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Critique de PhilippeCastellain


Quiconque est déjà allé à Chypre n'a pu qu'en tomber amoureux. Il y a des temples face à la mer, des forteresses perchées sur des éperons rocheux, des mosaïques antiques, des églises aux incroyables fresques. Il y a des petits villages dans les montagnes, des chevauchements de collines, la grande plaine fertile de la Mésorée… Et au milieu, comme une balafre, une hideuse ligne de barbelés hérissée de miradors, coupée de check-points et peuplée de soldats. Au sud, un pays européen moderne et prospère. Au nord, un pseudo-état pauvre et sale aux allures de dictature militaire, où l'on croise beaucoup de bâtiments en ruine, de soldats et de statues d'Atatürk. La Turquie tient la zone, et ne compte pas la lâcher.

Lawrence Durell, le célèbre auteur du ‘Quatuor d'Alexandrie', y passa quelques années. C'était avant l'indépendance, quand l'île était alors une colonie anglaise. Une époque révolue, une sorte d'âge d'or à certains égards, pour lequel son talent de conteur peut se donner à sa pleine mesure. Mais c'était également un diplomate émérite, qui analyse finement la situation, et expose comment le manque de moyens et l'inertie du gouvernement britannique menèrent à la catastrophe. Qui pouvait croire qu'un lieu aussi paradisiaque pouvait sombrer dans la violence et le chaos ? Personne, pas même lui. Quand les premières bombes explosèrent, que les premières personnes furent assassinées dans la rue, le réveil fut dur.

Les montagnes de Kyrenia, le village de Bellapais et son antique abbaye, les paysans avec lesquels il buvait un vin noir et sucré, les champs de citronniers… Tout cela n'est plus. La lutte dressa l'une contre l'autre la population grecque, qui réclamait le rattachement à la Grèce, et la minorité turque, qui ne voulait pas en entendre parler. La haine se prolongea après l'indépendance. La Turquie envahit alors le nord de l'île, où ne vivaient que peu de chypriotes turcs mais où se trouvaient toutes les ressources exploitables, et y créa un état fantoche. 150 000 grecs et 35 000 turcs furent déplacés de force et Ankara, pour faire bonne mesure, y adjoignit une centaine de milliers de colons venus des régions pauvres d'Anatolie.

Un livre où s'exprime toute la beauté de Chypre, et tout l'amour de Lawrence Durell pour la culture hellénistique.
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