4 avis
2
1 avis
1
0 avis
Marguerite Duras a toujours aimé les concierges, elle entretenait d'ailleurs des relations régulières avec celle de son immeuble parisien. Cela datait sans doute de sa jeunesse quand elle faisait du porte à porte pour vendre le journal l'humanité. Cette époque n'a pas duré longtemps mais les questions sociales sont restées au coeur de ses préoccupations.
Quel plus beau poste d'observation que celui de concierge ?

Chaque matin, Madame Dodin sort les poubelles du 5 de la rue Sainte-Eulalie à Paris dans le 6eme arrondissement. Elle déteste ça car c'est lourd et ça sent mauvais (surtout à l'époque où il n'y avait pas de conteneurs fermés). Et elle le rend bien aux habitants de l'immeuble. En bonne sexagénaire autoritaire, elle tyrannise ses locataires à grands coups de beuglements qui hantent les échos de la cour d'immeuble. Mais heureusement, il y a Gaston le balayeur du quartier dont elle est un peu amoureuse.

Ce qui semble être l'éloge de l'ordinaire, des problèmes de poubelles et de balayage, dérive sur des rêveries illusoires, une romance impossible et le déterminisme social. Car c'est l'étude sociologique qui fait la force de ce texte à l'humour cinglant, sorte de résumé drôle de la lutte des classes, réduite à une opposition permanente entre la concierge et les habitants (dont un "crivain") de l'immeuble bourgeois où elle est employée.

On sait que Marguerite Duras a un talent de visionnaire et elle le prouve encore une fois. On trouve dans cette nouvelle des propos écologiques sur la nécessité de déposer ses déchets dans des lieux adaptés alors que dans les années 50 on est encore loin de la collecte sélective. Elle donne aussi beaucoup d'importance au métier de balayeur qui prend du sens aujourd'hui avec le confinement (« il leur fait découvrir qu'un jour, un simple balayeur pourra peut-être les concerner de près, que ça les regarde donc »). Et puis, il y a la rencontre entre Mme Dodin et Gaston qui a trente ans de moins qu'elle comme un écho à sa future liaison avec Yann Andrea son dernier compagnon.


Challenge Riquiqui 2021
Challenge coeur d'artichaut 2021
Challenge XXème siècle 2021
Commenter  J’apprécie          181
🗑 « Les locataires, c'est toujours des salauds rapport a leur concierge. Quoiqu'ils fassent. Et même les meilleurs. »
(P.22)

🗑 Nos poubelles sont-elles le miroir de notre être ? D'après Madame Dodin, concierge du numéro 5 de le rue Sainte-Eulalie, il semblerait que la réponse soit « oui ». Inlassablement, depuis sa loge, elle se plaint de ses locataires et n'hésite pas à manifester son irritation et son ennui : au lieu de tous se précipiter au dernier moment pour vider leurs propres poubelles, ne pourraient-ils pas simplement faire un petit effort quotidien pour lui éviter de porter le poids de tous leurs déchets deux fois par semaine ?

🗑 « Pourquoi que chacun il la viderait pas, sa poubelle ? Pourquoi faut-il qu'il y en ait qu'une seule qui vide les chiures de cinquante autres ? »
(P.24)

🗑 Évidemment, aucun d'eux ne fait l'effort de penser à ce que ce geste (insignifiant pour eux) peut apporter de satisfaction et de soulagement à cette sexagénaire. A son irritation, les locataires répondent par l'insouciance et l'indifférence : seul son ami Gaston, balayeur, devenu son confident, est disposé à entendre ses jérémiades incessantes. Il faut dire que ces deux-là ont des tâches bien particulières et fort ingrates : qui voudrait s'occuper des déchets de ses pairs et des déjections de leurs amis à quatre pattes ?

🗑 Dans ce court texte, Duras livre une vision acerbe de notre société, dont les rouages semblent s'épuiser et dont l'essentiel devient invisible : sans ces figures, à quoi ressemblerait notre monde, s'il n'y avait personne pour nettoyer nos déchets, nos erreurs, nos pas de côté, nos actes manqués ? Inversement, que serait leur vie, et celle de Madame Dodin, si elle n'avait personne après qui râler, si demain, tout le monde décidait de faire cet effort ?

🗑 « Tant que je vivrai, j'emmerderai le monde, c'est vrai que c'est mon plaisir », dit-elle. Alors, même si Gaston rêve de partir, même si elle rêve que ses locataires la considèrent un peu plus, au fond, ces plaintes rabâchées en permanence ne sont-elles pas le reflet d'une crainte profonde, celle de devenir transparente, et de passer inaperçue et de ne faire tout ça, au final, pour rien ? Alors ils font de leur rue une scène, et ils en deviennent les amants impossibles, et ils se livrent une bataille infernale : l'affranchissement impossible de leur condition et la lutte pour leur amour interdit.

🗑 Madame Dodin, le récit de petites gens, de petites choses, de petites mains dans l'ombre qui nous débarrassent gentiment de nos ordures, aussi nauséabondes et persistantes soient-elles, et dont la seule aspiration est un regard, un sourire, un merci.




