Il n’était pas très facile de motiver une déclaration que ne justifiait aucun conflit direct entre les deux pays. On se borna à alléguer que des aviateurs français avaient commis des actes d’hostilité en territoire allemand. L’un aurait essayé de détruire des constructions près de Wesel, d’autres auraient été aperçus sur la région de l’Eifel, un autre enfin aurait jeté des bombes sur le chemin de fer près de Karlsruhe et de Nuremberg. La manière même dont ces accusations étaient énoncées suffit à prouver qu’elles étaient de simples et pauvres inventions. Aucun témoignage n’était cité, aucune précision n’était donnée sur les endroits exacts où ces faits auraient eu lieu, sur leur date, sur la manière dont ils se seraient produits, sur la nature et l’étendue des dommages causés. Tous ces incidents étaient présentés comme s’ils s’étaient produits en dehors du temps et de l’espace, ce qui est la meilleure preuve de leur irréalité
Ces inventions étaient d’autant plus audacieuses que, dès le 2 août, M. Viviani avait signalé au gouvernement de Berlin des faits de guerre caractérisés qui avaient été commis par les troupes allemandes sur le territoire français. Elles avaient passé la frontière à Cirey ainsi que près de Longwy ; elles marchaient sur le fort qui porte ce dernier nom. À Delle, le poste de douaniers avait été, à deux reprises, l’objet d’une fusillade de la part d’un détachement de soldats allemands. Au nord de la même localité, deux patrouilles allemandes du 5e chasseurs à cheval avaient pénétré jusqu’aux villages de Jonchery et de Baron, à plus de 10 kilomètres de la frontière. L’officier qui commandait la première avait brûlé la cervelle à un soldat français. Les cavaliers allemands avaient emmené des chevaux que le maire de Suarce était en train de réunir et que les habitants de la commune furent forcés de conduire eux-mêmes]. Cette fois, la précision des griefs en permettait le contrôle. Au reste, à ce même moment, le Luxembourg était déjà envahi : il est vrai que M. de Schoen envoya à M. Viviani une note où il était dit que celte invasion, contraire aux traités internationaux, ne constituait cependant pas une agression, mais n’était qu’une simple mesure préventive !
Intervention de Raphaëlle Bats, co-responsable de l'URFIST de Bordeaux, Université de Bordeaux, membre associée du Centre Emile Durkheim (U.Bordeaux)(intervention en visioconférence).