Ce qui m'a donné envie de lire ce premier tome du Quatuor d'Alexandrie est le fait que je trouve Cléa, dernier tome, dans la bibliothèque familiale dans l'ancienne édition de poche.
Pour revenir à Justine, il s'agit d'un roman sur la nostalgie d'Alexandrie et des amours de jeunesse d'un narrateur non identifié
Durrell nous parle des désirs d'un homme envers Justine, une femme insaisissable au premier abord. Même son premier mari lui a consacrée un roman ,où son prénom a seulement été changé, pour la cerner.
Le style n'est pas linéaire mais cela ne m'a nullement dérangée.
Ce premier volet est par moment poétique et cela donne plus de poids à cette nostalgie d'avant la Seconde Guerre mondiale.
Un coup de coeur assurément.
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Dans un style nonchalant, très descriptif, très beau et très bien traduit, l'auteur nous promène dans son ennui, auprès de ses conquêtes amoureuses et de personnages marquants, composant son environnement Alexandrin... la ville étant elle-même un personnage ! Et quel personnage !
La vie d'expatrié correspond bien à cet état d'esprit mais, avec un fil conducteur extrêmement ténu, l'ennui m'a parfois rattrapé. Les émotions sont à rechercher dans cette nonchalance lourde, parfois dans une sensation décrite fugitivement, des odeurs, des lumières... Les portraits des personnages principaux fréquentés par le narrateur sont irrésistibles d'humour et de vérité.
Des divagations, des métaphores improbables, des citations d'autres textes, des personnages aux doubles personnalités, il y a de quoi se perdre. Il m'a fallu m'accrocher pour terminer, je m'y suis pris en plusieurs fois. Bref une sensation bizarre entre beauté pure, sentiments désuets et ennui partagé.
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Un grand et profond roman qui nous fait découvrir en approche feutrée Alexandrie, à travers le portrait de deux femmes aimées par le narrateur ; roman qui va loin, très loin dans les méandres du coeur humain, du temps qui passe, à travers l'influence sous-jacente et prégnante à la fois d'une immense ville orientale dans les jeux de la destinée humaine.
Un coup de coeur assurément face à la puissance d'un texte dont le moindre mot, la moindre phrase sont d'une intelligence rare, frappant la cible avec précision et clairvoyance extrêmes. Oui, une belle découverte et l'envie de continuer ce voyage en eaux profondes avec les autres volumes.
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Les cigales palpitent dans les grands platanes ; la Méditerranée s'étend devant moi dans toute sa splendeur estivale d'un bleu magnétique. Quelque part là-bas, derrière la ligne mauve et vibrante de l'horizon il y a l'Afrique, il y a Alexandrie, maintenant son emprise ténue sur les affections au moyen de souvenirs qui se fondent déjà lentement en un immense oubli ; souvenir d'amis, souvenirs d'événements passés depuis longtemps. La lente chimère du temps commence à les saisir, estompant les contours... au point que parfois je me demande si ces pages relatent les actions d'êtres humains réels, à moins que ce ne soit l'histoire de quelques objets inanimés qui précipitèrent le drame autour d'eux : un bandeau noir, un doigtier vert, une clé de montre et une paire d'anneaux de mariage sans propriétaires?
De Justine[…] Je dirais seulement qu'en bien des cas elle pensait comme un homme, et dans ses actes elle goûtait une certaine indépendance verticale à adopter un comportement masculin. Notre intimité était d'un ordre psychique très étrange. Très tôt, je découvris qu'elle pouvait lire dans la pensée d'une façon très sûre. Les idées nous venaient simultanément. Je me souviens d'avoir eu conscience, une fois, qu'elle pensait exactement à la même chose que moi, et dans les mêmes termes: “Cette intimité [italique] ne dois pas aller plus loin, [fin de l'italique], car nous en avons déjà épuisé toutes les possibilités en imagination; et ce que nous finirons par découvrir, au delà des sombres couleurs de la sensualité, sera une amitié si profonde que nous deviendrons esclaves l'un de l'autre pour toujours." C'était, si vous voulez, le flirt de deux esprits prématurément exténués et qui semblait encore beaucoup plus dangereux qu'un amour fondé sur une attraction purement sexuelle.
[...] pour tous ceux qui sentent profondément et qui ont conscience de l'inextricable labyrinthe de la pensée humaine il n'y a qu'une seule réponse possible : une tendresse ironique, et le silence.
Je revois [Justine] chez sa couturière, assise devant les grands miroirs à multiples faces, et disant :
- Regarde! Cinq images différentes du même sujet. Si j'étais écrivain, c'est ainsi que j'essaierais de dépeindre un personnage, par une sorte de vision prismatique. Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas voir plus d'un profil à la fois?
- Baudelaire dit que la copulation est le lyrisme de la populace. Rien de plus hélas! Le sexe est en train de mourir. Encore un siècle et nous mettrons notre langue dans la bouche des autres en silence, avec autant de passion que des huîtres. Oh! oui. Indubitablement.