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Critique de Nastasia-B


Cette pièce en trois actes de l'auteur suisse Friedrich Dürrenmatt m'a parfois évoqué le petit roman biographique L'Or de son compatriote Blaise Cendrars et bien plus encore Un Ennemi du peuple d'Henrik Ibsen.

En effet, il y est beaucoup question d'argent, d'une petite communauté, en l'occurence une petite ville de province, et d'un empêcheur de prospérer en rond. L'intérêt réside évidemment dans la réaction de la communauté vis-à-vis dudit " gêneur ".

Qu'en est-il ici ? La petite ville de Güllen frise la faillite totale : autrefois plutôt prospère, elle a vu toutes ses activités industrielles ou économiques péricliter ou s'effondrer. Toutefois, un espoir demeure…

Claire Zahanassian, jadis née Wäscher et pauvre à Güllen puis à présent veuve et héritière d'un richissime homme d'affaire, accumulant les remariages avec des hommes célèbres après en avoir plumé un certain nombre d'autres. On annonce la visite de la désormais vieille mais opulente dame en sa très minable et très miséreuse ville natale de Güllen.

Chacun espère donc énormément des libéralités de la rentière. On attend en particulier beaucoup de l'entremise d'Alfred Ill qui fut en son temps le petit ami de Claire Zahanassian avant qu'elle ne quitte le village. Des rumeurs prétendent qu'elle en était, à l'époque, follement amoureuse. Mais qu'en est-il à présent ?…

Et si la vieille dame était venue faire une proposition indécente à l'endroit de quelqu'un ? Qu'en penseraient les habitants ? Quel parti adopteraient-ils si leur prospérité en dépendait ? Voilà le coeur du questionnement de la pièce.

En ce sens, cela pourrait éventuellement rappeler le film Proposition indécente avec Robert Redford et Demi Moore même si le dilemme moral est ici bien différent comme vous le constaterez si vous décidez de lire et/ou de voir cette pièce.

De quelles compromissions sommes-nous capables collectivement, juste pour de l'argent ? Un pays aussi avancé écologiquement que l'était le Canada il y a quinze ans est-il capable de faire machine arrière, de sortir du protocole de Kyoto juste parce qu'il vient de trouver le moyen d'extraire du pétrole et du gaz de son sous-sol ? Ça m'étonnerait. Des guerres ultra-meurtrières se déclarent-elles juste pour asseoir les intérêts économiques de quelques gros industriels ? Peu crédible, vous avouerez…

Oui, j'ai du mal à le croire car l'Homme, oui l'Homme, ce sommet de l'évolution biologique a su s'extraire de son avidité primitive et de sa condition de bête affamée. Il vaut beaucoup, beaucoup mieux que ça car il est tout pétri, constamment irrigué de cette belle et grande et suprême valeur, que l'on nomme Morale et qui toujours le maintient fermement sur les rails de la décence. N'en doutons pas…

Bon, d'accord, à l'extrême, extrême rigueur, il arrive parfois qu'on maquille un tout petit peu la loi, qu'on change les règles de façon infinitésimale, qu'on tourne très légèrement la tête et qu'on regarde ailleurs au moment de valider une décision pas jolie, jolie. Mais entre-nous, c'est franchement rare, et on n'irait jamais jusqu'à tuer quelqu'un, voyons…

Sauf peut-être si la démonstration était faite et avérée que le quelqu'un en question fut vraiment méprisable, un genre de terroriste déguisé ou même un authentique terroriste, un Che Guevara au moins, plus tout à fait un homme en somme, un bon débarras pour la planète. Bon et puis si tout le monde y gagne…

Bref, une tragicomédie bien grinçante, assez plaisante à lire mais qui ne m'a pas non plus transporté d'allégresse. Intéressante toutefois. Bien entendu, ce n'est là que l'opinion d'une vieille dame, c'est-à-dire, bien peu de chose dans la balance, surtout si des intérêts supérieurs sont en jeu…
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