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Francesca Bénassy (Traducteur)
EAN : 9782253061267
1047 pages
Le Livre de Poche (28/10/1992)
4.3/5   224 notes
Résumé :
Principalement écrite en France pendant les années cinquante, cette fresque majestueuse, opulente et sensorielle, tient de la symphonie littéraire. Des femmes et des hommes exceptionnels la peuplent, entre histoires d’amour et événements politiques, avec, à l’arrière-plan, l’exotique et cosmopolite Alexandrie avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans Justine, le premier des quatre romans du Quatuor, on rencontre Darley, un Anglais qui se souvi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
4,3

sur 224 notes
Aujourd'hui il sera question d'une oeuvre dont l'action se passe en Egypte.

Ah, l'Egypte et ses pharaons, sa civilisation millénaire, ses monuments grandioses, ses felouques sur le Nil au coucher du soleil, la Vallée des Rois, la malédiction de Toutankhamon, les temples d'Assouan, de Louxor, de Philae, le Caire et ses 10 millions d'habitants..... STOOOOOOOOOOOOOOOP! coupez, c'est pas la bonne bobine, ça c'est le commentaire sur mes vacances avec "suivez le troupeau.com" en 1982, j'étais partie une semaine avec Gérard et Dédé, enfin bon on a tous chopé la tourista et....

Je reviens au Quatuor d'Alexandrie, qui se compose de 4 parties et dont les personnages font de la musique de chambre. Enfin pas vraiment, il y a un narrateur anglais un peu paumé, une femme fatale juive hystérique et nymphomane, un chrétien copte riche et neurasthénique, et un médecin homosexuel et mystique. C'est classique et ordonné comme un quatuor de Bach, c'est lent comme le cours du Nil, c'est lumineux comme le soleil de midi sur Chéops, c'est poignant comme le chant du muezzin à l'aube, c'est poisseux comme les marais du delta.

Si vous trouvez qu'il y a des longueurs dans Victor Hugo, si Stendhal vous agace et que Dostoïevski, ça va si on saute la moitié des pages NE LISEZ PAS LE QUATUOR. Sinon, tentez l'expérience, par petites doses ou en perfusion, et immergez- vous dans ce bain de vapeur suffocant.
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Un chef d'oeuvre absolu, mon livre favori. Partant d'une idée étonnante (illustrer très indirectement la théorie de l'espace-temps d'Einstein en racontant quatre fois la même histoire, pour illustrer les trois dimensions de l'espace et celle du temps), Lawrence Durell déroule un univers d'une infinie complexité psychologique. Il ne faut pas se laisser décourager par le premier tome, le plus difficile d'accès (Justine, écrit sans ordre chronologique), mais une fois que l'on est saisi par la musique particulière du style de l'auteur, on ne peut plus s'en détacher. Chaque tome enrichit l'histoire et en fait découvrir de nouvelles facettes. A lire absolument.
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Justine
Balthazar
Mountolive
Clea
 
Ce cycle est composé de 4 romans, mais ils sont censés constituer un tout, et en réalité cela n'a pas grand sens de les lire séparément. Résumer ce merveilleux récit semble impossible, c'est une tâche vouée d'avance à l'échec, car il est d'une richesse et d'une complexité qui échappent à toute réduction sommaire.

Son auteur se réclamait de l'influence des Hauts de Hurlevent ainsi que des Mille et une nuit. Sa définition du Quatuor est la suivante "C'est une sorte de poème en prose adressée à l'une des grandes capitales du coeur, la Capitale de la Mémoire."

Disons que les personnages évoluent pour presque totalité à Alexandrie juste avant la deuxième guerre mondiale, et pendant cette guerre en ce qui concerne Clea. Ils sont de diverses nationalités, égyptienne, britannique, française, grecque...Cosmopolites comme la ville d'Alexandrie, tortueux et pittoresques comme ses ruelles, en recherche d'eux même dans une ville qui brûle de tout l'éclat d'un sombre joyaux avant les soubresauts de l'histoire qui vont complètement bouleverser son existence. Durrell évoque une ville qui n'existe plus telle qu'il l'a décrite, si d'ailleurs elle avait jamais existé sous cette forme ailleurs que dans sa tête.

