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EAN : 9782260030003
504 pages
Julliard (01/03/2018)
  Existe en édition audio
4.1/5   234 notes
Résumé :
En 1935, l'écrivain juif roumain Mihail Sebastian donne une conférence à l'université de Jassy, capitale culturelle, riche, cosmopolite et raffinée, de la Roumanie. Lorsqu'il est violemment agressé par des étudiants antisémites, seule une jeune femme, Eugénia, prend sa défense. Cette haine viscérale des juifs, Eugénia doit encore la combattre au sein de sa propre famille. L'un de ses frères occupera bientôt de hautes responsabilités au sein de la Garde de Fer, milic... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (71) Voir plus Ajouter une critique
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À La fin de la Première Guerre mondiale la Bessarabie, la Transylvanie (hongroise depuis 1867 au sein de la monarchie austro-hongroise), la Bucovine et une partie du Banat votent leur rattachement à la Grande Roumanie, officiellement neutre. En 1938, le roi Carol II instaure une dictature. Il fait tirer sur les fascistes de la Garde de fer, juger et exécuter leur chef Codreanu. Au début de la Seconde Guerre mondiale ce roi anglophile, qui combat également les communistes, fait garantir les frontières du royaume par le Royaume-Uni et la France.
 
Allié ensuite avec Staline par le pacte germano-soviétique de 1939, Hitler considère la Roumanie, à juste titre, comme une puissance hostile. À l'été 1940, après l'effondrement de la France, Hitler contraint Carol II à céder la Bessarabie et la Bucovine du Nord à l'URSS, la Transylvanie du Nord à la Hongrie. Par la suite, Hitler et la Garde de fer renversent le roi et le remplacent par le maréchal Antonescu ; la Garde de fer qui organise des attentats, et s'en prend aux Juifs et aux Tsiganes ; Antonescu qui engage, lors de l'opération Barbarossa (en juin 41), la Roumanie aux côtés de l'Allemagne dans l'offensive contre l'URSS.
 
Un contexte historique complexe, dans lequel Lionel Duroy imagine une histoire d'amour entre Eugenia, une journaliste roumaine, et l'écrivain juif roumain Mihail Sebastian. Eugenia a été élevée dans la haine des juifs — considérés par les Roumains comme des profiteurs à éradiquer — mais son amour pour Mihail la sensibilise à leur sort. Traumatisée par l'épouvantable pogrom de Jassy en 41, la jeune femme, après avoir cherché à comprendre l'origine du mal auprès des bourreaux, entre pendant la guerre dans la Résistance pour les combattre...

...Alors que son ami Mihail est sans espoir : « Nous mourons si mal, nous autres ! écrit-il dans Depuis deux mille ans. Les siècles de mort que nous avons traversés ne nous ont même pas appris si peu de chose. Nous vivons mal, mais nous mourons encore plus mal, dans le désespoir, dans la bataille. Nous manquons notre dernière chance de paix, notre unique chance de salut. Triste mort juive de gens qui, n'ayant pas vécu parmi les arbres et les bêtes, n'ont pas pu apprendre la beauté de l'indifférence dans la mort, sa dignité végétale.  »

Mêlant habilement fiction romanesque et réalité historique, un récit fluide et puissant sur l'engagement, les racines du mal, les nationalismes et l'antisémitisme, mais aussi, évoquant Malaparte, Cioran, Micea Eliade, Mihail Sebastian, sur le rôle des journalistes et des écrivains dans l'interprétation des événements dont ils sont les témoins. Avec ce sujet plus que jamais d'actualité — au regard de la résurgence des partis populistes dans le monde occidental — Lionel Duroy signe ici sans doute un de ses meilleurs romans.
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Nous sommes à Bucarest, au lendemain des obsèques du dramaturge juif roumain Mihail Sebastian, renversé par un camion, le 29 mai 1945.

Eugénia se souvient, elle nous invite à remonter le temps. Elle nous confie sa belle histoire d'amour avec cet écrivain qu'elle a aimé passionnément mais qui le lui rendait négligemment, amoureux qu'il était lui-même d'une belle actrice, Lény Caler, totalement infidèle et nous pénétrons, avec elle, la terrifiante Histoire de la Roumanie fasciste des années 30 aux années 40.

