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Critique de Colchik


Clea vient clore le cycle romanesque du Quatuor d'Alexandrie initié avec Justine. Clea, Justine, deux figures féminines qui se répondent en s'opposant. Si pour Darley, le professeur et l'écrivain, Justine pourrait être la figure de l'anéantissement et de la stérilité créative, Clea représenterait la promesse d'un avenir et la naissance d'une oeuvre.
Darley quitte l'île où il s'était réfugié avec l'enfant de Melissa et regagne Alexandrie à la demande de Nessim. La guerre fait rage et il trouve un emploi de bureau à la censure. Il n'y a pas vraiment de retrouvailles avec Nessim et Justine qui sont cantonnés à la campagne à la suite du complot auquel ils ont été étroitement mêlés. Mountolive, le diplomate, demeure distant : amoureux de Liza Pursewarden, il craint le scandale qui mettrait fin à sa carrière si la nature des liens entre Liza et son frère était révélée. Les relations entre les personnages du Quatuor se recomposent et se recentrent autour de Darley et Clea, la femme peintre.
L'essentiel du roman s'attache à comprendre le processus de la création artistique sous ses différentes formes. La création poétique incarnée par Pursewarden – créateur maudit car son génie se nourrit de l'interdit – s'ancre dans l'esthétisme d'une beauté foudroyante qui n'est totalement accessible qu'aux intéressés, Liza et son frère. D'ailleurs, l'oeuvre la plus aboutie de Pursewarden sont ses lettres à sa soeur mais elles finiront au feu car elles échouent à remplir la condition même du chef-d'oeuvre : l'universalité. La création littéraire est personnifiée par Darley et Keats. le journaliste apparaît au départ comme un nécrophage, celui qui va révéler le scandale en avilissant l'oeuvre d'un autre, Pursewarden. Mais Keats a subi l'épreuve des combats et il a compris que le livre à écrire n'était pas une biographie sulfureuse mais une matière travaillée par son expérience de la guerre. Pour Darley, le chemin vers la création est encore plus tortueux puisqu'il passe par la solitude, l'éloignement, la décantation des expériences et des erreurs. Quant au processus créatif chez Clea, il est encore plus radical puisqu'il passe par la mutilation et la souffrance : elle ne peint plus, c'est sa main-prothèse qui crée. le dévoiement de la création s'illustre chez Capodistria. Là, l'oeuvre n'est que le résultat de l'alchimie, c'est-à-dire la combinaison de différents éléments dans un processus magique : les créations – et créatures – sont vouées à disparaître car elles ne sont pas maîtrisables par l'homme.
Alexandrie, embrassée dans une dernier été incandescent, peut s'effacer dans ce qu'elle avait de plus mortifère pour ressusciter, dans l'esprit apaisé de Darley, ailleurs, sous une forme mythologique : « Il était une fois... » La cité n'est-elle pas toute entière pétrie par les mythes ? La bibliothèque, le phare, le tombeau d'Alexandre sont des souvenirs fabuleux qui ont fini par appartenir au merveilleux. Alexandrie reste alors la ville alchimique par essence, celle qui a opéré toutes les transmutations et transformé un policier alcoolique et travesti (Scobie) en saint (El Scob) ?
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