Des amours se nouent : L. G. Darley (les mêmes initiales que Durrrell lui-même) jeune écrivain irlandais, narrateur des 3 de récits sur 4 aime à la fois ou successivement la tendre, l'émouvante Melissa, la fascinante et vénéneuse Justine et la lumineuse et rayonnante Clea. Mais ces femmes ont leurs secrets, et toute une vie qui échappe à Darley. Qui aime qui ? Qui trahit qui ? Les pistes se brouillent et les intrigues se multiplient. Sans parler des tous les autres personnages, qui nous découvrons pour quelques pages ou plus: Nessim, Leila, Capodistria, Pursewarden... Ils sont innombrables et tous ont leur petite flamme magique. Et puis il y a les intrigues politiques, la diplomation internationale, les ambitions personnelles dans ce monde qui se précipite vers la deuxième guerre mondiale.

Le style de Durrell est flambant et baroque, d'une beauté, d'une richesse, d'une luxuriance éblouissantes. La structure du récit est d'une extrême audace et d'une grande complexité, puisque les 3 premiers romans évoquent plus ou moins les mêmes événements, mais avec des points de vue, des éléments qui font que leur sens est complètement différent. Quelle est la bonne vision? Chaque lecteur se constitue finalement la sienne.

La richesse des sens répond en quelque sorte à la richesse des mots et des images poétiques pour un voyage magique et différent pour chaque lecteur.

Certains critiques ont été réservés devant ce cycle romanesque, qui est disons trop : trop flamboyant, trop démesuré, trop exotique, trop mélodramatique. ...Certes. Il existe des livres plus harmonieux, à la beauté plus classique, et je reconnais que je trouve Clea décevante après les 3 autres romans. Mais lorsque'on aime un livre pas malgré mais à cause de ses défauts, c'est un amour pour la vie qui ne vous quittera plus et qui vaut mieux que toutes les savantes analyses pour déterminer la valeur littéraire d'un ouvrage.

Je ne peux que vous inciter à faire ce voyage magique à Alexandrie, mais prenez garde comme moi vous risquez de ne plus revenir.
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Les quatre tomes du quatuor d'Alexandrie ont été publiés séparément mais ils constituent un seul et même roman qu'il est indispensable de lire intégralement pour apprécier toute la subtilité et l'ambition du projet littéraire.

Comment appliquer la célèbre équation d'@Albert Einstein en littérature ? C'est le pari fou et réussi de @Lawrence Durrell mais ce serait faire injure au roman que de le résumer à cela car @Le quatuor d'Alexandrie est un livre où la richesse et la beauté du style n'ont d'égal que l'intelligence du propos.
Mais qui mieux que l'auteur peut définir l'intention. A la fin du premier tome, @Justine, @Lawrence Durrell écrit à son ami @Henri Miller et donne cette définition du roman « C'est une sorte de poème en prose adressé à l'une des plus grandes capitales du coeur, la Capitale de la mémoire… »


Dans @Justine nous découvrons Darley, le narrateur, sur une île des cyclades. Il se souvient de la ville d'Alexandrie et raconte le quatuor amoureux qu'il composa avec Justine, Melissa et Nessim. le lecteur déambule dans le récit comme Darley le faisait dans le dédale des rues d'Alexandrie qui devient un personnage à part entière. La chaleur moite et palpitante, les senteurs de fruits pourris, de jasmin et la sueur musquée des corps accentuent cette impression d'immobilisme qui règne durant les ¾ du tome. Les souvenirs émergent par bribes, sans repère, sans aucune chronologie et il faut se laisser porter par la beauté du texte, sa musicalité, faire confiance à @Lawrence Durrell pour entrevoir « la vérité » de Darley sur cette histoire où l'amour et le désir se croisent, se mêlent et se démêlent brisant toutes certitudes.


Dans @Balthazar, second tome du quatuor d'Alexandrie, on retrouve Darley sur son île qui reçoit la visite de Balthazar à qui il avait envoyé son manuscrit de Justine. Balthazar a entièrement annoté le manuscrit de Darley qui s'aperçoit alors que la situation politique de l'Egypte et le passé des différents protagonistes, qu'il ignorait complètement, l'ont complètement fourvoyé.

@Balthazar raconte donc la même histoire que @Justine mais elle n'est plus du tout la même histoire. Des personnages secondaires, de @Justine, deviennent principaux tel Narouz le troglodyte à la gueule cassée, frère de Nessim ; voire primordial comme l'écrivain désabusé Pusewarden aux maximes cyniques et drôles. Nous faisons également connaissance avec Mountolive qui sera au centre du troisième tome.