Madame Irina Costinas, professeure de littérature d'Eugénia, a invité, malgré l'atmosphère antijuive qui règne dans les universités, Mihail Sebastian, de son vrai nom Iosif Hechter. Elle espère inciter ses élèves, en s'appuyant sur le dernier ouvrage de Mihail « Depuis deux mille ans », à penser autrement.

Sous les yeux d'Eugénia qui est issue d'un milieu familial où il est normal de considérer les juifs comme des êtres à part, soient des parasites, soient des familles immensément riches, l'écrivain est agressé par des étudiants, adeptes de la Garde de Fer dont son propre frère est également adhérent.

C'est à cet instant précis qu'Eugénia va prendre conscience de la haine maladive qui submerge la Roumanie et admirant le courage de son professeure, elle va lui prêter main forte pour protéger l'écrivain.

Et Eugénia va se rappeler avoir souligné, avant l'intervention de Mihail, ce passage de l'ouvrage ; début prometteur et annonciateur de l'étincelle de lumière qui va participer à son éveil :

« Boulevard Elisabeta, un groupe d'adolescents en uniforme vendait des journaux.

- Les mystères du sacrifice rituel ! Mort aux youtres !

Je ne sais pas pourquoi je me suis arrêté. D'habitude, je passe mon chemin tranquillement parce que ce cri est déjà ancien, presque familier. Cette fois-ci , je suis resté là, surpris, comme si je comprenais soudain, pour la première fois, le sens de ces syllabes. Etrange. Ces gens parlent de mort et précisément de la mienne. Et moi, je passe à côté d'eux sans faire attention, l'esprit ailleurs, les entendant à peine.

Pourquoi est-il si facile, dans une rue roumaine, de crier « A mort » sans que personne daigne tourner la tête ? La mort me semble-t-il est tout de même une chose assez sérieuse. Un chien écrasé sous les roues d'une auto, cela suffit déjà pour un instant de silence. Si quelqu'un s'installait à un carrefour pour scander, par exemple, « mort aux hérissons ! » je suppose que les passants montreraient un minimum d'étonnement.
Réflexion faite, ce qui est grave, ce n'est pas que trois gars puissent se poster à un coin de rue pour hurler « mort aux youpins » mais que leur cri puisse passer inaperçu banal comme la cloche d'un tramway ».

A partir de ce jour, sa vie va basculer entre amour de cet homme, prises de conscience multiples, regard critique plus affûté sur l'entourage, nécessité de s'engager dans la résistance devant le fascisme, nécessité de témoigner devant la découverte, en tant que journaliste, de l'horreur du pogrom de Jassy en 1941, incompréhension devant la barbarie de cette boucherie, incompréhension devant le déni de la société du massacre de 13226 juifs.
C'est un livre admirable, exceptionnel, criant de vérités, intelligent, très intelligent, un excellent cours d'histoire pour les férus de mon acabit.

Eugénia raconte et l'emploi du « Je » tout au long de ses réflexions donne une profondeur indiscutable à ce livre comme on en rencontre peu. Habituellement, nous avons un récit, un constat, mais là, nous participons à ses interrogations qu'elles soient humanistes, philosophiques, ethnographiques, aux prises de position de ceux qui l'entourent. Elle mène un combat malgré le déni de ses propres parents, elle surmontera l'affection qu'elle leur porte pour ne jamais renoncer à ses idéaux.

Ce qui donne cet accent de vérité, d'authenticité, c'est que seule notre héroïne est fictive. La trame de cet ouvrage s'appuie sur le journal de Mihail Sebastian ainsi que sur une bibliographie citée en fin du livre. Quant au pogrom de Jassy, le récit s'appuie sur des extraits tirés de l'oeuvre de Curzio Malaparte. Lionel Duroy réussi un mélange entre la grande et la petite histoire d'une exceptionnelle qualité.

Nous y rencontrons les admirateurs d'Hitler, de la Garde de Fer, adeptes des théories antisémites comme Mircea Eliade, Emil Cioran.

Toutes les chroniques sur ce livre sont unanimes et je remercie Archie pour les échanges que nous avons eus à cet effet. C'est un livre que je n'oublierai pas.

