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Critique de Colchik


Balthazar, le second tome du Quatuor d'Alexandrie, s'ouvre à nouveau sur la retraite de Darley sur l'île grecque où il vit en compagnie de l'enfant de Melissa et de Nessim. Un soir, son ami Balthazar – le médecin qu'il fréquentait à Alexandrie – débarque pour lui rendre son manuscrit annoté de ses commentaires.
Darley replonge dans ses souvenirs éclairés, voire réinterprétés, grâce aux notes de Balthazar. La perception des événements tels qu'il les avait vécus est modifiée par les confidences recueillies par le médecin, les observations qu'il a pu faire, son témoignage direct sur certains drames comme le suicide de Pursewarden et la mort de Scobie.
Notre champ de vision s'élargit en même temps que Darley se décentre et abandonne sa posture de narrateur exclusif. Nous entrons dans un récit kaléidoscopique dont les figures se recomposent sous l'effet des révélations de Balthazar. Ce dernier dit à Darley : « Vous ne feriez jamais un bon docteur. Il faut deviner les malades – car ils mentent toujours. Mais ils ne peuvent pas faire autrement, c'est une réaction de défense de la maladie, tout comme votre manuscrit trahit le mécanisme de défense du rêve qui refuse l'intervention de la réalité ! ». L'ambition de Durrell est tout entière contenue dans cette affirmation. La vision de Darley restait prisonnière de ses émotions, d'une ignorance et d'un refus d'une certaine réalité. Un autre récit, une autre perception des faits doivent venir compléter, voire infirmer le contenu du manuscrit primitif. Balthazar s'y emploie. La personnalité de Nessim, si lisse et fade dans Justine, se révèle par touches successives, notamment par le contrepoint introduit par Narouz, son frère cadet, personnage ténébreux par excellence. le double secret de Justine nous est aussi révélé sans pour autant nous permettre d'embrasser la complexité de sa personnalité, comme si elle échappait malgré tout à une analyse définitive et gardait son mystère flamboyant, chaque homme l'ayant aimé n'en dévoilant qu'un fragment : Arnauti, Nessim, Pursewarden, Darley…
le brio narratif de Durrell ne doit pas occulter son sens de l'humour. Il y a des scènes très drôles dans Balthazar, souvent associées à des événements dramatiques. Lorsqu'au crépuscule, dans la nécropole de Saqqara, Justine évoque avec Pursewarden la manière choisie par elle de se guérir d'un souvenir traumatique en s'offrant au responsable, Da Capo – le vieux Porn –, la scène tourne au fou rire. de même, le meurtre de Scobie conduit à l'empoisonnement involontaire de ses voisins quand ils boivent l'alcool frelaté entreposé dans sa baignoire. Même télescopage du dramatique et du comique dans la scène où Narouz traque le Magzub dans une Alexandrie en fête, depuis l'hypnose d'un vieux sheik à la copulation de Narouz avec une vieille prostituée obèse.
Alexandrie est le théâtre sublimé de cette comédie humaine. Suivons l'écrivain sur ses traces : « Les triomphes de la politique, les grandes manoeuvres du tact, la cordialité, la patience… Libertinage et sentimentalité… tuer l'amour par nonchalance… se consoler dans les bras d'un autre… Voilà Alexandrie, la ville maternelle inconsciemment poétique, illustrée dans les noms et les visages qui ont composé son histoire. Écoutez. »


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