La société anglaise est bien égratignée par @Durrell qui incorpore de nombreuses références à @D.H. Lawrence et @Henri Miller qui partagent avec lui la vision d'une Perfide Albion sclérosée.

@Justine se terminait par une grande scène épique de chasse, cette fois c'est le carnaval d'Alexandrie et le bal masqué simultané qui se déroule chez les Cervoni qui constitue la grande scène épique au cours de laquelle un meurtrier se trompe de victime.

Si le personnage de Pusewarden apporte beaucoup d'ironie au roman Scobie est le point d'orgue de l'humour également très présent chez @Durrell.

Au cours de ce second livre, toutes les images des personnages ont bougé, toutes les interprétations ont été mises en doute, et toutes les certitudes ont vacillé. La lettre de Clea, qui vient clore le livre, comprend une autre lettre, de Pusewarden, et constitue, là encore par ses divergences d'interprétation, une ultime figure de mise en relativité.


@Mountolive est le troisième tome du quatuor d'Alexandrie. @Durrell le qualifiait de roman orthodoxe qui recoupait les deux premiers en plusieurs endroits. le narrateur erratique est cette fois-ci remplacé par un point de vue extérieur plus neutre.

Le roman s'ouvre sur une incroyable scène de pêche à laquelle participe David Mountolive dont la vie nous est partiellement contée. Notamment sa liaison avec la solaire Leila, la mère de Nessim qu'il rencontre alors qu'il est envoyé en Egypte par le Foreign Office pour se perfectionner en arabe. Au cours de son long séjour dans la demeure familiale Hosnani, le mari paralytique de Leila, Falthaus lui expliquera la position délicate des Coptes dans la société égyptienne et de la grande responsabilité des anglais dans ce déclassement avec la perte du contrôle du Moyen Orient qui mettra à mal toutes les minorités jusqu'alors très présentes en Egypte. L'histoire récente lui donnera malheureusement raison.

Nous suivons ensuite le jeune diplomate en Russie, à Berlin, mais également en Angleterre où Mountolive rencontre pour la première fois Liza, la soeur aveugle de Pusewarden, dont il s'éprend. Puis c'est le retour en Egypte où il vient d'être nommé ambassadeur.

De nombreux épisodes des livres précédents sont narrés pour la seconde ou troisième fois et les cartes sont à nouveau complètement rebattues. C'est le temps des révélations, les faux-semblants et les fausses pistes égrenées lors des deux premiers tomes implosent pour laisser place à la vérité incontestable dévoilée avec une grande dramaturgie. C'est le temps du contre-espionnage britannique et de ses luttes intestines, celui de la corruption et de la politique avec en point d'orgue la Palestine, celui des trahisons.


@Cléa est le dernier tome de la rhapsodie Durrellienne d'Alexandrie.

Darley redevient le narrateur mais non plus de la mémoire mais du présent. Mnemjan est venu les chercher sur l'île, lui et l'enfant. Alexandrie les accueille sous le feu d'artifice d'un bombardement. C'est la guerre, et pour la première fois Darley ne scrute plus uniquement le même passé, l'histoire progresse, le temps a fait son oeuvre, les traces de la déchéance sont visibles : Nessim a perdu un oeil, la beauté de Justine s'est flétrie, Balthazar n'est plus que l'ombre de lui-même. La mélancolie est omniprésente.

Certaines énigmes trouvent leurs réponses grâce au journal intime de Pusewarden ou par les confessions de Cléa.

Mais comme le cours du temps a repris, d'autres histoires s'écrivent : la réhabilitation de Balthazar, le nouveau nez de Samira, le mariage de Mountolive avec Liza.

Darley et Cléa deviennent amants mais hantés par le passé ils se séparent et Darley fait ses adieux à cette Alexandrie qu'il perd et retourne sur son île. L'histoire se termine et recommence avec l'écriture du récit par Darley.

Le style est baroque, riche et d'une beauté absolue, combien de fois suis-je revenu en arrière pour relire des passages entiers, parfois plusieurs pages, pas question d'accélérer la lecture, la ralentir, profiter de chaque mot, du souffle inouï instauré par @Durrell dans son histoire.

C'est avec une grande mélancolie que je laisse derrière moi l'Alexandrie de Durrell, ce ne fut pas un voyage de tout repos avec ses nombreuses ellipses mais quel voyage dans la relativité littéraire de Durrell. Un énorme coup de coeur !