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Ne comptez pas sur moi pour vous donner une leçon d'Histoire ! Je suis prof, d'accord, mais de français.

Sachez juste que cet excellent écrivain nous a conté par le biais de sa narratrice Eugenia l'histoire de la Roumanie de 1935 à 1945 : les multiples revirements des hommes au pouvoir, les tergiversations du roi Carol II qui cédera sa place, les périodes de semi-dictature et les temps où la liberté est là, et puis le début de la guerre avec la Roumanie comme alliée presque forcée de l'Allemagne, le combat contre les Russes, puis avec les Russes. Il semble que les Roumains n'ont jamais su où se placer exactement.
Mais Lionel Duroy, à travers sa narratrice, porte surtout son attention sur les Juifs, notamment par l'amour infini que porte Eugenia à un grand écrivain roumain et juif : Mihail Sebastian.

Cette « question juive », dans ce roman détaillé, est décortiquée, analysée jusqu'au tréfonds.
« de tous les peuples d'Europe, les Roumains, si fiers de leur sang, sont ceux qui haïssent le plus les juifs. Pourquoi ? Que viennent toucher les juifs de si douloureux dans le coeur des Roumains ? »
« Qui rejetons-nous quand nous rejetons un Juif ? Ne serait-ce pas une part de nous-mêmes que nous lui prêtons malgré lui ? Comme si, au fil des siècles, nous avions pris pour habitude de porter au crédit des juifs tout ce que nous n'aimons pas en nous, tout ce que nous voudrions détruire en nous. Comme s'il nous avait fallu désigner un bouc émissaire pour, en quelque sorte, nous délester de notre part sombre ».

Cette question est universelle parce que le lecteur se sent touché : pourquoi éprouvons-nous de la haine envers quelqu'un au point de le rejeter ?

Comment réagir face au traitement inhumain que supportent les Juifs ? La narratrice est horrifiée par le pogrom de Jassy (en 1942) où les Juifs sont pourchassés comme des chiens et tués à bout portant dans les rues, hommes, femmes, enfants, vieillards.
Et en même temps, Eugenia veut comprendre. Ses fréquentations l'amènent à contenir sa révolte pour s'interroger.
« En nous laissant guider par notre indignation, nous l'avons empêché de développer son point de vue. Songez à ce que nous avons raté ! »
« On parachève la rupture en prêtant à l'autre les sentiments les plus méprisables et les mieux à même d'éveiller la haine ».

Jamais il n'y a dichotomie, tout est dans la complexité. C'est d'ailleurs pour cela qu'Eugenia a quitté son emploi de journaliste.
« le journalisme est impuissant à rendre compte de notre incroyable complexité car ce qu'on devine d'une personne n'est pas considéré comme une information.
(...)
Je ne peux réduire ces hommes à leur inhumanité, je dois dire aussi de quelle façon ils sourient à leur femme, avec quelle tendresse ils caressent les cheveux de leurs enfants, car sinon ce serait feindre de les comprendre alors qu'en vérité ils nous confrontent à quelque chose d'inexplicable.
(...)
Il faut cesser de poser des questions et s'introduire dans l'intimité des gens, bourreaux et victimes, les écouter parler, ne pas les interrompre, ne pas les contredire surtout, acquiescer silencieusement à tout ce qu'ils disent. C'est notre seul espoir pour saisir un peu de notre complexité ».

Je pourrais encore recopier une infinité de passages, mais j'ai pitié de vous, et d'ailleurs, ce n'est pas un cours que je veux donner, c'est un ressenti.
Je le résume tout net : j'adore plonger dans les racines des faits, dans la profondeur des êtres. Et ici, j'ai été servie, et bien servie ! La lecture s'est opérée très lentement, car tout a une importance.
Si les faits historiques sont bien décortiqués, c'est surtout la réaction des gens qui m'intéresse, que ce soit des bourreaux, des victimes, ou de l'héroïne. Les écrivains aussi font partie de l'histoire, comme Malaparte, l'ambigu, ou Mircea Eliade, le beaucoup moins ambigu !
J'ai découvert le sombre écrivain Mihail Sebastian à travers les nombreux passages de son Journal et de son roman « Depuis deux mille ans », cités par Eugenia, la femme qui l'aime, et non la femme qu'il aime.