Commenter  J’apprécie          31
Marguerite Duras (1914-1996), pseudonyme de Marguerite Donnadieu, née d'une mère institutrice et d'un père professeur de mathématiques, est une femme de lettres, dramaturge, scénariste et réalisatrice française. Résistante pendant la guerre, communiste jusqu'en 1950, ayant activement participé à Mai 68, Marguerite Duras a développé une écriture protéiforme considérable : cinéma, théâtre, articles de presse, romans et récits. Elle publie son premier roman (Les Impudents), sous le pseudonyme de Marguerite Duras, en 1943 et rencontrera un immense succès public avec L'Amant, prix Goncourt en 1984. Madame Dodin (1954) qui vient d'être réédité, est une nouvelle extraite du recueil Des journées entières dans les arbres.
Au 5 de la rue Sainte-Eulalie, Paris VIe, madame Dodin la concierge, régente tout son immeuble, engueulant les locataires sans cesse pour un motif bien précis, leurs poubelles ! Elle en a assez de devoir subir les odeurs près de sa loge, elle en a marre de devoir sortir sur le trottoir tous les jours, la grande poubelle de l'immeuble, trop lourde pour elle…
Les histoires de concierges, vous les connaissez, par les vieux films de l'après-guerre ou plus récemment avec le bouquin de Muriel Barbery (L'Elégance du hérisson) par exemple. Or, il se trouve que moi je les ai vécues, gamin parisien des années 50, ma grand-mère tenait une loge au bas de notre immeuble ! Au plaisir de ma lecture se sont donc ajoutés les souvenirs personnels.
Madame Dodin, la soixantaine et veuve, râle perpétuellement et s'en félicite, « Tant que je vivrai, j'emmerderai le monde, dit Mme Dodin, c'est vrai que c'est mon plaisir. » Et les locataires en bavent car non seulement ils subissent ses récriminations au sujets de leurs ordures, mais elle pousse le bouchon jusqu'à leur voler leurs paquets livrés par le facteur et plus vicieux encore, à leur en revendre le contenu ! Personne n'est dupe mais personne n'ose la ramener.
Les journées passent ainsi, ponctuées tous les matins par le passage matinal de Gaston le balayeur avec lequel elle a noué une amitié particulière et spéciale. Lui aussi geint sur sa condition et rêve de partir dans le Midi alors de temps à autre il boit un petit verre de blanc de trop, ce qui agace la bignole. Et peut-être qu'on peut y voir une inquiétude secrète, si Gaston partait vraiment un jour, madame Dodin serait définitivement seule… ?
De petites gens, de petites vies ordinaires mais ancrées dans la réalité. C'est très amusant dans la forme tout en mettant en avant ces petites mains qui nous débarrassent de notre merde quotidienne…
Commenter  J’apprécie          30
Une nouvelle qui m'a fait sourire : 78 pages d'une concierge (assez caricturale) mais c'est une concierge de 1954 😀
. On la devine assez âgée (finalement on apprendra qu'elle a seulement 60 ans ; bon c'est vieux 60 ans en 1954 ?)
Elle est revêche, acariâtre, s'en prend aux gens qui habitent son immeuble car son boulot est de sortir les poubelles de 50 appartements (« ça pue et c'est lourd », je cite de mémoire)
Deux autres personnages : Gaston, balayeur dépressif et alcoolique et Mimi, vielle fille tenant une auberge.

Bref une tranche de vie (pas un vie facile certes mais comment peut-on devenir aussi acariâtre….
Bon je vous redis dès que j'ai 60 ans :-)
Commenter  J’apprécie          102
Jusqu'alors je n'avais lu de Marguerite Duras que l'Amant de la Chine du nord que j'avais apprécié.
Ce n'était peut-être pas le bon moment mais les plaintes de la concierge de la rue Sainte- Eulalie à propos des poubelles m'ont profondément ennuyée. Elle voudrait que les occupants les sortent chaque jour à la fois à cause des odeurs et à cause du poids. C'est le dernier qui dépose sa poubelle qui essuie ses récriminations.
Elle s'épanche auprès de Gaston, le balayeur et mademoiselle Mimi qui tient une auberge.

Challenge Plumes féminines
Challenge ABC
Commenter  J’apprécie          100

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
C’est en général celui qui vide le dernier sa poubelle qui essuie la colère de Mme Dodin. Jusqu’au dernier elle se contient encore mais au dernier, régulièrement, elle explose. C’est là une des servitudes particulières à notre immeuble du 5 de la rue Sainte-Eulalie. On s’y fait engueuler parce qu’on a une poubelle à vider. Autrement dit parce que l’on mange, donc parce que l’on vit encore, donc que l’on n’est pas encore mort.
Commenter  J’apprécie          20
- Je me demande ce qu'on peut bien faire d'un lange d'enfant quand on n'a pas d'enfant...
- Je me le demande aussi, dit Mme Dodin, mais si on essayait de tout comprendre, on aurait pas assez de sa vie.
Commenter  J’apprécie          40
Ainsi Gaston, c'est jour-là, n'est pas rassurant. Il porte à réfléchir bien des gens qui le rencontrent. Il les fait s'arrêter, pensifs, et peut-être pour la première fois de leur vie, devant un balayeur de la ville de Paris. C'est-à-dire qu'il leur fait découvrir qu'un jour, un simple balayeur pourra peut-être les concerner de près, que ça les regarde donc, comme leur vie a eu le regarde, lui.
Commenter  J’apprécie          10
- Ça pisse, donc ça boit, dit Mme Dodin.
- Ça me rappelle, dit Gaston, quelque chose. Un philosophe a dit la même chose : « Je pense donc je suis. »
Commenter  J’apprécie          10
Pourquoi que chacun il la viderait pas, sa poubelle ? Pourquoi faut-il qu’il y en ait qu’une seule qui vide les chiures de cinquante autres.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Marguerite Duras (249) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marguerite Duras
Vidéo de Marguerite Duras
autres livres classés : nouvellesVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (95) Voir plus



Quiz Voir plus

Marguerite DURAS

Quel est le bon titre de sa bibliographie ?

L'Homme assis dans le corridor
L'Homme assis dans le couloir
L'Homme assis dans le boudoir
L'Homme assis dans le fumoir

20 questions
189 lecteurs ont répondu
Thème : Marguerite DurasCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..