Challenge solidaire
Challenge pavé
Challenge XXème siècle
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Le Quatuor d'Alexandrie, célèbre tétralogie de Lawrence Durrell a été défini par son auteur comme "une enquête sur l'amour moderne", mais a souvent été considéré par ses lecteurs davantage comme une évocation d'une ville - la gréco-arabe, multiethnique Alexandrie de son titre. Des variations presque infinies de l'amour sont certainement explorées dans ses pages, et la présence d'Alexandrie imprègne certainement l'oeuvre. L'oeuvre elle-même est plus grande que ses thèmes et jette un charme qui n'est ni précisément émotionnel ni spécifiquement topographique.

Il n'est en fait ni spécifique ni précis sur quoi que ce soit. C'était un roman expérimental de son époque, peut-être lié au travail de l'ami de Durrell, Henry Miller, peut-être à Ulysse. Il était basé sur l'idée que les gens et les événements semblent différents lorsqu'ils sont considérés sous des angles et des périodes différents, et qu'ils peuvent être mieux enregistrés, comme Durrell lui-même l'a dit, de manière stéréoscopique. Les quatre volumes concernent les mêmes personnages, mais chacun des narrateurs raconte les histoires complexes de son propre point de vue, et ils écrivent à des moments différents. C'est un dispositif, selon Durrell, équivalant à un nouveau concept de réalité, reflétant les idées de Freud et d'Einstein et une convergence de la métaphysique occidentale et orientale.
S'il y a des parties de l'ouvrage que peu de lecteurs, je suppose, parcourront sans sauter, il y a de nombreux passages d'une si grande inspiration que les atteindre donne l'impression de sortir d'une mer agitée dans des eaux méditerranéennes d'un bleu merveilleusement clair.

Le caractère levantin particulier d'Alexandrie, tel qu'il existait à l'époque de Durrell, est invoqué avec insistance dans ces pages, plus particulièrement à travers le plus grand des poètes alexandrins, Constantin Cavafy - décédé en 1933, mais dont la présence à la dérive dans les livres est presque aussi obsédante que la présence de la ville elle-même.
C'est Cavafy qui écrivait d'Alexandrie « Il n'y a pas de terre nouvelle, mon ami, pas de mer nouvelle ; car la ville te suivra, / Dans les mêmes rues tu erreras sans fin… » L'un des narrateurs de cet ouvrage va encore plus loin : « L'homme n'est qu'un prolongement de l'esprit du lieu », dit Nessim dans Justine.
On apprend vite la géographie du lieu, de la belle rue Fuad aux ruelles maillées arabes, de l'élégance de L'Etoile ou du Cecil Hotel aux cafés à haschisch des bidonvilles ou aux abords sablonneux du désert occidental. On voit l'intérieur des demeures de riches cosmopolites et diplomates, on visite des chambres mansardées étouffantes, des bordels et des pavillons de plaisance en bord de mer.

Lecteur, attention ! Les chocs sont toujours autour du coin poussiéreux.
Les quatre livres de la tétralogie parurent à l'origine séparément - Justine en 1957, Balthazar et Mountolive en 1958, Cléa en 1960. Ils furent immédiatement reconnus comme des oeuvres remarquables, mais le verdict sur l'ensemble, toujours respectueux, fut mitigé. Les critiques français l'adorent. Les Américains l'ont avalé. Les critiques anglais n'étaient pas si sûrs. Durrell, un expatrié de longue date, n'a jamais été un admirateur de la culture anglaise, et sa prose élaborée n'a pas beaucoup plu à des littérateurs plus austères tels qu'Angus Wilson, qui l'a qualifiée de vulgaire fleurie. Ses prétentions ont été moquées, ses excès d'avant-garde parodiés, et bien que les livres aient été des triomphes commerciaux, il n'a plus rien écrit d'aussi populaire.