Je vous conseille donc, pour connaitre les faits précis, de vous reporter à une autre critique de Babelio que la mienne, mais en attendant, je ne peux que vous inciter à lire ce roman qui nous interpelle en tant qu'humains et qui nous cogne à la vie.
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„Sper ca romanul meu, Eugenia, să-l facă cunoscut pe Mihail Sebastian publicului francez“ (« J'espère que mon roman fera connaître au public français Mihail Sebastian », traduit du roumain et extrait d'une interview accordée à « Observator Cultural » [https://www.observatorcultural.ro/articol/sper-ca-romanul-meu-eugenia-sa-l-faca-cunoscut-pe-mihail-sebastian-publicului-francez/] )

C'est ce que le romancier appelle de ses voeux, les plus chers je dirais. En ce qui me concerne, je vais me montrer un peu rabat-joie et constater que l'oeuvre de Mihail Sebastian n'est pas plus accessible, au sens premier du terme, qu'avant cette « opération » de vulgarisation. En effet, on aurait pu espérer une concertation éditoriale pour une meilleure distribution du « Journal » en question, mais eu lieu de cela on a une version scandaleusement illisible (à cause des diacritiques « ratées ») en e-book par un grand éditeur français (cela a déjà été relevé ici comme ailleurs).

Que dire d'autre qui n'a pas déjà été abordé ? L'histoire sentimentale est un simple prétexte à mon sens et n'est pas des plus réussies, mais vous savez qu'en général j'applaudis facilement, quand on parle de la Roumanie. Je suis même sincèrement contente qu'il ait autant plu (plus de 50 critiques s'est appréciable, s'agissant d'une livre sur la Roumanie et son antisémitisme). Se pose subsidiairement la question de la fiction et du traitement de l'Histoire. Des ambiguïtés politiques sont mises en avant dans un travail qui n'est pas un essai et donc un risque de confusion peut subsister chez le lecteur.
Bref, si la bibliographie utilisée et citée était plus facile à se procurer, je dirais lisez-la directement plutôt que ce roman. Mais tel ne semble pas être le cas, alors…
On peut tout de même y glaner d'autres noms d'auteurs roumains à découvrir (cf. mes citations) : Emil Gulian ou Max Blecher .
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Je m'en suis voulu du plaisir que j'ai pris à larmoyer sur le malheur des autres. Il y a des auteurs qui font éclore des idées exactement vôtres mais que l'on ne pourrait jamais exprimer.
C'est surement ça le talent !

Quelle joie donc de faire la connaissance d'Eugenia, fraiche jeune femme intelligente dans la Roumanie de Juin 40 où l'Allemagne vient d'écraser la Pologne, le Danemark et la France.
Le roi Carol II n'a d'autres choix que d'accepter l'alliance que lui impose Hitler.
En interne depuis 1935 les fascistes des « gardes de fer » rêvent déjà de rendre la Roumanie aux roumains en éliminant l'ensemble des juifs.

D'une puissante charpente historique, les mots forts de Lionel Duroy lèvent pour moi le voile d'une Europe centrale basculant dans l'horreur et ce, soutenu par une romance improbable :
Eugenia est amoureuse de Mihail écrivain et dramaturge juif qui accepte sa condition.
« le sauver du sombre fatalisme dans lequel je le voyais s'enfoncer ».
Elle est également la soeur de Stefan dirigeant des « gardes de fer ».
La famille et la fratrie seront écartelées par ces convictions opposées.

J'ai apprécié le charisme et le dynamisme d'Eugenia, son altruisme et sa force de caractère qui lui permette d'affronter des situations inédites atroces. « Je n'en pouvais plus de devoir décider toute seule, de ne pouvoir compter que sur moi-même dans cette Europe qui semblait être tombée dans la main du diable. »
Cette main du diable sera cuirassée d'une telle haine des juifs qu'elle s'exécutera finalement dans le « pogrom de Jassy ».
Derrière ces mots à la jolie consonance se terrent la férocité et la barbarie. La moitié d'une ville a massacré l'autre. « Ce furent les jours les plus bestiales de l'histoire de l'humanité. »