Mais l'ensemble lui-même, cette immense construction imaginaire, a résisté à l'épreuve du temps et du goût, et n'a jamais été épuisé – ne le sera probablement jamais. Un demi-siècle après son achèvement, ces vulgarités fleuries, ces prétentions modernistes ne semblent plus qu'accessoires en égard à sa saveur unique, qui persiste dans l'esprit longtemps après que ses intrigues labyrinthiques (car elles sont innombrables et confuses) ont été oubliées.
On lit le quatuor, soit à Alexandrie, ou bien à Corfou, ou encore à Sommières dans le Gard ou Lawrence termina są vie, en buvant – je n'aime pas les boissons anisées, mais cela peut le faire, pour moi ce sera des kilos de retsina.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Citations et extraits (56) Voir plus Ajouter une citation
Je repense à cette époque où le monde connu existait à peine pour nous quatre; les jours n'étaient que des espaces entre des rêves, des espaces entre les paliers mouvants du temps, des occupations, des bavardages...Un flux et reflux d'affaires insignifiantes, une flânerie sans but au long de choses mortes, qui ne nous conduisait nulle part, ne nous apportait rien, une existence qui n'attendait rien d'autre de nous que l'impossible: être nous mêmes.
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-" La vérité est à double tranchant, vous savez. Il n'est pas possible de l'exprimer avec des mots, cet étrange instrument fourchu avec sa dualité fondamentale !
Les mots ! Que fait l'écrivain ? Il s'acharne à utiliser, avec le plus de précision possible, un instrument dont il connait parfaitement l'imprécision fondamentale.
C'est un combat désespéré mais qui n'en est pas moins réconfortant pour autant, car c'est la lutte en soi, c'est cette volonté de se mesurer avec un problème insoluble qui grandit l'écrivain !
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Le ciel s'épaissit à son tour et se mit à frissonner et à grouiller comme la surface de l'eau. La nuit fut tout à coup peuplée de formes indistinctes, car tous ces bonds, ces craquements et ces cris avaient réveillé les habitants des rives, et ces nouveaux visiteurs, par centaines - pélicans, flamants, grues et martins-pêcheurs - arrivaient, en bandes désordonnées, de tous les nids de roseaux de l'estuaire et venaient participer à la curée en jetant des cris perçants et en décrivant d'audacieuses figures aériennes pour saisir le poisson au vol. L'air et l'eau grouillaient de vies tandis que les pêcheurs commençaient à entasser leurs prises dans les bateaux ou retournaient leurs épuisettes pour laisser ruisseler des cascades d'argent par-dessus les plats-bords. Les timoniers se trouvèrent bientôt enfoncés jusqu'aux chevilles dans une masse de corps à l'agonie, qui se tortillaient désespérément. Il y en avait assez pour les hommes et pour les oiseaux, et tandis que les plus grands échassiers du lac pliaient et dépliaient leurs ailes timides comme d'antiques parasols de couleur ou rôdaient d'un vol lourd sur les eaux bouillonnantes, les martins-pêcheurs et les mouettes fendaient les airs à la vitesse de l'éclair, affolés par la faim et l'exitation de la chasse, volant à une allure de suicide, certains se rompant le cou en fonçant droit sur le pont des bateaux, d'autres piquant du bec dans la chair brune d'un pêcheur, ouvrant une joue ou une cuisse, dans leur terrifiante avidité. Les éclaboussements d'eau, les cris rauques, les craquements de becs et d'ailes et le battement furieux des tambourins donnaient à toute cette scène une splendeur inoubliable qui évoquait vaguement dans l'esprit de Mountolive, d'antiques fresques pharaoniques de lumière et de ténèbres.
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- Les amants ne sont jamais également assortis, vous ne croyez pas ?
L'un des deux fait toujours de l'ombre sur l'autre et l'empêche de grandir, de sorte que celui qui se sent étouffé cherche désespérément un moyen de s'évader, pour être libre de poursuivre sa croissance. N'est-ce pas là le drame essentiel de l'amour ?
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Et le temps s'écoulait, par un hiver de vents et de gelées plus mordantes que les chagrins, et par un bref printemps, pressé, semblait-il, de céder la place à ce dernier et splendide été. Il arriva par de somptueux détours, comme de quelque latitude longtemps oubliée que l'Éden aurait longuement savourée en rêve avant qu'il éclose miraculeusement parmi les pensées dormantes de l'humanité. Il fondit sur nous, telle une nef fabuleuse, jeta l'ancre devant la ville, et replia ses voiles blanches comme les ailes d'une mouette. Ah, je cherche les métaphores qui pourraient évoquer le bonheur pénétrant trop rarement accordé à ceux qui aiment; mais les mots furent inventés pour combattre le désespoir; les mots sont trop grossiers pour refléter les harmonies sereines d'une âme en paix avec soi-même et avec le monde. Les mots ne sont que les miroirs de nos mécontentements; ils renferment tous les oeufs énormes non encore éclos de tous les chagrins du monde.
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