Eugenia entrera en résistance laissant Mihail végétatif, tapi dans son appartement de Bucarest à écrire son journal, un peu comme s'il écrivait pour se taire. Ecrire pour ne pas mourir !
Lionel Duroy m'a littéralement embarqué dans le destin de l'Europe, d'un pays tourmenté,
d'un peuple roumain exsangue s'interrogeant : « Qu'étions nous allés faire jusqu'à Stalingrad quand nous roumains avions pour seule ambition de récupérer la Bessarabie et la petite Bucovine ? »

Ce commentaire parait bien mièvre comparé à la densité et au foisonnement d'idées de ce texte brillant notamment sur les suites du pogrom où Eugenia se demandera pourquoi après avoir relaté les faits, n'étions nous pas allé voir celui qui a tué toute une famille à la hache, ses voisins, alors qu'il les saluait chaque matin ?

« Ce qui fait la beauté d'Eugenia, c'est qu'elle n'en a aucune conscience. »
Je ne t'oublierai jamais, tu t'es battu pour ton pays, tes idéaux, ta famille, ton amour.
Pour revenir vers toi, il suffira que je prenne ce livre dans mes mains, compact, il se pliera à peine sous l'épaisseur des feuillets, que je ferme les yeux et tu seras là, à arpenter les rues de Jassy ou de Bucarest pour sauver du péril l'humanité, ton humanité.
Dansent les ombres du monde…
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critiques presse (4)
LaCroix
16 avril 2018
Lionel Duroy explore les racines de l’antisémitisme dans la Roumanie fasciste des années 1930 et 1940, dans une ample fresque romanesque mêlant fiction et réalité.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeMonde
29 mars 2018
Avec « Eugenia », superbe et terrifiant roman de la Roumanie fasciste des années 1930 et 1940, l’écrivain affronte la violence de l’Histoire et la façon dont chacun y réagit.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
26 mars 2018
Eugenia, le roman de Lionel Duroy, est à la fois historique, philosophique, tragique, foisonnant, déchirant, fascinant. Total.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeFigaro
09 mars 2018
L'héroïne du nouveau roman de Lionel Duroy est une jeune journaliste qui fait face à la montée dans son pays de l'antisémitisme des années 1930 et 1940.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (144) Voir plus Ajouter une citation
Comment le général Antonescu "grand patriote, officier d'une honnêteté irréprochable" selon le général Gamelin a-t-il pu en venir à engager la Roumanie au côté de la "monstrueuse tyrannie" dénoncée par Churchill?
C'est une question à laquelle je ne sais pas répondre. A-t-il pensé que c'était le prix à payer pour sauver son cher pays, lui qui se prévalut alors d'être le "Pétain roumain". S'est-il aveuglé au point de songer qu'il n'aurait pas à se salir les mains? Mihail qui suivait de près ce qui se passait en Pologne, notamment grâce au réseau diplomatique du prince Bibesco, comparaît Antonescu au gouverneur de ce pays, Hans Frank, que rien ne prédestinait à superviser la déportation des juifs (et leur massacre mains on ne savait rien encore du camp d'Auschwitz découvert par l'Armée rouge au début de cette année 1945). Comment Frank, cet avocat raffiné, mélomane, pianiste, père de famille, en était-il arrivé à supporter l'image de ces malheureux qu'on entassait dans des wagons à bestiaux ou qu'on laissait mourir de faim à l'intérieur des ghettos?

Page 201/202

NDL. : Là est toute la question;

Page 173 il y a la fameuse formule de Talleyrand "En politique, il n'y a pas de convictions, il n'y a que des circonstances" je pense l'avoir bien compris, cela se voit tous les jours, mais je préfère la formule de Churchill "Ils ont préféré le déshonneur à la guerre, ils auront le déshonneur et la guerre".




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L'essentiel, cependant, serait de ne pas trembler le jour dit au moment de "tirer pour tuer" et, pour cela, nous avions des cours d'endoctrinement politique destinés à nous convaincre que l'ennemi fasciste était un péril pour l'humanité et qu'à ce titre, il devait être exterminé, comme on extermine la vermine.

Secrètement, j'appelais cela des cours d'entraînement à la haine et je songeais qu'ils étaient moins efficaces, en ce qui me concernait, que de me remémorer certaines scènes du pogrom de Jassy. Le dégoût et la colère pouvaient éveiller en moi un violent esprit de vengeance qui me donnait la certitude que j'étais prête à tuer. Pourtant, aussitôt que j'essayais de me projeter dans une situation concrète, je n'étais plus sure de rien.

Qu'arriverait-il, par exemple, si je recevais l'ordre d'abattre Mircea Manoliu ?
Certes, c'était un assassin mais il n'était pas que cela, Il était aussi le mari d'Adriana et le père de leur enfant. En le tuant d'une balle dans le dos - comme il avait procédé lui-même avec les juifs - j'allais également ruiner la vie de sa femme et de leur enfant qui n'avaient fait aucun mal.


Pages 380/381
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Les juifs tenaient généralement les horlogeries, les pharmacies, les cabinets médicaux et dentaires, les studios de photographie, les enseignes de gramophones et de TSF, les commerces d'instruments de musique, les imprimeries, enfin bref, tout ce qui nécessitait d'avoir de solides connaissances, tandis que la cordonnerie, la serrurerie, le métier de barbier, ou encore la blanchisserie, qui ne réclamaient qu'un bref apprentissage, était le lot des Roumains.
Ce n'était pas que les juifs étaient plus intelligents, ou raffinés, que les Roumains, non, c'était la conséquence d'une loi qui leur interdisait de posséder de la terre dans un pays où l'économie reposait essentiellement sur l'agriculture, de sorte que s'ils voulaient échapper à la grande pauvreté des faubourgs, l'unique solution dont ils disposaient était de se tourner vers les études. Leur " réussite " était en quelque sorte le résultat inattendu d'une mesure discriminatoire.

( p.21)
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Certes, nous savions que depuis 1919, tous ces juifs étaient essentiellement roumains, comme notre père nous l’avait rappelé, mais nous savions aussi que la Roumanie avait dû prendre la décision de les naturaliser sous la pression de la France, sa grande amie, son alliée de la victoire de 1918 contre l’Allemagne, et qu’en vérité, ce n’était le souhait ni de nos dirigeants ni de la majorité du peuple roumain. Pour nous, ces juifs venus de Galicie, de Russie, de Hongrie, de Pologne, d’on ne savait trop où encore, qui avaient envahi notre ville sans vergogne et dressé leurs synagogues ici et là, demeuraient des juifs, des étrangers, et ne seraient jamais de véritables Roumains. P 22
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(*Citation prolongée d'un extrait de " Depuis deux mille ans" de Mihail Sebastian)

Quant à moi, avais-je pensé, tandis qu'Irina Costinas partait dans des explications de plus en plus obscures, ce qui m'a troublée dans " Depuis deux mille ans" c'est d'être précipitée dans la tête d'un juif, de devoir soudain regarder le monde avec les yeux d'un juif.J 'avais souligné un passage à cet égard, me demandant quelle question je pourrais bien poser à M.Sebastian après l'avoir lu à haute voix, et pendant que notre professeur parlait je le relis discrètement :

"(....) Pourquoi est-il si facile, dans une rue roumaine , de crier " A mort!" sans que personne daigne tourner la tête ? La mort, me semble-t-il, est tout de même une chose assez sérieuse. Un chien écrasé sous les roues d'une auto, cela suffit déjà pour un instant de silence.Si quelqu'un s'installait à un carrefour pour scander, par exemple, " Mort aux hérissons !", je suppose que les passants montreraient un minimum d'étonnement.
Réflexion faite, ce qui est grave, ce n'est pas que trois gars puissent se poster à un coin de rue pour hurler " Mort aux youpins!", mais que leur cri puisse passer inaperçu, banal comme la cloche d'un tramway.

( p.32)
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Vidéo de Lionel Duroy
À l'occasion de la 45ème édition du festival "Le livre sur la place" à Nancy, Lionel Duroy vous présente son ouvrage "Mes pas dans leurs ombres" aux éditions Mialet-Barrault. Rentrée littéraire automne 2023.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2885772/lionel-duroy-mes-pas-dans-leurs-ombres
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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